Étymologie :
SUREAU, subst. masc.
Étymol. et Hist. 1360 suraut (Ordonn. des Rois de France, t. 3, p. 417) ; [1527 sureau (d'apr. Bl.-W.5, s. réf.)] 1530 sureau (Palsgr., p. 193b : alder tree sureau). Dér., au moyen du suff. -eau*, de l'a. fr. seür « sureau » (1174-78, Étienne de Fougères, Manières, éd. R. A. Lodge, 312), lui-même dér., au moyen d'une finale -r d'orig. obsc., de l'a. fr. seü « sureau » (1176, Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 4725), issu du lat. sabucus, var. de sambucus « sureau » (v. FEW t. 11, p. 8).
HIÈBLE, YÈBLE, subst. fém.
Étymol. et Hist. xiies. ybles (Gloss. Tours, 332 ds T.-L.) ; 1re moitié xive s. hieble (Recettes méd., ms. Evreux 23, 14, ibid.). Du lat. ebulum « hièble ». Écrit avec h- initial au Moy. Âge pour éviter la prononc. jèble.
Autres noms : Sambucus ebulus - Faux sureau- Herbe à l'aveugle - Herbe aux yeux - Hièble - Hyèble - Petit saou (Wallonie) - Petit sureau - Sureau en herbe - Yèble -
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Botanique :
Dans "Confusion lors de cueillettes de plantes médicinales." (In :Bulletin du Cercle vaudois de botanique., 2003, vol. 32, p. 17-22) André Dolivo relève une confusion fréquente qui concerne les Sureau :
Contrairement à LECLERC (1954 p. 66) qui estimait que les fruits du sureau yèble (Sambucus ebulus, caprifoliacées) peuvent être substitués sans autre à ceux du sureau noir (Sambucus nigra), REYNAUD (2002 p. 54) laisse entendre qu’ils sont légèrement toxiques. Il en serait de même du sureau à grappes (Sambucus racemosa) dont les graines sont réputées émétiques.
Dans Les Plantes des Druides, Symbolisme, pouvoirs magiques et recettes de la tradition celtique (Éditions Rustica, 2017) Florence Laporte nous décrit le Sureau :
Risques de confusion : En Europe, il existe principalement trois espèces de sureau. On peut confondre le sureau noir avec l'yèble et le sureau rouge (appelé également le sureau à grappes). L'yèble et le sureau noir se ressemblent beaucoup, mais il y a toutefois de grosses différences. Il est important de les connaître car les fruits de l'yèble sont toxiques.
Pour ne pas les confondre, on doit se rappeler que le sureau est un petit arbre, contrairement à l'yèble qui est une grande herbe. Le sureau a des branches, du bois, une écorce ; l'yèble a simplement une grande tige toute droite qui disparaît tous les ans. L'yèble fleurit plus tardivement que le sureau, vers le mois de juillet. Ses fruits sont tournés vers le haut alors que les baies du sureau noir sont pendantes, tournées vers le sol.
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Vertus médicinales :
Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques du Hièble :
Propriétés Physiques. et Chimiques — L'odeur et la saveur de cette plante se rapprochent beaucoup de celles du sureau noir. Les feuilles ont une saveur amère et nauséeuse ; les fleurs fraîches exhalent une odeur nauséeuse qui devient plus forte, mais moins désagréable par la dessication. Les baies ont une odeur peu prononcée ; elles peuvent subir la fermentation alcoolique ; elles contiennent un principe colorant qui sert à colorer les vins.
Usages médicaux. — Les propriétés médicales de l'hièble sont celles du sureau commun, à un degré plus faible cependant . C'est un purgatif drastique et en même temps un diurétique , un sudorifique et un résolutif ; l'écorce et principalement celle de la racine est vantée contre l'hydropisie et l'anasarque ; les feuilles en topique sous forme de cataplasme conviennent dans le traitement des engorgements articulaires, lymphatiques, glanduleux, œdémateux.
Formes et doses. — Décoction de l'écorce. 12 à 30 grammes par kilogramme ― Infusion des fleurs, 4 à 8 grammes par kilogramme d'eau. Suc des racines, 6 à 10 grammes et plus. - Extérieur, feuilles et fleurs , en cataplasme, décoction, lotion, fomentation, etc.
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Usages traditionnels :
Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :
En Dauphiné, on a mangé de même [cuites à l'eau], d'après Villars, celles [les jeunes pousses] de l'hyèble, Sambucus ebulus, et même celles du savu, sureau en arbre, Sambucus nigra.
[...]
Les teintures végétales ne pouvant supporter la concurrence des teintures chimiques dont le prix est bien moindre, les plantes tinctoriales ont cessé d'être cultivées, et on en récolte plus guère celles qui croissent dans nos vallées et sur nos montagnes. Je me souviens d'avoir vu dans mon enfance arracher, pour la teinture, l'épine-vinette et l'Asperula cynanchica ; aujourd'hui personne n'y songe. L'énumération que je fais des plantes tinctoriales spontanées en Savoie n'a donc qu'un intérêt historique.
Teinture rouge : [...] Les baies de l'hyèble, Sambucus ebulus, servent encore quelquefois à colorer les vins faibles en couleur.
Jacques Chaurand, dans un article intitulé "Les noms du sureau dans l'est picard: polyphonie des études dialectales et toponymiques." (Nouvelle revue d'onomastique, 2000, vol. 35, no 1, pp. 33-40) évoque un usage plutôt misogyne :
Le syntagme séhu qui pue contient une qualification attachée à la plante, parfois accrochée à la porte d'une jeune fille le jour du 1er mai, ce qui lui laisse peu d'illusion sur ses charmes. L'expression est parfois réservée au sureau hièble qui sent plus fort que le sureau noir. On fait avec séhu ce qu'on ne peut pas faire avec sui.
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D'après Danielle Gourevitch, autrice de "Le pain des Romains à l'apogée de l'Empire. Bilan entomo-et botano-archéologique." (Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2005, vol. 149, no 1, pp. 27-47) :
Dans les Gaules, à Metz (Divodurum Mediomatricorum), et plus encore sur le site d'Amiens-ZAC Cathédrale (Samarobriva Ambianorum) où un grenier incendié à la fin du IIe siècle ne valait guère mieux que celui d'Herculanum ; une fois le bâtiment écroulé, le stock carbonisé s'est conservé en milieu humide : on a pu constater qu'à l'épeautre (Triticum spelta) étaient mêlés des févéroles, de l'orge et de l'engrain, mais aussi des plantes sauvages : brome seigle (Bromus secalinus), folle-avoine (Avena fatua), sureau hièble (Sambucus ebulus), ainsi que la très toxique nielle des blés (Agrostemma githago).
[...]
II peut arriver aussi que des fruits de sureau hièble soient introduits dans des cargaisons comme à Laurium ou dans des stocks comme à Amiens, probablement à cause de l'effet répulsif qu'ils peuvent avoir sur les insectes-parasites. Mais il peut y avoir un effet pervers, puisque, leurs graines sont toxiques pour l'homme, à forte dose.
Dictons et proverbes :
Aimé de Soland nous offre des Proverbes et dictons rimés de l'Anjou : recueillis et mis en ordre. (Lainé Frères, 1858) dont un concerne le sureau hièble :
Où l'hièble croîtra,
Le blé poussera.
Symbolisme :
Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :
HYÈBLE OU SUREAU (HIÈBLE) - HUMILITÉ.
Les feuilles et la graine de l'hiềble sont d'un vert obscur.
Et l'hieble touffu se cache dans les plaines. CASTEL
Edouard Le Héricher, auteur de Normandie scandinave : ou, Glossaire des éléments scandinaves du patois normand. (H. Tribouillard, 1861) associe la couleur des fruits de l'hièble au souvenir des invasions normandes :
DANE, danois, en anglais Dane, d'où Danewort, l'hièble dont les fruits couleur de sang symbolisent pour le peuple la sanglante invasion des Danois. Ce nom générique des Scandinaves ou Northmans, resté annexé à quelques noms historiques, Ogier-le-Dane, Ansfroyle-Dane, dit aussi le Gotz ou le Goth, forme qui révèle la prononciation du Th, subsiste dans beaucoup de nos noms topographiques dont nous avons cité quelques-uns dans notre Introduction aux Origines Scandinaves, tels que la Danerie, Danestal, ancien nom de Darnetal, Denneville.
Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :
YÈBLE, OU SUREAU COMMUN : Vous me consolez de toutes mes peines.
Cette plante, très-commune, fleurit au mois de juin, on lui attribue de grandes vertus médicinales.
YÈBLE DU CANADA. : Ennui ; Sottise.
— A GRAPPES : Caquet ; Bavardage.
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François Poplin, auteur d'un article intitulé "Du cornouiller magique à Mars sanguineus". (Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2010, vol. 154, no 1, pp. 139-162) étudie deux couples symboliques de plantes :
En XVI, 103, autre confusion, faite par Pline, mais intéressante par ce qu’en dit J. André, montrant sa manière un peu raide : Pline, traitant des dates de fl oraison, dit que les deux premiers arbres à fleurir dans l’état de nature sont le sureau noir et le cornouiller mâle, précisé tel, mascula, dans le texte, et cette indication montre que Pline avait aussi le féminin en tête en écrivant. Il commet une étourderie pour le moins en mettant la fleur du sureau à ce moment du premier printemps (février-mars). André sanctionne (n. 3) : « Erreur de Pline », ce qui paraît un peu expéditif. A-t-on le droit d’édicter ainsi « un mot rayé nul » ? Il apparaît encore dans l’attitude du correcteur plus censeur qu’analyste, ne cherchant pas à remonter aux causes. Je voudrais ramener le lecteur à mes orées et talus de chemin de fer du vrai printemps, en mai-juin, à ces milliers de kilomètres de voies ferrées que bordent et manchonnent à ce moment-là, après les mahalebs, les ombelles blanches, grandes et petites, du sureau noir et du cornouiller sanguin, comme des ombrelles dans la lumière d’un paysage à la Monet.
Dans cette affaire, il y a deux couples, étroitement parallèles, celui du sureau noir et du sureau hièble, qui n’a même pas de bois, et celui du cornouiller mâle et du cornouiller sanguin ; chacun de ces couples a un élément fort, marquant (le sureau noir, le cornouiller mâle), et un élément faible (l’hièble, le cornouiller sanguin), que le fort éclipse et qui risque d’être oublié. Ce parallélisme, que je ne détaille pas (dans chaque couple, les fruits du faible sont mauvais, ceux du fort sont bons à manger, etc.), ouvre des possibilités de communication des caractères, d’échanges, de confusion. Parmi les éléments importants à considérer, il y a la moelle, et la considération doit porter non seulement sur la chose, mais encore sur la manière dont la chose est dite, avec ce balancement de la phrase latine, où les noms des deux arbres (sabucus est une forme de sambucus chez Pline et Apicius) sont mis en écartement maximal :
primae sabucus cui medulla plurima et cui nulla cornus mascula
ce qui met la plus grande distance entre les deux essences, séparées, comme écartelées par la différence de moelle. Pour celle-ci, nulla marque un terme absolu, une fin complète, alors que plurima, quoique superlatif, n’est pas totalitaire ; il peut avoir de sens de « très » ; il peut y avoir encore plus sans moelle dans la nature, et c’est ce qu’est le sureau hièble, frappé d’inconsistance, ebulus tota medulla dans la mesure où il fond dans l’hiver comme l’herbacée qu’il est. Avec lui, il y a trois stades : le tout bois (cornouiller mâle), le tout moelle (sureau hièble) et, à mi-chemin, mariés dans le déroulement des saisons par leur fleur et leur fruit, le sureau et le cornouiller sanguin.
Devant le trio des plus ou moins faibles (sureau, cornouiller sanguin, hièble), réunis sous le signe de l’ombelle et du fruit petit, noir et multiple, le cornouiller mâle aux fruits rouges isolés ressort comme un hercule. C’est sur ce réseau que s’est produit le lapsus saisonnier de Pline. Il en est le révélateur. Il y a joué en dérivant le lien entre sureau noir et cornouiller mâle en lien entre sureau noir et cornouiller sanguin. Cela fait entrevoir une combinaison très matérielle, au sens de materia = bois d’œuvre (par opposition à lignum = bois de chauffe) : le groupe des porte-ombelles, non seulement sous l’aspect des fl eurs mais encore sous celui des fruits, s’offre comme un ensemble à image de bois mauvais, tout juste bon à brûler, lignum, en opposition avec le puissant cornouiller mâle, plutôt fournisseur de materia. Il se trouve que je n’ai jamais, au grand jamais, entendu parler de mettre du cornouiller mâle au feu, sauf à celui de la forge dans le passage de Tite-Live qui nous occupe, pour durcir la lance, dans une assimilation au fer qui une des plus belles et convaincantes qui soient, où cornus est ferrata aut usta, dans un sens opposé à celui du combustible ; alors que le cornouiller sanguin est célébré pour chauffer les fours à cuire le pain, en même temps que pour monter des paniers, ce qui est bien le contraire tout féminin des occupations de Vulcain. Dans cet aspect matériel au sens premier, le cornouiller sanguin est bien la faible femme du cornouiller mâle.
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Symbolisme celte :
Selon Jacques Poisson, auteur d'un "Aperçu sur la pharmacopée gauloise". (In : Revue d'histoire de la pharmacie, 92ᵉ année, n°343, 2004. pp. 383-390) :
Une série de plantes alexitères, utilisées contre les attaques des serpents venimeux, suggère que ceux-ci étaient redoutés et devaient être responsables de nombreux accidents : bettonica, exacoum, déjà citées, chamelaea (non identifiée), britannica, hièble ou petit sureau (odocos, eboucone), serpentaire (gigarous), suc d'euphorbe, graines de trèfle (visoumarous) (?).
Mythologie :
D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),
SUREAU. — Le sureau joue un grand rôle dans les superstitions germaniques ; mais aussi dans l’antiquité classique, on lui attribuait des pouvoirs magiques. En Allemagne, au Danemark et en France, on le supplie encore avant de s’en servir : « Lorsque les habitants du canton de Labruguière, écrit De Nore (Couttumes, mythes et traditions des provinces de France), ont un animal malade de quelque plaie envahie par les vers, ils se rendent dans la campagne auprès d’un pied de yèble « sambucus ebulus » et, tordant une poignée de cette plante dans leurs mains, ils lui font un grand salut et lui adressent les paroles suivantes en patois « Adiù siès, monsu l’aoûssier, sé né trases pas lous bers de moun berbenier, vous coupi la cambo, maï lou pey ! » ce qui veut dire : « Bonjour, monsieur le yèble ; si vous ne sortez pas les vers de l’endroit où ils sont, je vous coupe la jambe et le pied. » Cette menace effectuée, la guérison est assurée, ou peu s’en faut. » Eh bien, nous trouvons déjà quelque chose de semblable chez Apulée, De Virtutibus Herbarum : « Herbam ebulum tene ; et, antequam succidas eam, ter novies, (ainsi vingt-sept fois, autant de fois qu’il y a de jours dans un mois lunaire), dices : « Omnia mala bestiae canto » utque eam ferro quam acutissimo secundum terram trifariam praecidito, et id faciens, de eo cogitato cui medeberis, reversus ita ne respicias, post tergum et ipsam herbam contritam morsui apponito, statim sanabitur. » Chez le même : « Ad splenis dolorem : Herbae ebuli radicem siccatam et in pulverem mollissimum redactam, ex vini cyathis quatuor, pulveris cochlearia tria, in limine stans, bibat, et ebulum semper secum habeat, sine ferro lectum. »
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Contes et légendes :
L'Aveugle
Il y avait une fois (1) un aveugle fort riche, et qui avait une fille à marier. Cet aveugle était un homme fort avisé, et quand un galant se présentait pour lui demander sa fille, il répondait :
- Donnez l'avoine à mon bidet, et mettez-lui la bride et la selle. Je veux aller voir si les champs de ce jeune homme sont bons.
- Mais, pauvre homme, vous êtes aveugle. Comment le verrez-vous ?
- Je le verrai bien.
Arrivé dans les champs du galant, l'aveugle descendait de son bidet et disait :
- Attachez ma bête à un pied d'hièble.
- Il n'y a point d'hièble dans ces champs : il n'y a que de la fougère.
Alors l'aveugle remontait sur son bidet et disait : Je ne veux pas encore marier ma fille. Pendant trois ans, il fit et parla de même ; mais un jour un galant lui répondit :
- Voilà qui est fait. Votre bidet est attaché à un hièble.
- Fais-moi toucher l'hièble et la bride. Je veux savoir si mon bidet est bien attaché.
L'aveugle toucha la bride et la plante, et comprit à l'odeur des feuilles que son bidet était réellement attaché à un hièble.
- Galant, dit-il, tu auras ma fille, et nous ferons la noce quand tu voudras.
Cet aveugle avait raison. Il voulait marier richement sa fille, et il avait vu autrefois que la fougère pousse dans les mauvaises terres, et l'hièble dans les bonnes.
Note : 1) Écrit sous la dictée de Mme Lacroix.
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