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  • Photo du rédacteurAnne

La Bugrane




Étymologie :

  • ARRÊTE-BŒUF, subst. masc.

ÉTYMOL. ET HIST. − 1545 (Guill. Gueroult, Hist. des Plantes, 44, cité par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 2, p. 261 : Ononis ou arreste-bœuf croist en terre grasse cultivée, en terre glutineuse). Composé de la forme verbale arrête (arrêter*) ainsi dénommé parce que les racines de la plante arrêtent le bœuf traînant la charrue. Mot pop., issu des dial. (FEW t. 1, p. 146a) cf. bugrane.

  • BUGRANE, subst. fém.

Étymol. et Hist. A. 1379 bouveraude (J. de Brie, Bon Berger, éd. Lacroix, p. 93) ; xvie s. bougrande (Maison rustique ds Roll. Flore t. 4, p. 116). B. 1542 bugrave [,,faute d'impression pour bugrane`` d'apr. Roll., op. cit. p. 117] (C. Gesnerus, Catalogus plantarum latinè, graecè, germanicè et galicè, Tiguri, ibid.) ; 1544 bugrane (Duchesne, ibid.). A du lat. vulg. *boveretina composé du lat. bos-, bovis (bœuf*) et retinere « arrêter » (cf. arrête-bœuf) parce que les racines de la plante arrêtent la charrue ; (ce lat. vulg. est attesté dans les gloses par les formes boberedna, boveretna, boberena (CGL t. 3, p. 554, 63 ; 587, 51 ; 608, 58) ; B prob. empr. au b. lat. būcrānium (pour le sens littéral, v. bucrâne) nom de plante (ves. Pseudo-Apulée dans TLL s.v., 2235, 62), transcription du gr. β ο υ κ ρ α ́ ν ι ο ν « id. » (Dioscoride dans Bailly) ; les formes du type bugrande 1542 (C. Gesnerus, loc. cit.), v. aussi Roll., loc. cit., sont le résultat d'un croisement entre A et B. L'étymon būcrānium est pour B préférable à un lat. vulg. *buculuretĭna (composé de buculum « bouvillon » et de retinere « arrêter ») proposé par Fouché, p. 369, les formes en bu- ne semblant pas antérieures au xvie s. et ne pouvant donc avoir suivi à partir de *buculuretina l'évolution phonét. décrite par Fouché.

  • ONONIS, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1545 (Guill. Gueroult, Hist. des Plantes, 44 cité par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 2, p. 261: Ononis ou arreste-boeuf). Empr. au lat. ononis « bugrane, arrête-bœuf », et celui-ci au gr. ο ν ω ν ι ς même sens, mot de formation obscure dér. de ο ν ο ς « âne », parce que cette plante arrête la charrue (Chantraine, s.v. ο ν ο ς ; André Bot.).


Lire également la définition des noms arrête-bœuf, bugrane et ononis afin d'amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Ononis arvensis ; Arrêta-bou ;

Ononis spinosa ; Agavon ; Arque-bœuf ; Arrête-bœuf ; Bougrate ; Bugrande ; Bugrane épineuse ; Équiopereau ; Équiopins ; Picote ;

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Botanique :


Valérie Bonet, autrice de "Pline et Théophraste: à propos des plantes médicinales." (In : Actes du colloque " Métissage culturel dans l’Antiquité" de la CNARELLA, 2008) évoque le savoir de Pline :


A propos de la bugrane (Ononis spinosa L. et sa sous-espèce Ononis antiquorum L.), plante épineuse aux nombreuses propriétés médicinales, Pline semble résumer Théophraste : « elle recherche les terres labourées, dit-il simplement, elle est l'ennemi des moissons et se montre particulièrement vivace » 56. Théophraste donne davantage de détails, présentant la plante comme un ennemi dangereux doté d'une grande volonté de conquête, qui ne peut être chassé du territoire qu'il occupe qu'après une longue lutte : « Elle pousse dans la terre grasse et luisante, en particulier dans les emblavures et les parcelles cultivées ; aussi est-ce une plante ennemie des agriculteurs. Et de plus, elle est difficile à détruire : dans les lieux qu'elle colonise, elle s'implante en profondeur tout de suite, et chaque année, elle donne naissance à des pousses latérales, qui s'implantent à leur tour l'année suivante. Il faut donc l'extirper complètement. Ce travail se fait quand le sol a été détrempé ; alors on en vient à bout plus facilement. Mais s'il en reste tant soit peu, elle repousse de là »

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Usages traditionnels :


Pierre-Joseph Bic'hoz, médecin de Monsieur et auteur de Etrennes du printemps, aux habitans de la campagne, et aux herboristes, ou pharmacie champêtre, végétale & indigène, à l'usage des pauvres & des habitans de la campagne (Lamy libraire, Paris, 1781) recense les vertus médicinales des plantes :


Racine d'Arrête-bœuf. C'est une des cinq racines apéritives. Elle convient dans l'hydropisie ; elle est très diurétique, & propre contre la jaunisse & le calcul des reins.

 

Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Les lithontriptiques, végétaux auxquels les gens de la campagne ont le plus souvent recours pour dissoudre les calcules rénaux et vésicaux et la gravelle, sont les fruits du raisin d'ours et l'écorce de la racine de l'arrêta-bou, Ononis arrensis et repens, pilée avec du sel.

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


On relève d'autres traces de la transmission du mal, à des plantes détachées du sol. Dans les Landes, on guérit le prurigo en suspendant sous le manteau de la cheminée un pied d'arrête-bœuf (Ononis) cueilli par on individu de l'âge et du sexe du malade.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette petite fleur :


Printemps - Avril.

BUGRANE, ARRÊTE-BOEUF - OBSTACLE. Un charme magique qu'aucune parole ne saurait exprimer, accompagne chaque matin l'aurore d'un beau jour. A l'aspect d’un si doux spectacle, le cœur le plus froid se sent pénétré de reconnaissance, l'imagination éteinte se rallume, et tout ce qui la frappe alors la touche, la pénètre, et se revêt pour elle des plus aimables formes. Dans une de ces délicieuses matinées du printemps, égarée sur les bords de la Meuse, sans soin et sans parure, je goûtais ce bonheur indéfinissable que l'aube matinale apporte au laboureur pour le consoler chaque malin des peines de la veille, et le préparer aux travaux du jour. Assise au pied d'un saule, je sentais tomber la rosée, lorsque tout à coup je vis à quelques pas de moi un beau vieillard qui s'appuyait en sou riant sur l'épaule d'un jeune adolescent blond, vif et charmant, comme devait l'être l'amant de Psyché. Arrêtés sous l'arbre voisin, tous deux ils considéraient de jeunes laboureurs, dont l'un, guidant le soc de sa charrue, ouvrait la terre, tandis que l'autre dirigeait quatre bœufs vigoureux, aidés de deux forts chevaux, qui, en avançant d'un pas égal et lent, traçaient dans la plaine de longs et vastes sillons. Tout à coup l'attelage fait de vains efforts, il s'arrête comme en chainé par une invisible main. Le fouet le presse, les traits se tendent, mais en vain. Les bœufs et les chevaux ne sauraient avancer. Mon père, dit le jeune homme, la charrue a sans doute rencontré la pointe d’un rocher ou la racine d'un vieux chêne, car qui pourrait arrêter des animaux si forts et si courageux ? Une bien faible plante sans doute, repartit le vieillard, mais à laquelle on a laissé pousser de profondes racines ; re garde à tes pieds, vois ces humbles rameaux couverts de jolies fleurs roses et papilionacées ; n'y porte pas la main, car ces fleurs couvrent des épines longues et cruelles ; ce sont les racines de cette tige, si frêle en apparence, qui arrêtent, comme tu le vois, l'effort de ces deux hommes et de ce puissant attelage. Mais regarde, les voilà qui redoublent d'efforts, l'obstacle est rompu, la plante est déracinée. Cette plante, mon fils, est une bugrane, appelée vulgairement arrête-bœuf : avec ses jolies fleurs, ses longues épines et ses racines profondes, c'est la sirène des champs et l'emblème des obstacles que le vice oppose à la vertu. Souvent, comme elle le vice nous attire par une apparence aimable, et nous arrête par d'invisibles chaînes. Pour en triompher toujours, souviens-toi, mon fils, qu'il faut une volonté ferme ; avec elle la vertu et le génie ne connaissent point d'obstacles. Mon père, reprit le jeune homme, je n'oublierai jamais la leçon que votre expérience donne à ma jeunesse. Chaque jour je m'en souviendrai en voyant lever le soleil. A ces mots, le vieillard et son fils s'éloignèrent mais leurs discours restèrent gravés dans mon cœur. Combien de fois, faible et agitée, je me suis rassurée contre moi-même, en répétant ces paroles du vieillard : La vertu ne connait point d'obstacle !

 

Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Bugrane - Obstacle.

La racine de cette plante s’étend beaucoup ; elle est si forte qu’elle casse quelquefois les socs de charrue qui la rencontrent.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


BUGRANE, ARRÊTE-BŒUF - OBSTACLE.

La conquête du royaume du ciel nous présente de grands obstacles ; c'est par de violents efforts qu'on les surmonte.

Matthieu. XI, 12 .

Si le laboureur négligent laisse la bugrane s'emparer de ses terres, elle y jettera bientôt des racines si profondes qu'il ne sera plus possible de les en arracher. Ainsi, le vice qu'on laisse germer dans un jeune cœur devient incurable si des parents aveugles ne l'aperçoivent et ne l'extirpent avant son développement. De la racine de cette plante, naissent plusieurs tiges dures, rameuses, velues, ordinaire ment étalées sur la terre. Elles sont dénuées d'épines dans leur jeunesse, mais elles deviennent épineuses en vieillissant, surtout dans les terrains arides. Ses fleurs sont axilliaires, solitaires, blanches ou purpurines. Les anciens considéraient cette plante comme nuisible à l'agriculture, par sa multiplication dans les terres labourables, et par la fatigue que ses tiges dures et ses racines tenaces donnaient aux bœufs qui pouvaient être offensés par ses épines ; d'où lui est venu le nom vulgaire d'arrête-bœuf et le choix qu'on a fait d'elle pour être le symbole de l'obstacle.


RÉFLEXION.

Les chaines qui nous lient aux créatures sont souvent rompues, que nous demeurons à la terre par notre propre poids. Cet obstacle qui s'oppose à notre salut et qui subsiste dans différents âges de la vie, n'est pas moins difficile à vaincre que les autres.

(Mme DE LA SABLIÈRE.)

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D'après Pierre Zaccone auteur d'un Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées, (L. Hachette, 1856) :


Arrête-bœufs : - entraves

Espèce de bugrane (plante légumineuse), ainsi nommée parce que ses racines traçantes font souvent obstacle à la charrue. - Le petit rameau sur lequel se groupent les fleurs, est terminé par une pointe jaunâtre, dure et fine comme une aiguille.

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Les racines de la bugrane, plante épineuse à fleurs roses des champs, sont si résistantes qu'elles arrêtent les charrues. Surnommée également « arrête-bœuf », on supposait qu'elle pouvait déferrer les chevaux. Les alchimistes, quant à eux, l'appelaient Lunaria minor et s'en servaient pour transformer le mercure en argent.

Suspendre sous le manteau de la cheminée un pied d'arrête-bœuf cueilli par une personne de l'âge et du sexe du malade guérit le prurigo (Landes).

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Dominique Fournier, auteur de Fleurs de Galarne (Éditions Cheminements, 2000) explicite le symbolisme de la bugrane à partir de ses différentes noms :


Les ânes (onos en grec) en raffolent et c'était le moins que de leur dédier cette plante (ononis en latin, je vous le rappelle).

Du temps où dans les champs l'on faisait tirer la charrue aux bœufs, il n'était pas rare que ceux-ci s'arquassent (arcuare, courber en arc) en se piquant les sabots aux épines raides de cette plante. Qu'advenait-il alors mes bons amis ? Ils clopinaient ! de l'ancien français cloper, boîter, qui a donné l'adjectif éclopé. Dérivés de ce vieux verbe, nous retrouvons l'équiopereau (éclopereau) et l'équiopins (éclopins).

« Herbe connüe du laboureur, par eux ainsi premièrement appelée pour l'empeschement que les racines lui donnent en labourant, jusques à arrester le boeufs ; elle est des Grecs dite Ononis. » (Olivier de Serres, Théâtre d'agriculture au mesnage des champs ; paru en 1600).

La variante artebœuf qui est la transition au mot de notre patois est citée par Godefroy en son Dictionnaire du vieux français.

La picote s'entend d'elle-même ! Elle est dérivée du français picoter, piquer.

Pourtant, il y a lieu de ne point la confondre avec une autre picote mentionnée par Rabelais en son Quart-Livre, chapitre 52 : « L'un y avoit la picote, l'aultre le tac, l'aultre la verolle, l'aultre la rougeolle, l'aultre gros furoncles. » Ce que les professeurs émérites translatent par : « L'un y avait la variole, l'autre la varicelle, etc. »/

D'ailleurs notre patois qui aime se rappeler au bon souvenir du vieux français, donne à la picote, outre le sens d'arrête-bœuf celui de petite vérole.

Bugrane nous vient du grec boukranon qui a donné le latin bucranium pour tête de bœuf. La boucrate n'est qu'une déformation de bugrane.

« L'écorce de la racine [de l'arque-bœuf] macérée du vin augmente les urines, réduit la gravelle et corrode le bord des ulcères. » Dioscoride, célèbre botaniste grec du 1er siècle après J.-C.

Diton des Buveux Très illustres et Vérolés Très précieux :

« Pour la sainte Charlotte

Prends garde à picote !

Pour la sainte Carole

Prends garde à vérole ! »

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