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XIII. L'Arcane sans nom / Sucellos

Dernière mise à jour : 18 août




Identification :


Cela peut paraître évidemment une gageure absurde que de vouloir identifier l'Arcane sans nom, mais nous avons surtout chercher à identifier l'archétype qui renvoie aux puissances occultes de la Mort. Dans cette optique, divers candidats possibles ; nous avons opté pour Sucellos en suivant la proposition de Laura Tuan, avec l'hypothèse selon laquelle il ne serait qu'une des facettes du Dis Pater gaulois dont le nom nous est justement perdu ou bien... tabou.




Symbolisme :


Antoine Court de Gébelin nous propose sa vision des cartes du Tarot dans un petit opuscule intitulé Du Jeu des Tarots (Extrait du MONDE PRIMITIF, Tome I, Huitième édition, 1787) :


N° XIII. — LA MORT

Le N° XIII représente la Mort : elle fauche les Humains, les Rois et les Reines, les Grands et les Petits; rien ne résiste à sa faux meurtrière. Il n’est pas étonnant qu’elle soit placée sous ce numéro ; le nombre treize fut toujours regardé comme malheureux. Il faut que très anciennement il soit arrivé quelque grand malheur dans un pareil jour, et que le souvenir en ait influé sur toutes les anciennes Nations. Serait-ce par une suite de ce souvenir que les treize Tribus des Hébreux n’ont jamais été comptées que pour douze ? Ajoutons qu’il n’est pas étonnant non plus que les Égyptiens aient inséré la Mort dans un jeu qui ne devrait réveiller que des idées agréables : ce Jeu était un jeu de guerre, la Mort devait donc y entrer : c’est ainsi que le jeu des échecs finit par échec mat, pour mieux dire par She mat, la mort du Roi. D’ailleurs, nous avons eu occasion de rappeler dans le Calendrier, que dans les festins, ce Peuple sage et réfléchi faisait paraître un squelette sous le nom de Maneros, sans doute afin d’engager les convives à ne pas se tuer par gourmandise. Chacun a sa manière de voir, et il ne faut jamais disputer des goûts.

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Selon Papus, auteur duTarot des Bohémiens: La Clef Absolue de la Science Occulte (1889) :


13e lettre hébraïque (le Mem)

ORIGINE DU SYMBOLISME DE LA TREIZIÈME LAME DU TAROT


Le mem désigne hiéroglyphiquement la femme, compagne de l’homme. De là l’idée de tout ce qui est fécond et formateur. C’est le signe maternel et femelle par excellence, le signe local et plastique, image de l’action extérieure et passive. Employé à la fin des mots ce caractère devient le signe collectif ם (mem final). En cet état il développe l’être dans l’espace.

La création nécessitant une destruction égale et de sens contraire le mem a désigné toutes les régénérations nées de destructions antérieures, toutes les transformations et par suite la mort conçue comme passage d’un monde à l’autre. Le mem est une des trois Mères.


Treizième lame du Tarot : La Mort ou le Squelette faucheur

Les idées que doit exprimer cet arcane sont celles de la destruction précédant ou suivant la régénération.

Un squelette fauche des têtes dans un champ d’où sortent de tous côtés des mains et des pieds d’hommes à mesure que la faux poursuit son œuvre.

Les œuvres de la tête (conception) deviennent immortelles dès qu’elles sont réalisées (mains et pieds).

L’arcane 13 s’explique par les arcanes 10 (la Fortune) et 16 (la Destruction) dont il occupe le milieu.

10 + 16 = 26 2672 = 13.

13 est donc le milieu entre le iod (Principe de la création) et le haïn (16) Principe, de la destruction.

L’arcane 13 se complète par l’arcane 18 qui est son complémentaire comme, le cinquième l’était du deuxième et le douzième du septième. (Voy. l’arc. 8 et l’arc. 5)


13 18

La mort est complétée par La Lune

13 + 8 = 31

31 = 4 = 1 = 10 = 1


14 17

La Tempérance est complétée par Les Étoiles

14 + 17 = 31


15 16

Le Diable est complétée par La Destruction

15 + 16 = 31


La treizième lame du Tarot est placée entre le monde invisible et le monde visible. C’est le lien universel de la nature, le moyen par lequel toutes les influences agissent d’un monde à l’autre. Elle signifie :

  1. Dieu le transformateur : Le principe transformateur universel ; Destructeur et créateur.

  2. Le négatif de la réalisation : La Mort

  3. La lumière astrale faisant fonction de Créateur : la Force plastique universelle (équilibrant la mort et la force transformatrice).

​RAPPORTS

​SIGNIFICATIONS

​Hiéroglyphe primitif : La Femme Lettre hébraïque : Mem (une des trois Mères)

​ LE PRINCIPE TRANSFORMATEUR UNIVERSEL Destructeur et créateur LA MORT

​OBSERVATIONS

LA FORCE PLASTIQUE UNIVERSELLE

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Marie-Claire a la gentillesse de partager avec nous son travail de condensation par extraits choisis des Méditations sur les 22 Arcanes Majeures du Tarot d'un auteur qui a préféré garder l'anonymat (Éditions Aubier, 1980, 1984) :


Arcane XIII : La Mort

Dieu dit : « Tu ne mangeras point de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras » et le Serpent dit : « Vous ne mourrez point ». Y-a-t-il deux immortalités et deux morts différentes, les unes au point de vue de Dieu, les autres au point de vue du Serpent ? De telle sorte que le Serpent entend par mort ce que Dieu entend par vie et qu’il entend par vie ce que Dieu entend par mort ?

Notre expérience empirique de la mort est la disparition des êtres vivants du plan physique. La disparition comme telle ne se borne pas là, elle est encore expérimentée dans le domaine de l’expérience intérieure là où des images et des représentations disparaissent. C’est l’oubli qui s’étend dans notre sommeil sur l’ensemble de notre mémoire, notre volonté, notre entendement, de sorte que nous nous oublions entièrement. L’oubli, le sommeil et la mort sont trois manifestations d’intensité différente d’un seul principe ou d’une seule force. L’oubli est à la mémoire ce que le sommeil est à la conscience, et le sommeil est à la conscience ce que la mort est à la vie.

Lorsque l’on est à l’état de veille, il y a dans notre être psychique des couches qui sont en sommeil ; des faits, des gens, des idées, Dieu... A l’absence de la foi, de l’espérance et de l’amour on ne peut remédier, ni par des arguments, ni par des exhortations, ni même par l’exemple vivant. Il faut un acte de la Magie divine - ou la Grâce - pour insuffler la vie dans ce qui est mort. Si le Christ est vénéré comme le ressuscité, c’est parce que ceux qui portent en eux la mort savent que seule la Magie divine peut ressusciter ce qui est mort en eux et que le Christ ressuscité en est l‘exemple.

L’Arcane de la Mort se présente comme l’image d’une sphère noire sur laquelle il y a des touffes d’herbes bleues et jaunes et au-dessus desquelles il y a un squelette qui fauche. Elle contient aussi des têtes, des mains et un pied humain. Le noir est le symbole de l’oubli aussi bien involontaire et naturel que celui de l’oubli volontaire et surnaturel dont parle Saint Jean de la Croix ; cette triple nuit des sens, de l’entendement et de la volonté dans laquelle s’accomplit l’union de l’âme avec Dieu. Les touffes d’herbe ou les feuilles sont le symbole du sommeil parce que le sommeil profond est un état végétatif. Le squelette symbolise la mort parce que celle-ci réduit le phénomène de l’homme conscient et vivant à ce qui est minéral en lui.

L’Arcane représente la triple manifestation du principe de la soustraction ; de l’oubli, du sommeil et de la mort. Il faut soustraire le Moi du corps astral, du corps éthérique et du corps physique pour comprendre le mécanisme de l’oubli, il faut soustraire le Moi et le corps astral du corps éthérique et du corps physique pour obtenir l’état de sommeil, il faut soustraire le corps éthérique du corps physique pour obtenir le cadavre càd la mort. La faux symbolise la force de la désincarnation càd celle qui tranche les liens entre le Moi et le corps astral (l’oubli), les liens entre le corps astral et éthérique (le sommeil) et les liens entre le corps éthérique et le corps physique (la mort).

Considérons le domaine de l’oubli et de la mémoire. La mémoire est la magie, dans le domaine subjectif, qui effectue l’évocation des choses du passé. Le souvenir présent est le résultat d’une opération magique dans le domaine subjectif par laquelle j’ai réussi à faire surgir du néant de l’oubli une image vive du passé. Dans la mémoire automatique ou mécanique, le rappel arrive selon les lois automatiques des associations, c'est-à-dire des ressemblances, des affinités, des contrastes... Quant à la mémoire logique, elle exige un effort plus conscient et moins d’automatisme, il faut penser pour se rappeler les choses. Dans la mémoire morale, c’est l’amour qui est à l’œuvre lorsque cette mémoire se rappelle les choses inoubliables du passé, c'est-à-dire évocables à chaque instant : l’admiration, le respect, l’amitié, la gratitude, l’affection...

La mémoire verticale ou révélatrice ne relie pas le présent au plan du passé de la vie physique, psychique et intellectuelle mais relie le plan de la conscience ordinaire aux plans des états de conscience supérieure. La mémoire verticale est plus efficace au fur et à mesure que les trois vœux sacrés - l’obéissance, la pauvreté et la chasteté- rendent l’homme capable d’écouter, de percevoir et de recevoir les choses d’en haut sans distorsion. Nous devons aller chercher la clef de l’opération du rappel de la mémoire dans le degré le plus haut du développement de la mémoire ; la mémoire morale et la mémoire verticale.

« Or, Jésus aimait Marthe, et sa sœur, et Lazare... Jésus étant arrivé... Otez la pierre... Ils ôtèrent donc la pierre... Jésus cria d’une voix forte : Lazare, sors ! Et le mort sortit...» (Jean XI). L’opération du rappel à la vie - ou résurrection - comporte trois stades :

  • Venir et arriver, c'est-à-dire l’activité qui cherche et trouve la dernière porte qui sépare le rappelant du rappelé. Venir le plus près possible du sujet à rappeler est le premier effort de l’opération.

  • Ôter la pierre, c'est-à-dire l’effort qui vainc le doute, la dépression, la fatigue, le désespoir, tout ce qui barre le chemin au rappelé. La pierre placée devant la porte ne permet pas aux réminiscences du passé de sortir de leur profondeur et d’entrer dans le jour de la conscience.

  • Le cri d’une voix forte, c'est-à-dire l’effort suprême du rappel par la force de l’amour soit à la vie comme c’était le cas avec Lazare, soit à la mémoire comme c’est le cas du rappel à la mémoire verticale et morale.

Plus une voix est forte et audible dans le monde spirituel, plus elle exprime d’efforts et de souffrance en y créant des vibrations suffisamment fortes et intenses. L’effort du chapelet fondé sur la souffrance en fait un moyen puissant, presque tout-puissant parfois, de la Magie sacrée. L’amour qui met tous ses efforts dans l’action accomplit le miracle du rappel, aussi bien de l’oublié à la mémoire que du mort à la vie. Le Sermon sur la montagne est l’enseignement du faire et le triomphe de celui-ci sur le fonctionnement automatique. «Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent... . Ce n’est que par le miracle que l’être véritable s’exprime, que son verbe créateur se révèle. « Toutes choses ont été faites par le Verbe et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui. » dit l’Evangile.

Si le rappel est un acte analogue à la résurrection de Lazare, qu’en est-il de l’oubli ? Dans la mémoire mécanique, les choses s’oublient automatiquement. Dans la mémoire logique, les choses s’effacent peu à peu si on ne les rappelle pas de temps en temps à l’attention consciente. Dans la mémoire morale et la mémoire verticale, rien ne s’oublie. L’oubli est le moyen de transition d’un état de conscience à un autre. Si l’union mystique de l’âme avec Dieu est l’oubli du monde phénoménal et le rappel de Dieu, la mort est simultanément l’appel d’en-haut et l’oubli d’en-bas.

Les trois étapes du chemin conduisant à l’union de l’âme avec Dieu - la purification, l’illumination et l’union - se répètent après la mort ; le purgatoire est la purification qui précède l’illumination ou le ciel, le ciel est l’état de l’âme lorsque celle-ci arrive à l’union avec Dieu, analogue à celle que les mystiques expérimentent lors de leur passage sur terre. La mémoire manifeste alors une perfection supérieure dans toutes ses actions dirigées vers la terre. C’est ce qui explique le culte des saints qui sont des âmes qui ont l’habitude de l’union et sont, de ce fait, en possession de la mémoire supérieure divinisée. Aussi agissent-ils le visage tourné vers la terre et la vie humaine au nom de Dieu sur la terre. Ils sont unis à Dieu et suivent la volonté divine d’une manière aveugle grâce à leur foi parfaite. Il en va de même des hiérarchies célestes.

La naissance peut être, elle aussi, sainte ou naturelle c'est-à-dire être un acte d’obéissance à la volonté divine ou bien s’effectuer à la suite d’un appel de la terre. Dans le premier cas, c’est un acte analogue au rappel de la mémoire verticale ou morale càd analogue au miracle de la résurrection de Lazare ; dans le second cas, c’est un événement mi-volontaire, mi-involontaire où l’âme tombe - parfois sans qu’elle s’en aperçoive - dans la sphère de l’attraction terrestre en lui faisant peu à peu oublier ses expériences d’en-haut. Dans le cas de la naissance sainte, ce n’est pas grâce à l’oubli du divin que l’âme s’incarne mais grâce au souvenir de l’état d’union habituelle avec Dieu. Ce souvenir agit en elle durant toute sa vie terrestre tant il est ancré dans sa volonté. On parle alors de « mission » ou d’une « élection ».

La vraie mission sur terre sert la cause de l’anoblissement et de la spiritualisation de ce qui est, on pourrait dire qu’elle perfectionne tout ce qu’il y a d’humain sur terre ; la civilisation, la religion, la famille, la culture... Or la naissance, le réveil et le rappel d’une part, la mort, le sommeil et l’oubli d’autre part constituent deux colonnes forces de la réalité. Elles sont le oui et le non dans tout domaine ; mental, psychique ou physique. «Que votre parole soit oui, oui, non, non... le surplus vient du malin» (Matthieu V, 37). Le oui et le non sont l’essentiel de la réalité càd la vérité pure et simple. Le Serpent ayant dit : « Vous ne mourrez point » a-t-il tout simplement menti ou a-t-il énoncé une vérité propre au domaine du Serpent ?

Le Serpent offre et promet une cristallisation telle de l’être humain qu’il résistera à la mort et deviendra réfractaire à la mort. Cette cristallisation s’effectue par friction intérieure càd par l’énergie électrique qui est produite par le fruit de la connaissance du Bien et du Mal càd par la lutte du oui et du non dans l’homme. Le programme du Serpent constitue le noyau ésotérique ou le secret caché de la science matérialiste. Le processus de la cristallisation est sous-jacent à la méthode millénaire de la construction de la Tour de Babel qui a lieu de bas en haut c'est-à-dire du corps vers l’esprit. Le Serpent de la Genèse a opposé à l’immortalité divine l’immortalité de la cristallisation de bas en haut.

Il y a la mort qui est l’éloignement du Père et de sa maison tel l’enfant prodigue « Mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé » (Luc XV, 24 et 32) et la mort du corps physique qui revient à l’éloignement du plan physique et de la gravitation terrestre. La cristallisation complète est donc la mort complète au point de vue divin tandis que la vie complète est l’état du rayonnement comme le soleil càd celui de la décristallisation complète. « Tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance car le jour où tu en mangeras, tu mourras » càd tu t’éloigneras de moi. Quand le Serpent dit « Vous ne mourrez point », il veut dire « Vous vivrez éloignés de Dieu et je me chargerai de la continuation ininterrompue de votre vie dans l’horizontale, je suppléerai au manque de sagesse et d’amour divins en les remplaçant par l’intellect et l’électricité psycho-physique qui seront la source de votre vie ». Le Serpent entend donc par « vie » ce que Dieu entend par « mort » et vice versa.

La Croix de l’humanité - la Croix du Calvaire - est celle de deux vies et deux morts opposées. La résurrection n’est donc pas seulement le triomphe de la Vie sur la mort mais, plus encore, le triomphe de la Vie sur la vie. Elle est la victoire de la verticale sur l’horizontale, du rayonnement sur la cristallisation. « Pourquoi cherchez vous parmi les morts celui qui est vivant ? » (Luc XXIV). Celui qui a eu l’expérience de son noyau, càd qui a été une fois véritablement soi-même, traversé par le Souffle divin, baigné de la Lumière divine et vibrant de la Chaleur divine, celui-là sait ce qu’est l’immortalité et qu’il est immortel. La certitude de l’immortalité est absolue quand l’homme a eu l’expérience réelle et intime du noyau de son propre être et de son rapport essentiel à Dieu. Nos grands penseurs (Descartes, Kant...) et les yogis hindous sont arrivés à l’expérience du noyau de l’être humain, du Moi transcendant. De là, leur certitude du « Je suis » et du « Je suis libre et immortel et en présence de Dieu ».

C’est par la maîtrise de l’oubli, du sommeil et de la mort qu’on arrivait, qu’on arrive et qu’on arrivera à l’expérience mystique de l’âme unie à Dieu, à la certitude absolue de l’immortalité et cela par les trois étapes du chemin éternel de la mystique : la purification, l’illumination et l’union. La gnose est l’apport de l’expérience mystique avec la participation de l’entendement et de la mémoire qui passent le seuil en même temps que la volonté tout en restant à l’état de veille. C’est l’entraînement poursuivi au moyen du symbolisme qui les rend capables de participer à l’expérience mystique de la volonté sans défaillir. Elles n’y participent qu’en témoins, elles gardent le silence complet et ne jouent que le rôle du miroir. Le résultat de leur présence comme témoins de l’expérience mystique de la volonté fait que cette expérience devient exprimable et communicable.

Tout mystique est mage en tant et autant qu’il agit en étant inspiré par son expérience mystique. La Magie sacrée est la mise en œuvre de ce que le mystique contemple et ce que le gnostique apprend par révélation. L’Hermétisme peut donner une certitude trismégiste càd la triple certitude de l’expérience mystique, gnostique et magique de l’immortalité. Cette certitude se produit en trois ou quatre étapes du mouvement révélateur descendant du haut en bas. C’est ce que la tradition appelle « la descente de la Jérusalem céleste » c'est-à-dire la transformation graduelle de la civilisation humaine en une cité céleste où le monde entier serait guéri grâce à l’avènement d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre par opposition à la construction de la Tour de Babel.

Avec l’Arcane de la mort, nous voyons que la Mort fauche des mains, des pieds, des têtes qui paraissent au-dessus du sol noir. Elle ne fauche ni l’herbe qui pousse, ni des corps humains entiers qui ne s’y trouvent pas. La Mort agit en gardien du seuil et coupe tout membre du corps humain qui dépasse ce niveau. Elle agit en chirurgien plutôt qu’en exterminatrice. Elle coupe les membres électriques du corps physique qui paraissent au-dessus du niveau - qui est le seuil des deux mondes - où commence la région du monde vital. Elle accomplit l’amputation des membres malades, malades en ce sens qu’ils ont usurpé un domaine d’existence qui ne leur appartient pas légitimement, avant que le mal ne devienne irrémédiable.

La Mort est-elle appelée à tuer, à détruire ou n’a-t-elle pas la mission de guérir par la chirurgie ? La Mort est bien le principe de la chirurgie dans le monde. Elle effectue l’amputation des membres devenus inutilisables, et même de l’ensemble des membres inutilisables càd du corps physique en entier afin d’en libérer l’être humain entier. La Mort correspond à la chirurgie dans l’hôpital cosmique. Elle est le dernier recours pour sauver la vie. Au-dessus d’elle, il y a encore trois principes destinés à maintenir et rétablir la santé du monde et des individus qui l’habitent ; la Mystique, la Gnose et la Magie sacrée. En paraphrasant la devise de la révolution française, on pourrait dire « Mystique, Gnose, Magie ou ... mort ! »

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Sur le site de Philippe Camoin, on peut trouver un petit fascicule intitulé Le Tarot de Marseille restauré ou "L'Art du Tarot" par Alexandro Jodorowsky qui propose une liste de mots clefs impressionnante, glanés selon les œuvres de différents auteurs :

ARCANE XIII

Immortalité - Dieu de vie - Circulation éternelle de la vie au travers de la mort et de la renaissance - Transformation - Mobilité. - Fluidité éternelle des choses - Maternité - Génération - Naissance dans une autre dimension - Force génératrice du moi - Spiritisme - Nécromancie - Mort - Altération - Élimination du passé - Observant ses souvenirs avec un point de vue nouveau - Floraison - Matière sur le plan des réalisations - Seconde naissance - Fin d'une illusion - Élimination de l'ego - Libération par le pardon - Femme - Transmutation des éléments et des forces - Montée de l'esprit de plans en plans - Créer ou détruire des formes - Principe transformateur universel - Cataclysmes - Deuil - Suicide - Effondrements - Ruines - Perte de fortune-pouvoir-réputation - Tremblement de terre - Bouleversements sociaux - Révolution - Mutation - Sommeil - Changement d'état - Fertilité - Productivité - Bonnes récoltes - Intelligence imaginative - Attaque qui se retourne contre l'agresseur - Négativité qui s'annule par elle-même - Changement involontaire - Résultat d'une victoire - Fin de quelque chose - Maladie grave - Profond changement psychique - Gagner un procès - Échapper à un danger - Apprendre à mourir - Apprendre à ne pas délirer - Libération de la souffrance - Perdre l'ego - Jalousie politique -Perte de la foi - Détruire le subjectif pour trouver l'essence - Frontière entre temps et éternité - Entre espace et infini - Entre homme et Dieu - Perte d'un bienfaiteur - Inertie - Pétrification - Somnambulisme - Espérances perdues - Violation - Pervers sexuel - Sadisme - Perte de la virginité - Fin de l'enfance - Libération de l'esclavage - Fin de la frigidité - Amputation d'une partie du corps - Nouveaux pas - Rénovation d'idées - Éloignement et dispersion - Transformation d'une affaire - Santé fragile - Capacité de s'adapter aux circonstances - Triomphes apprenant l'échec - Élimination du vieux pour ouvrir le chemin au nouveau - Fin d'une situation familiale - Se libérer de la tutelle des parents - En vouloir à la mère - Destruction du père - Curiosité malsaine - Matrice - Dépression nerveuse - Investigation de l'Inconscient - Fin d'une période difficile - Libération subite - Changements radicaux - Expulsion de politiciens malhonnêtes - Contrôle intérieur - S'obliger à penser positivement en éliminant la négativité de l'intellectuel - Création d'un homme nouveau - Nettoyant la voie. -Commencement d'une ère nouvelle - Civilisation matérialiste qui se détruit elle-même - Échange qui se produit dans la conscience - Naissance de nouvelles doctrines - Crise - Stoïcisme - Apocalypse - Maîtrise - Humilité - Héritage - Vieillesse - Décrépitude - Nouvelle vie après la destruction totale - Rejet émotionnel - Risque -

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Symbolisme celte


Laura Tuan, autrice d'un livret d'accompagnement intitulé Les Tarots celtiques (Éditions De Vecchi S.A., 1998) assimile donc l'Arcane XIII à Sucellos :


Selon la tradition des Druides, affirme César, tous les gaulois descendent d'un mystérieux Dis Pater, dieu de l'au-delà et seigneur des morts. L'obscur, l'indéfini ont effectivement dû exercer une influence notable sur la pensée celtique, dans la mesure où le calcul des jours s'effectuait à partir du crépuscule, et non de l'aube, et où le cycle annuel débutait dans les brouillards de novembre, par la fête de Samhain. Mot et renaissance s'enchaînent comme une suite d'états différents d'une réalité unique, exactement comme la graine donne le fruit d'où tombera une autre graine. Ainsi, après la mort du corps, les âmes s'enfonçaient dans la terre et simultanément, à chaque naissance, l'âme d'un ancêtre revenait dans le monde. Ceci explique la relation la plus sereine et la plus immédiate que les Celtes entretenaient avec la mort (état non permanent auquel il faut de toute façon retourner). Au point que lors de la célébration de Samhain, les vivants festoyaient avec les défunts, en buvant de la bière et de l'hydromel dans des crânes, tandis que les défunts invitaient de leur côté les vivants à passer une année en leur compagnie sur la colline des délices.

Bien que le dieu des morts gaulois soit demeuré inconnu, on relève néanmoins de très nets liens symboliques avec Sucellos, la divinité celtique au marteau. Il existe environ deux cens monuments consacrés à ce dieu, seul ou avec un parèdre, Nantosuelta, tenant dans sa main une corne d'abondance ou une petite cabane, symbole de son caractère foncièrement domestique. Sucellos (littéralement « celui qui frappe bien ») se présente sommairement vêtu d'une peau de bête, en particulier de loup ou d'hyène, et entouré d'autres animaux, généralement un chien et une corneille (comme dans les mythes gallois d'Arawn, de Pwyll et de Pryderi, dieux d'outre-tombe accompagnés d'une meute de chiens à la pointe des oreilles roses). Sa main gauche serre un maillet ou bien s'appuie sur un long manche, tandis que l'autre tient divers objets, dont un pot de bière, une faux, une massue, une canne ou une bourse pleine d'argent.

Tout ceci nous éloigne un peu du caractère du dieu, qui semble se confondre avec une divinité agricole. Mais si l'on considère le rapport symbolique entre les morts et les semences, tout rentre dans l'ordre. Du reste le dieu étrusque Charon, passeur des défunts, est lui aussi muni d'un maillet; Sans compter que jusqu'à la fin du siècle dernier au moins, la tradition paysanne voulait que l'on place sur le cercueil un marteau permettant de frapper à la porte du Purgatoire. En Bretagne, par ailleurs, quand l'agonie durait trop longtemps, la plus vieille femme du village venait rendre visite au mourant et lui posait un marteau sur la tête pour l'aider à quitter calmement son corps. Sucellos est donc le dieu de la belle mort, celle qui libère et enclenche l'inévitable transformation. Mais puisque la terre renferme, outre les défunts, les pierres précieuses et les trésors des gnomes, le voilà qui devient également le dieu de la richesse (d'où la présence de la corne d'abondance dans les mains de Nantosuelta). La même remarque s'applique au pot, à l'urne, à la coupe ou au tonneau, qui remplacent touts le mythique chaudron de l'immortalité et de l'abondance.


La carte : Sucellos figure ici au premier plan, torse nu et les hanches ceintes d'une peau d'hyène. Il tient un marteau, instrument de la belle mort, ainsi qu'un pot pour fabriquer la bière. Il a à ses côtés son fidèle compagnon, le chien, présent dans presque toutes les traditions en tant que gardien de l'au-delà. On distingue dans le fond un lion ailé, la Tarasque, l'un des êtres monstrueux les plus terrifiants du panthéon celtique.


Signification ésotérique : Chaque être de la création, animé ou non, a un temps pour vivre et un temps pour mourir. Mais comme l'enseignent toutes les traditions ésotériques, à chaque fin correspond un nouveau début : l’heure de la mort, frappée parle maillet de Sucellos, n'est que le passage d'une dimension à une autre, d'un plan de l'existence à un autre. Une fois que l'on a touché le fond, on ne peut que remonter, et lorsque le marteau fait retentir l'instant inéluctable, le mieux consiste à accepter sereinement son destin.


Mots-clés : Transformation - Inéluctabilité - Destin.


A l'endroit : force majeure, cours irrépressible des événements, renouvellement bénéfique, début d'une nouvelle ère, nouveaux projets, changement radical, évolution inattendue - leçon utile tirée des événements - mélancolie passagère - quelque chose de sûr et de solide - initiation ésotérique - solitude temporaire - entreprise menée à bonne fin, changement de résidence ou d'emploi - héritage - mort ou ruine évitée - convalescence.


A l'envers : point de rupture, tournant douloureux des événements, déception, souffrances, obstacles, échec de projets - stagnation, refus d'un changement, manque de confiance et de soutien - deuil, pessimisme, perte, usure, vieillesse - vérité difficile à accepter - révolte, brutalité, violence - punition - séparation affective - succès anéanti par une erreur, licenciement, débâcle financière - maladie grave - crises e dépression, homicide - un psychopathe.


Le temps : Mardi - Automne.


Signes du zodiaque : Capricorne - Scorpion.


Le conseil : Si les choses ne vont plus dans le bon sens, résignez-vous et ne les retenez pas ; pour construire du neuf, il faut détruire du vieux.

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Patrice Lajoye, auteur de Des Dieux gaulois, petits essais de mythologie (Édition © ARCHAEOLINGUA Foundation, 2008) associe Sucellos à l'archétype de l'homme sauvage :


Sucellus, un archétype gallo-romain de l’homme sauvage médiéval ?

Exceptionnellement, un long préliminaire hors de la mythologie gauloise, utilisant des matériaux postérieurs, est nécessaire en préambule à cet article. L’homme sauvage est un sujet bien vaste. Présent dans toutes les civilisations, il se place comme l’antithèse totale de l’homme « normal ». Il vit en général seul, de préférence dans la forêt. Il est caractérisé par son absence d’humanité : il est velu, au mieux il peut être vêtu d’habits frustes. On le décrit le plus souvent de couleur noire ou sombre. Autant d’aspects qu’on risque de retrouver dans le personnage de Sucellus. L’homme sauvage de l’Occident médiéval voit s’ajouter à ces caractéristiques le port d’une massue. Une des meilleures descriptions qu’on puisse trouver est celle de Chrétien de Troyes, dans Yvain ou le chevalier au lion. Toutefois, la version galloise de ce conte (1), le Mabinogi d’Owein, semble plus appropriée à notre propos pour donner une description de base de l’homme sauvage médiéval. Voici ce que l’on y trouve :

« Au sommet du tertre, tu verras un grand homme noir, aussi grand que deux hommes de ce monde. Il n’a qu’un seul pied, et un seul œil au centre du front. Il a une massue de fer, et tu peux être sûr qu’elle pèse autant que peuvent porter deux hommes de ce monde, quels qu’ils soient. Il est le gardien de cette forêt. […] Quand j’y fus, le nombre d’animaux sauvages que je vis me parut au moins trois fois plus grand que ce que m’avait dit l’homme. L’homme noir était là, assis au sommet du tertre. L’homme m’avait dit qu’il était grand : il était bien plus grand encore qu’il ne l’avait dit. Et la massue de fer que l’homme disait peser la charge de deux hommes, il m’apparut de façon évidente, Kei, qu’elle n’aurait pu être soulevée que par quatre hommes. »

Cet homme sauvage est gardien de la forêt et des bêtes qui s’y trouvent, et notamment des cerfs et du bétail. Il est aussi un indicateur du chemin vers l’Autre Monde qu’Owein atteindra. On pourrait presque le qualifi er de psychopompe. Son œil et sa jambe uniques en font un magicien, ou du moins un sorcier. De même, par sa massue de fer, il se rapproche de Hellequin, qui semble être une forme évoluée d’un équivalent continental du Dagda irlandais.


L’homme sauvage et le Dagda

On connaît fort peu de descriptions du Dagda. La première se trouve dans le récit de la Seconde Bataille de Mag Tured. Le Dagda se rend en ambassadeur auprès des Fomoire, ennemis des Tuatha de Danann. Voici comment il est alors décrit :

« Sa tenue était indécente : une tunique brune lui tombait jusqu’au renfl ement des fesses. Il avait le membre viril haut et long. Il portait deux braies en peau de cheval avec le poil à l’extérieur » (2)

Quel étrange vêtement que celui-ci qui laisse voir le sexe de son porteur ! En fait, il est plus probable que ce manteau velu n’est plus ni moins que la peau même du dieu. On retrouve cette tenue extrêmement rustique à la fin du récit de l’Ivresse des Ulates :

« Devant eux, à l’est, au dehors, dit Crom Deroil, j’ai vu un homme au grand œil, aux grands cuisses, aux larges épaules, très grand, immense, avec un grand manteau gris autour de lui. [Il porte] sept capuches sombres, unies, autour de lui, chacune de celle du dessus [est] plus courte, chacune de celle du dessous [est] plus longue. Neuf hommes [l’accompagnent] de chaque côté. [Il tient] à la main une monstrueuse massue de fer, avec un bout violent et un bout aimable. Voici quels étaient ses tours et ses jeux : placer le bout violent [de la massue] sur la tête de chacun des neufs hommes si bien qu’il les tuait en un clin d’œil ; mettre sur eux le bout aimable si bien qu’il les ressuscitait au même instant (3). […] C’est le grand Dagda fi ls d’Eithlenn, le dieu bon des Túatha Dé Danann. C’est pour augmenter le combat et la bataille qu’il s’est mêlé ce matin à l’armée et personne ne le voit dans cette armée. »

On connaît une représentation du Dagda, ou du moins de l’équivalent brittonique du Dagda. Il s’agit du géant de Cerne Abbas (Grande-Bretagne, Dorset), géant gravé à flanc de colline et entretenu régulièrement par les paysans lors d’une fête se tenant le 1er mai. On assimile généralement ce personnage nu, ithyphallique et brandissant une massue, à Hercule, ce qui est on ne peut plus improbable.

Un grand dieu celte peut-il être comparé à la brute qu’est l’homme sauvage ?


Merlin et la forêt.

Le Dagda est le dieu-druide des Irlandais. Or il est un druide célèbre, ou du moins un personnage qui représente le stade ultime de l’évolution de la classe sacerdotale celte à l’aube du Moyen Âge : Merlin. Merlin est un magicien et un poète. Les classifications irlandaises le rangeraient dans la catégorie des bardes.

Il entretient d’étroits rapports avec la forêt. Le Roman de Merlin, de Robert de Boron, le montre ainsi se séparer de son biographe Blaise :

« […] Tu iras de ton côté et tu t’enquerras d’un pays appelé Northumberland ; c’est un pays d’immenses forêts, mal connues de ses habitants eux-mêmes, car il y a des régions encore inexplorées ».

Ce passage a été fort bien analysé par Philippe Walter : en somme, Merlin envoie Blaise (le loup, en breton bleiz) dans la forêt qui lui servira à l’avenir de refuge et de cachette. Dans la Vita Merlini de Geoffroy de Monmouth, le loup est directement le compagnon de misère de Merlin.

D’autres textes nous montrent Merlin en homme sauvage. C’est le cas de la Vie de saint Kentigern, et deux poèmes gallois. L’Histoire de Merlin et Grisandole le décrit ainsi :

« Merlin […] dirigea ses pas de ce côté un beau matin, frappant de grands coups, d’un chêne à l’autre. Il était tout noir, hirsute, barbu, les pieds nus, il portait une tunique en lambeaux. » (4)

S’ensuit une scène de gloutonnerie digne de celle du repas du Dagda chez les Fomoire, dans la Seconde Bataille de Mag Tured.


Sucellus, un archétype antique ?

A partir de ces trois portrais d’homme sauvage, qui montrent bien que ce personnage semble exister chez tous les peuples celtes, est-il possible de lui retrouver un « ancêtre » gaulois ou gallo-romain ? Le Dagda aide a faire un rapprochement qui n’est plus à présenter : celui avec Sucellus. (5)

Sucellus, le dieu au maillet, étymologiquement le « bon frappeur », semble correspondre trait pour trait à l’homme sauvage. Si l’on fait abstraction des représentations les plus latinisées qui l’on connaisse de lui (on a pu ainsi le représenter nu, avec une figure et une pose de Jupiter en majesté), on retiendra certaines images, comme un médaillon d’applique d’un potier de la vallée du Rhône, nommé Amator, médaillon montrant le dieu debout, tenant la traditionnelle olla et le maillet. Il est vêtu de façon très rustique, portant des braies et une sorte de cône sur la tête, qui semble être un cucullus (6). Il est accompagné d’un loup (7) et un arbre se trouve derrière lui. Une courte prière : Sucellum propitium nobis (Sucellus, soit nous propice), encadre le tout. Décrit comme tel, ce dieu semble bien proche du portrait de Merlin. De fait, la première apparition de Merlin adulte le montre, toujours en homme « rustique », une cognée attachée au cou. Or on connaît plusieurs statuettes en bronze représentant Sucellus avec un maillet à manche court sur la poitrine. (8)


Une preuve par latinisation ?

Sucellus a comme toutes les divinités gauloises subit une interpretio romana. Si Taranus, avatar gaulois du Dagda, est devenu Jupiter, lui s’est assimilé à Silvanus, le « forestier » (9). Silvanus est une divinité rustique latine, honorée aussi par les Étrusques. On le représente généralement barbu, vêtu d’une chlamyde, voire nu, tenant une serpe. Or Silvanus a été identifié par les commentateurs de l’Antiquité au roi mythique Faunus (10). Lui-même s’est petit à petit transformé. On l’a desindividualisé pour en faire le nom collectif d’une sorte d’hommes sauvages latins : les Faunes.

Retenons pour finir le texte d’une prière adressée à Silvanus et découverte à Aime, en Savoie, en plein territoire celtique :

« O Silvanus à demi caché au milieu des frênes, gardien suprême de ce jardin de montagnes, nous te dédions ces vers avec reconnaissance. Car tandis que je rends la justice et traite les affaires des Césars, par ta protection efficace tu veilles sur nous tous, sur moi pendant mes courses à travers les prairies et les rochers alpestres, et sur les miens et nous rendre nos campagnes d’Italie, nous les cultiverons sous tes auspices ; pour moi, je te consacrerai mille grands arbres. C’est le vœu de Titus Pomponius Victor, procurateur des empereurs. »

Silvanus/Sucellus, gardien de cet autre monde que sont les forêts et espaces sauvages, guide Titus Pomponius Victor, comme il guidera un jour Yvain.


Dieu céleste ou dieu rustique ?

Du fait d’un rapprochement avec le Dagda irlandais, équivalent du Jupiter latin, la tentation de faire de Sucellus un dieu céleste est grande. Cependant, la seule fois où on a pu essayer de le voir en Jupiter, à Mayence, a été sur la base d’une dédicace particulièrement ambiguë, à Jupiter Sucaelus. Mais sucaelus n’est pas Sucellus, et il faut probablement lire subcaelus : « sous le ciel ». Dans bien des cas, l’iconographie même de Sucellus, souvent accompagné d’outils de charpentier ou de tonnelier (donc du travail du bois), s’oppose à cette idée de dieu céleste.


Dieu de la forêt

Mais nous l’avons vu, Sucellus possède la coiffe en peau de loup de Pluton, le maillet du Charun étrusque. Il a un rapport évident avec l’Autre Monde. Or la forêt, dans les textes celtiques médiévaux, est une forme d’Autre Monde. De la forêt vient le bois, par dérivation le bois de charpente. Le travail du bois tient une place très importante dans l’artisanat gaulois et gallo-romain. Les noms français des trois grands métiers du bois, charpentier, charron et tonnelier, proviennent du gaulois. De dieu de la forêt, maître du monde sauvage, Sucellus est devenu, en Gaule, dieu des produits de la forêt et de leurs artisans, d’où son attribut, le maillet, et son nom même : le « Bon Frappeur ».

Passée l’étape de la christianisation, l’archétype de Sucellus ne gardera que l’aspect d’homme sauvage, qui transparaîtra donc dans le personnage de Merlin.


Notes : 1) On discute encore de l’antériorité ou nom du conte d’Owein sur le récit de Chrétien. Je ne m’insinuerai pas dans ce débat. Il suffi ra de prendre pour postulat que la version galloise reprend sans doute plus fidèlement le motif de l’homme sauvage tel que les Celtes ont pu le connaître, que Chrétien, qui en livre une interprétation tirée ellemême d’un conte gallois.

2) La seconde Bataille de Mag Tured, trad. dans Guyonvarc'h, 1980.

3) Cette description laisse penser que cette arme ressemble plus à un marteau qu’à une massue, ou du moins qu’il s’agit d’une arme à aspect symétrique

4) Bien sûr, il aurait été possible de multiplier les exemples d’hommes sauvages célèbres, par exemple en ajoutant Tristan simulant la folie, ou bien cet ennemi du même Tristan qu’est Urgan le velu. Toutefois, cela n’aurait fait que créer des répétitions inutiles. Il faut simplement souligner le lien évident qui existe entre ces hommes et un certain état de folie passagère, lien qui a été étudié par Philippe alter, 1999.

5) Une synthèse de cette comparaison est faite par Dඎඏൺඅ 1993, p. 64. Sucellus est un nom qui semble typiquement gallo-brittonique. Les inscriptions qui le mentionnent sont relativement rares : Metz, ILTG, 565 ; Ancey-Mâlain, AE 1990, 768 ; Augst, AE 1925, 5 ; Worms, CIL XIII, 6224 ; Yverdon, CIL XIII, 5057 ; Sarrebourg, Box 1897 (inscription où apparaît pour la seule et unique fois le nom de sa parèdre Nantosuelta) ; Vienne, CIL XII, 1836 ; Lyon, AE 1982, 712 2. Une seule fois le nom de Sucellus a été retrouvé en Grande-Bretagne, à York : Holder, 1896, sv. « Sucellus ». Partout ailleurs dans le monde celtique, il est inconnu.

6) Le cucullus est un vêtement de cuir ou de laine d’origine gauloise mais qui s’est répandu dans tout l’Empire romain. Il recouvre les bras et forme une sorte de capuche pointue, ancêtre de la coule des moines du Moyen Âge.

7) Sur la statuette de Vienne, pourtant de facture très classique, sous doute l’œuvre d’un Grec ou de l’élève d’un Grec, Sucellus porte, à la manière d’Hercule et de sa peau de lion, une peau de loup, la tête servant de capuche et les pattes antérieures nouées sur la poitrine : Deyts 1992, p. 88. Cette figuration a favorisé un rapprochement avec l’Hadès et le Charun des Étrusques, l’un portant la peau de loup comme couvre chef et l’autre tenant un grand maillet. Ceci a permis de faire de Sucellus un dieu psychopompe et de le rapprocher du Dagda, dont la massue donne la mort par un bout et ressuscite de l’autre. Sur la comparaison Sucellus / Hadès et Charun : Chassaing 1986, p. 113–130.

8) On notera aussi que Tristan, simulant la folie (et donc se déguisant en homme sauvage) s’attache un pieu en guise de massue, autour du cou: Folie Tristan d’Oxford, dans Tristan et Iseut, Le Livre de Poche, « Lettres Gothiques », Paris, 1989. Chassaing 1986, p. 41, montre l’exemple du Sucellus de Viège, en considérant le petit maillet comme un clou.

9) L’assimilation à Silvanus est directe sur l’inscription d’Augts, consacrée à Sucellus Silvanus : AE 1925, 5 ; et celle de Worms, consacrée aussi à Sucellus Silvanus : CIL XIII, 6224.

10) Silvanus a peut-être aussi été assimilé en Gaule même au dieu Vosegus, éponyme de la forêt des Vosges.

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Dans le livret accompagnant le jeu de cartes du Tarot des Druides (Édition originale 2004 ; traduction française : Édition Véga, 2014) de Philip et Stephanie Carr-Gomm on trouve le petit texte explicatif suivant :


Le Message : L'obsolète et l'inutile veulent mourir. Quelle passion ! Ce qui est nouveau se prépare à s'ouvrir comme un bouton de rose à l'aube d'un nouveau jour.


Mots-clefs : Se débarrasser de l'ancien pour dégager la voie du nouveau - Préparer la transformation - Passion intense - Initiation


Signification : - Initiation et transformation.

- Le noyau de l'initiation implique une expérience de mort suivie par un expérience de renaissance.

- Vous vous trouvez à un tel moment d'initiation.

- Nous devons souvent abandonner nos anciennes manières de penser, de ressentir ou de nous comporter avant de pouvoir nous ouvrir à nouveau à la vie.


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Mots-clefs : Peur du changement - Fatigue - Stagnation - Pessimisme - Dépression.


Sens inversé : - La vie semble souvent si menaçante que nous pensons devoir nous accrocher aux quelques rochers de stabilité, même si au plus profond de nous, nous savons qu'il est temps de bouger.

- Stagnation et pessimisme.

- La peur gouverne votre vie, suscitant fatigue ou dépression.

- Vous sentez que votre vie est bloquée d'une certaine façon.

- Plus votre résistance au changement est inconsciente, plus vous ressentirez inertie et léthargie.

 

Gérard Poitrenaud, consacre un chapitre à Sucellos dans son Cycle et Métamorphoses du dieu cerf (Toulouse, Lucterios, 2014, pages 198-204) :


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Kristoffer Hugues, dans Les secrets du tarot celtique (Llewellyn Publications, 2017 ; Éditions De Vinci, 2021) présente ainsi la carte XIII du Tarot, à savoir la Mort :


XIII. La Mort

Tous les hommes sont égaux sous mon regard

Ma main vous guidera, ne perdez pas espoir.

Affirmation : La mort n'est qu'une aventure ; lancez-vous.


Mots-clés : Transition- Lâcher-prise - Conclusion.


D'une mare s'élèvera une rivière, gagnant toujours plus de force au fil de son avancée sur la terre. Des villages et des villes s'érigeront sur ses rives, des autels et des temples chanteront des offrandes à ses profondeurs. On lui donnera son nom, elle aura une nature, des flux et des reflux, son temps d'inondation indiquant que la rivière, la terre et les gens sont tous liés. Mais la rivière finira un jour ou l'autre par gagner la mer, et même si l'eau dans la rivière n'est jamais la même, elle porte la nature et l'identité même de la rivière, et elle pénètre tout d'un coup le mystère de l'océan.

Mais l'existence de cette rivière et de son essence est-elle remise en cause, ou cesse-t-elle simplement d'être ? Bien au contraire : le monde s'en souvient. Les prêtres s'asserviront devant moi, mais leurs offrandes futiles ne m'impressionnent pas. Ceux dont l'âge et le cœur sont encore jeunes cueillent des fleurs dans leur innocence pour me les offrir. A ceux qui sont à l'aube de leur existence, ou ceux dont la vie est au contraire à son crépuscule, je ne suis qu'ami. Ceux qui ont culminé à des hauteurs vertigineuses, même au rang de monarques, gisent nus et sans vie à mes pieds. je mets tout le monde sur un pied d'égalité. je suis la mort. je suis la fin et le début. je suis nécessaire.


Interprétation : Parfois, la seule chose qui nous fait peur, c'est la peur elle-même, et le changement ne survient jamais sans un minimum de peur. Cette lame ne fait pas référence à la transformation en soi, mais au fait de laisser venir une transformation inévitable d'une manière qui ne soit ni douloureuse ni bouleversante. Car du va-et-vient des saisons, dont l'énergie est renouvelée grâce à la mort de chacune tour à tour, il reste toujours quelque chose de la précédente, et la même chose est vraie pour la lame de la Mort. Lâchez prise, et dites-vous que cette situation doit prendre fin pour qu'un nouveau départ naisse de ces cendres.

La mort n'est pas une mauvaise chose - elle est essentielle -, mais cette lame ne représente que rarement, voire jamais, une mort physique. Il s'agit plutôt de la fin d'une situation liée à la question. Vous vous apprêtez à connaître une nouvelle ère.

Inversée toutefois, la Mort peut montrer du doigt une puissante stagnation, l'incapacité de vous sortir d'une situation profondément statique et immuable. Il est possible qu'il y ait de l'apathie et un profond ennui liés aux personnes concernées, mais elles craignent peut-être tellement le changement qu'elles ont incapables de la moindre décision, si bien que l'inertie prend le pas sur une quelconque évolution. ce cycle se doit à tout prix d'être rompu.

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Marie-Noëlle Anderson, autrice de L'Oracle des Bardes, 36 mythes et légendes de nos ancêtres (Éditions Contre-dires 2017, illustrations de Célia Mélesville) consacre une carte au Vaisseau :


[Nous incluons ici la carte du Vaisseau, car nous avons intégré à notre soirée cercle de tambours consacré à Sucellos, un rituel du Bateau de guérison.]


Un jour Cernunnos - le dieu celte aux cornes de cerf - se réveilla très las et fatigué. Cette fois-ci, sa fatigue n'était pas due à une digestion pénible, ni à des excès de cervoise ou à des folies nocturnes en compagnie d'e douce créature. Il était simplement las des humains. Et que fiat un dieu dans ces cas-là ? Il s'en va.

Cernunnos avait disparu. Dans les villages, ce fut le début d'une période très sombre. tout allait mal : les gens mouraient, les bêtes tombaient malades, le sol devenait aride. Le peuple pria, sacrifia et invoqua à tour de bras. Rien n'y fit. Plus le temps passait, plus l'absence du bienveillant Cernunnos devenait dramatique.

Il fut alors décidé de prendre les grands moyens. Une délégation d'envoyés spéciaux irait à la recherche de Cernunnos. Il fallait le ramener coûte que coûte auprès de son peuple. Un grand Vaisseau fut affrété, et le groupe d'élus partit avec pour mission de trouver Cernunnos. Après, ils se débrouilleraient pour le convaincre de rentrer à la maison. Quel voyage ! Ce fut une véritable épopée. Ils durent combattre des ennemis sanguinaires, essuyer des tempêtes effroyables et traverser des univers inconnus.

Au bout d'un très long périple, ils retrouvèrent finalement leur bienfaiteur, qui passait des vacances tranquilles. Si tranquilles qu'en réalité Cernunnos avait déjà commencé à s'ennuyer de son peuple. En son for intérieur, il avait décidé de rentrer et fut tout content qu'on vienne le chercher.

Sans se faire trop prier, il monta dans le Vaisseau, au grand bonheur des vaillants navigateurs qui avaient bravé tant de dangers pour le retrouver. Le Vaisseau, qui était un peu magique, s'éleva dans les airs, toutes voiles dehors, et traversa l'espace en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Imaginez la liesse de la foule qui acclama Cernunnos à son retour. C'est avec des festins, des libations, de la musique et des danses que l peuple celte célébra l'événement pendant trois jours et trois nuits.


Personnalité : Véritable meneur, le Vaisseau entraine tout le monde derrière lui, grâce à son enthousiasme et son magnétisme. Par son sens des responsabilités, il suscite le respect de son entourage. Audacieux, il affronte avec courage les problèmes qu'il rencontre sur son chemin.

Par contre, si dans un quelconque domaine de sa vie il se sent enfermé ou immobilisé, le Vaisseau est profondément malheureux. Il s met à broyer du noir et devient méconnaissable. La solitude ne lui convient pas.

Pour que sa vitalité s'affirme et s'épanouisse, il doit agir avec et pour les autres. L'action en solitaire ne le rend pas heureux.

S'il est prisonnier de son masque social, le Vaisseau deviendra hautain et élitaire. Il adoptera un comportement dominateur et arrogant. Sa soif de conquête n'aura d'égale que sa vanité.

A qui le Vaisseau choisit-il alors d'obéir ? A son ambition personnelle ou à une grande cause ?


Défi : Commentle Vaisseau conçoit-il l'autorité ? La réponse à cette question est une clé dans son existence. Se croit-il tout puissant ? Sait-il toujours tout mieux que tout le monde ? Se vante-t-il de sa supériorité ? Si tel est le cas, il se retrouvera rapidement pris au piège de l'image qu'il projette de lui-même. Dans l'attente des compliments, de la reconnaissance des autres, il s'immobilisera et perdra son élan, donc ses meilleurs qualités. Comme un navire pris dans les glaces, il ne pourra plus bouger et devra attendre le dégel. D'autres vaisseaux risquent bien de l'avoir remplacé, d'ici là !

Si le Vaisseau sait garder un solide bon sens, une saine humilité, il choisira de se soumettre à une autorité - humaine ou divine - qui lui permettra de se dépasser sans cesse, de triompher des pires obstacles. Sur un plan personnel, cela signifie apprendre à faire taire son ego pour écouter sa voix intérieure, son intuition. Sur un plan collectif, il s'agit de réellement se mettre au service des autres, que le Vaisseau soit un politicien, un enseignant, un chef d'entreprise ou d'église, ou un simple citoyen !


Structure : Lorsque Cernunnos (Soi) abandonne les humains, la vie disparaît. Les humains (conscient) décident d'aller à la recherche de leur protecteur. Grâce à la mobilité du Vaisseau magique, il peut y avoir réunion, harmonie et restauration de la vie. Pour que les intentions du Soi s'actualisent, la mobilité est indispensable. Le conscient doit appeler le Soi, si l'on souhaite qu'il ait union et guidance. S'il reste passif, il est récupéré par l'ego dans une escalade qui conduit alors à l'usurpation du Soi.

Bien que le contexte ne soit pas le même, le Vaisseau évoque la fabuleuse expédition des argonautes à la recherche de la toison d'or, guidés par Jason. Tout comme le Vaisseau qui nous intéresse, le navire Argo avait aussi des qualités magiques. Il était, entre autres, renommé pour sa vitesse exceptionnelle.

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Dans L'Oracle de la sagesse gauloise (Éditions Le Courrier du Livre, 2021) écrit par Caroline Duban et illustré par Lawrence Rasson, une carte est à Sucellos et à sa parèdre Nantosuelta :


Sucellos & Nantosuelta, Le « Bon Frappeur » et la « Vallée ensoleillée »

Les parèdres divins, Sucellos et Nantosuelta, forment une alliance complémentaire et énigmatique. Ils sont ici présentés ensemble, mais ils étaient aussi vénérés individuellement. La carte ici tirée est inspirée d'un bas-relief retrouvé à Sarrebourg.

Sucellos fait partie de ces divinités que les Romains associèrent à leur panthéon, lui conférant des propriétés particulières par des épithètes et des représentations, qui évoluèrent à partir de la romanisation des Gaules. Les statues et les bas-reliefs décrivent le dieu au maillet sous les traits d'un homme mature, portant la barbe, vêtu d'une tunique courte et ceinte à la taille. Des braies et des bottes protègent ses jambes, et ses épaules sont recouvertes d'un capuchon. La taille du maillet maintenu dans la main gauche peut varier, mais il atteint toujours au minimum le haut de sa tête. Cet objet est un outil qui peut à la fois façonner un matériau brut, et détruire, ravager une création, comme sur les armes ou les carnyx volontairement détériorés avant leur dépôt dans des fosses votives (voir carte du sacrifice). Dans sa main droite, Sucellos retient une olla, un pot généralement utilisé pour la cuisson ou la conservation des aliments, mais aussi, le cas échéant, comme urne cinéraire. C'est donc un objet de la vie quotidienne pouvant recueillir les cendres d'un défunt vers sa dernière demeure. Près de lui se trouvent parfois des tonnelets ou des amphores vinaires. ce liquide est également consommé pendant l'existence humaine et déposé en offrande au mort. Des amphores ont aussi pu servir de réceptacles pour les cendres funéraires.

L'étymologie de son nom est en partie connue sans aucun doute ; le préfixe su-, « bon », précise la facette de la divinité, et l'on s'accorde généralement à penser que -cellos aurait pour racine proto-indo-euroépenne *kel-d, « frapper », qu'on retrouve dans le latin percellere, également « frapper », ou le lituanien kàlti, littéralement « forger », « frapper avec un marteau ».

Dans la gaule narbonnaise, Sucellos devint Sucellus Silvain, fusion du Sucellos gaulois et du Silvain romain, gardien des champs et des troupeaux. Ce dernier est adapté au climat méditerranéen et ne porte plus qu'une peau de loup sur ses épaules, mais garde le maillet et la olla. Il arbore parfois d'autres attributs selon les sites, ais il n'est pas question de cette adaptation dans la lame ici présentée. Toutefois, Sucellus Silvain comprend le concept de protecteur des humbles, des cultures et les bienfaits de la nature qui rassasient les hommes et les accompagnent dans la mort ; en outre, les nourritures terrestres naissent et trouvent leurs forces sous terre. Parfois, la présence d'un chien aux pieds du dieu est visible, s'il n'est pas remplacé par la peau de loup portée par Silvain. Cet animal, à la fois compagnie rassurante et gardien des vivants, guerrier dressé pendant les combats, ou psychopompe, incarne aussi les valeurs opposées et complémentaires de la vie et de la mort auxquelles est rattaché Sucellos. C'est en partie à cause de cela que l'on pense qu'il ne s'agit là que d'un surnom, ou un avatar de Dis Pater, dieu suprême décrit par César. Celui-ci, équivalent de l'Hadès grec, ou du Pluton romain, est le seigneur nocturne des Enfers. Il préside au mouvement perpétuel de la vie et de la mort, premier père dont les Celtes se disent issus (voir Dis Pater ci-dessous). On le compare volontiers avec le Dagda irlandais, porteur d'une massue capable de donner la vie ou de la retirer selon que le dieu use d'un côté ou de l'autre de son arme.

[...]


Interprétation : Sucellos et Nantosuelta s'approchent de vous pour vous enseigner l'équilibre. C'est une carte qui vous interpelle sur les comportements que l'on a envers vous, et ceux que vous avez envers autrui. Donner et recevoir sont des attitudes louables à condition qu'elles soient distribuées équitablement. Trop offrir peut attirer à soi des êtres intéressés par vos offrandes plus que par votre personne. On pourrait rapidement ne plus vous respecter ou considérer vos cadeaux, quelles que soient leurs formes, comme acquis. Si, pour une raison ou une autre, vous décidiez de ralentir ou de supprimer ces actions, on vous en ferait le reproche et des pensées négatives se formeraient autour de vous. On se baserait sur l'idée que l'on se fait de vous, de l'image qui émane de vos paroles et vos gestes bienheureux, plutôt que sur votre bonté sincère. On ne se préoccuperait pas de la raison qui aurait fait diminuer votre générosité, ni ne se soucierait de votre santé, de votre moral, de vos ennuis... On pourrait aller jusqu'à retourner la situation contre vous.

Si vous vous trouvez dans la situation inverse, vos besoins soudains pourraient surprendre votre entourage. Un long silence suivi d'une ou plusieurs requêtes pourraient offusquer vos interlocuteurs. On aurait vite fait de vous accuser d'être un profiteur qui ne donnerait pas de ses nouvelles que lorsqu'il est dans le besoin. On ne verrait pas les causes de votre mutisme ni de votre réclusion. On se dirait plus volontiers que vous ne cherchez le contact qu'avec ceux et celles qui vous seraient favorables. Bien entendu, on ne comprendrait pas votre état véritable. Dans l'un ou l'autre des cas, il va falloir user de paroles, de dialogues pour mettre les choses au clair. C'est tout à votre honneur de vouloir rester discret, secret, en retrait, mais pour ne pas ajouter de l'huile sur le feu, ne pas augmenter votre charge émotionnelle avec des disputes ou des éloignements involontaires, il est préférable d'exprimer votre vécu, vos ressentis, de vous confier si vous le pouvez ou de faire comprendre certaines choses à demi-mot. Il n'y a aucune honte à cela, et sans doute votre auditoire se rendrait compte de ses mauvaises pensées et de ses mauvais agissements envers vous. On réfléchirait à deux fois avant de vous accuser de profit ou de distanciation. Si vous ne voulez pas que les circonstances actuelles viennent pourrir vos relations, il est cent fois préférable de « crever l'abcès ».

Le couple associé à la vie et à la mort, à l'abondance et à la fin de toute chose prévient ici des excès. Les dieux savent quand donner et quand recevoir, quand vient le temps d'exaucer les prières des pèlerins, et quand profiter de leurs offrandes. C'est une règle qui permet de maintenir une entente cordiale entre les dévots et les divinités protectrices, mais aussi entre les fidèles. Sucellos et Nantosuelta connaissent les moments propices pour partager leurs bienfaits ou ceux de la nature, mais ils ont conscience des limites à ne pas franchir. Ils ont en garde le mouvement perpétuel de la roue de la vie. Pour que cette manœuvre soit possible, il est impératif que les dons reçus et offerts soient équilibrés. De cette façon, les échanges équitables forment un mouvement de balancier invisible, qui permet à chaque participant d'avancer et d'évoluer sur sa propre voie. Ne perdez jamais de vue cet équilibre essentiel à votre bien-être et à votre bonheur. Ainsi, on vous ouvrira les bras lorsque vous en aurez besoin, on vous fera profiter de petites joies pour le simple plaisir de vous savoir heureux, de vous voir ou vous imaginer sourire. Ces dons offerts ou reçus ne sont pas nécessairement matériels, mais ils comprennent également les paroles, l'écoute et le soutien réconfortants, les conseils, les compliments et les encouragements motivants.

Sucellos et Nantosuelta peuvent représenter une personne qui incarne les qualités et attributs des dieux. Dans ce cas, soyez attentif à l'exemple que cette personne donne, car il est bon à suivre.

Enfin, donner et recevoir est un équilibre que vous êtes en droit - sinon en devoir- de vous accorder. Il n'est pas une vie heureuse qui ne soit faire que de labeur, de privations ou d'abnégation Pour reprendre des forces et les entretenir, il faut bien s'autoriser de la compassion, de la confiance, du respect, de l'amour.

Selon votre état, votre caractère, vous pouvez vous trouver dans la situation inverse. Vivre égoïstement ne mène qu'à la solitude. Elle n'est pas forcément traduite par une absence d'entourage, mais plutôt une présence hypocrite dans les liens. Parfois, avec le temps, ces mêmes intéressés peuvent finir par se lasser et vous oublier. Ouvrez votre cœur à la générosité, ne l'enserrez pas comme s'il allait vous échapper.

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Symbolisme alchimique :


Hervé Delboy dans Le Tarot alchimique dévoile la signification de l'Arcane XIII :


L'arcane XIII parle d'elle-même : c'est l'image de la putréfaction. Omniprésente dans les textes et dans les gravures alchimiques, on en trouve les meilleurs exemples chez Basile Valentin, dans la Clef IV des Douze Clefs de Philosophie et dans l'emblème IX de la Philosophia Reformata de Mylius. Mais on pourrait citer bien d'autres exemples [le Rosaire des Philosophes montre une superbe planche de tombeau ouvert ; de même l'emblème L, final, de l'Atalanta fugiens, etc.] . C'est donc la phase de dissolution de la matière, correspondant à l'œuvre au noir, d'où Marguerite Yourcenar a tiré le titre de son célèbre roman. Cette dissolution survient, nous assurent les alchimistes, au tout début du travail ; encore faut-il savoir de quelle dissolution ils parlent, puisque Le Breton, dans ses Clefs de la Philosophie Spagyrique [Paris, Jombert, 1772] enseigne qu'il n'y a pas moins de quatre putréfactions dans l'œuvre. En voici deux dont nous avons la quasi-certitude qu'elles correspondent effectivement à une dissolution, voire à une séparation : la préparation du Mercure, au 2ème œuvre, exige la présence d'un sel de potassium que l'on extrait d'une réaction du salpêtre vulgaire sur de l'acide vitriolique : le Caput tombe au fond de la cornue, sous forme plus ou moins dépurée d'Arcanum duplicatum ou de foie de soufre et dans le récipient, on voit apparaître des vapeurs d'aqua sicca [cf. section du tartre vitriolé]. Cette séparation, notez-le bien, n'est pas celle qui est d'habitude retenue chez les hermétistes ; la véritable dissolution est celle qui s'opère au début du 3ème œuvre, lorsque les substances mises en présence vont subir la Passion. Nous en avons parlé lors de l'évocation d'Offérus, l'Hercule chrétien. Voilà pour la partie strictement technique. L'hermétiste voit dans la lame XIII - autrement appelée le Faucheur - l'un des grands mystères, en ce sens, et là nous rejoignons la cabale bien pensée, que cette lame prend un caractère céleste plus développé que d'autres. Remarquez que le squelette a une couleur chair, manière de désigner le but de l'œuvre, qui est la réincrudation des Soufres. De même, les couleurs sont là pour nous rappeler le mode d'emploi de l'arcane : la faux [faulx] a la couleur du sang, résultat inévitable de l'ouverture du métal qui laisse échapper son âme, selon la puissance calorique que l'on impose au creuset. Sous les pieds de la Mort, on voit les deux parties du Rebis, pour l'instant évidemment séparées : sous le pied, tête de femme ; à côté de la pointe de la lame, tête d'homme. C'est déjà là assigner les futurs domiciles des parties du prochain Rebis : la femme se placera en terre et formera le Corps de la Pierre ; l'homme conservera une ponticité particulière, restant infusé dans le Mercure avant que sonne l'heure de la réincrudation, qui s'opère dans le signe du Sagittaire, après l'accalmie de la période du Verseau. Notez encore que la nature royale du Rebis est affirmée par la couronne que porte le

. La figure de la femme affecte des traits que la mort n'ont point entamés, tant il est vrai que l'amour subsiste par-delà le tombeau. Cyliani, dans son Hermès Dévoilé, insiste beaucoup sur tout cela. Malheureusement, les étudiants ont confondu, dans les traités, ceux qui opéraient par la voie humide et ceux qui opéraient par la voie sèche. Or, tout indique, nous l'avons maintes fois répété, que l'œuvre, selon nos conjectures, ne puisse se faire que par la voie sèche : c'est là une querelle de clochers entre Artistes qui estiment que plusieurs voies sont possibles...Il n'y qu'une chose qui soit assurée : la résurrection existe bel et bien dans le petit monde des alchimistes. Papus y voit :

« [le] symbole du principe transformateur, équivalent aux semences métalliques préparées et mises en contact (leur cercueil, leur action astrale d'où sortira l'évolution nouvelle). »

Aussi bien faut-il voir dans cette lame, non pas le destin inéluctable qui nous attend tous, mais un renouvellement, une résurrection, comme en témoignent le processus, si particulier à l'alchimie, de la réincrudation.

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