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L'Arbre à pain




Autres noms : Artocarpus altilis - Châtaignier pays ; Uru -




Botanique :

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Une monographie instructive de Christophe Serra-Mallol, intitulée tout simplement : "Arbre à pain." (2012) :




Tim Motis, Biriori Dieudonné et Robert Morikawa dans des "Notes de développement." exposent les qualités de l'arbre à pain (EDN, janvier 2020 | Numéro 146) :


Les arbres à pain poussent le long de l'équateur, dans de nombreuses zones de grande insécurité alimentaire. McLaughlin a décrit l'arbre à pain comme une « pomme de terre sur un arbre », connu principalement comme une source de glucides, mais a déclaré que l'arbre à pain contient également du magnésium et des vitamines importantes. Pour ceux qui ont un arbre à pain, le rendement a tendance à être «la disette ou la famine». Un arbre mature peut produire 300 gros fruits par an, mais ils mûrissent tous en même temps – trop de fruits pour qu’une famille puisse les consommer avant qu’ils ne se détériorent. Cependant, la chair d'un seul fruit, déshydratée et moulue, peut donner une livre de farine qui peut être utilisée pour faire de la bouillie et d'autres produits. La farine du fruit à pain a une durée de conservation de deux ans et présente de nombreux autres avantages. Par exemple, la farine est sans gluten, ce qui est un argument de vente à un moment où de nombreux clients recherchent des alternatives au blé et autres céréales qui contiennent du gluten.


 

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Vertus médicinales :


D'après Joséphine Salmon, autrice de "L'utilisation populaire des Plantes médicinales à Tahiti et dans les Iles de la Société." (In : Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 2, n°7-9, Juillet-août-septembre 1955. pp. 438-442) :

Les entorses.

On emploie généralement de la sève d'Uru ou Arbre à pain (Artocarpus incisa Linn. f.) appliquée sur la partie douloureuse ; le pied est bandé, le repos généralement prescrit, mais pas toujours observé. Cette même sève est aussi employée pour colmater les pirogues.

 

Dominique Bourret et Hilda Boeglen proposent un inventaire des Bonnes plantes de Nouvelle Calédonie et des Loyauté. (Les éditions du lagon, 1981) dans lequel figure l'Arbre à pain :


Usage médicinal [de l'arbre à pain] : Un remède à peu près éprouvé est celui qui est utilisé contre la "gratte"(ichtyocarcotoxisme) :

cassez un bourgeon, enveloppez-le dans un petit fragment de vieille feuille jaunie, mâchez et avalez. Buvez par-dessus un petit verre de latex frais saigné de l'écorce. Recommencez trois fois par jour si la crise est forte, sinon diminuez la dose. A faire pendant 24 heures.

Les autres utilisations qui seraient données sans être vérifiées pourraient s'avérer dangereuses.

A Tahiti la partie solide du latex coagulé est utilisée comme pansement cicatrisant sur les blessures enflammées, particulièrement celles qui sont causées par les coraux.

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Usages traditionnels :


Jacques Barrau, auteur d'un article intitulé "L'Arbre à pain en Océanie." (In : Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 4, n°3-4, Mars-avril 1957. pp. 117-123) pointe l'importance de l'Arbre à pain dans les cultures océaniennes :


Si l'A. altilis est présent et utilisé dans la quasi-totalité des îles Océaniennes, son importance dans l'économie vivrière y est cependant assez variable. Son fruit n'est vraiment l'aliment de base qu'aux îles Marquises et à Truk en Micronésie. A Tahiti, il partage cette importance avec les bananes tandis qu'aux îles Gambiers, Australes, Cook et Samoa, il n'est qu'un complément du régime à base de taros.

Un aspect curieux de son utilisation en Océanie est sa conservation en fosse par fermentation. Pour cela, les fruits crus sont pelés, découpés en quartiers et entassés dans des silos-fosses aménagés dans le sol. Les parois et le fond de ces fosses sont revêtus de nattes en feuilles de Cocotier tressées ou encore de feuilles vertes de Cordyline. Des couches de fruits frais, pelés et découpés sont alternées avec des fruits déjà fermentes. Quand la fosse est pleine, on la recouvre de feuilles, terre et pierres. La fermentation qui s'y produit se traduit par une forte acidification. La pâte homogène formée par les fruits ainsi fermentes peut être conservée pendant des mois. Cette pâte est connue aux îles Marquises sous le nom de MA, MAHI à Tahiti, MASI aux Samoa, MARATAN à Ponapé, îles Carolines, MAR et OPWOT à l'île Truk dans ce même archipel, MAR aux îles Mortlock, BIRO aux îles Marschall, NAMANDAI à Erromango, Nouvelles-Hébrides. Dans ce dernier archipel, à Melsissi, île de la Pentecôte, les autochtones utilisent aussi ce mode de conservation par fermentation mais par un procédé différent. Ils enveloppent les fruits pelés et découpés dans des feuilles vertes et enfouissent ces paquets sous des tas de blocs de coraux érigés sur les plages à marée basse. Ceux-ci sont immergés à marée haute. Les alternances d'immersion et d'insolation violente entre les exondations périodiques facilitent la fermentation. Ces pâtes fermentées sont consommées rôties ou étuvées sous forme de galettes plates d'une odeur surprenante pour les Européens.

Aux îles Mariannes ainsi qu'aux îles Swallow dans l'archipel des Salomon, les fruits de l'A. allilis sont (ou étaient) conservés aussi par dessiccation obtenue au four (îles Mariannes) ou au soleil (îles Swallow).

En cuisine autochtone, le fruit de l'A. altilis est consommé rôti sur la braise ou les pierres chaudes, cuit au four indigène, parfois bouilli. Il est souvent agrémenté de crème de coco ou écrasé en purée. Les tahitiens s'en servent pour préparer ce qu'ils appellent le POE URU. Le fruit est pour cela cuit au four, pelé, écrasé en purée, additionné d'amidon de Tacca ou de Manioc et d'eau. On enveloppe cette pâte de feuilles vertes et on la cuit à nouveau dans le four indigène. Souvent elle est au préalable sucrée et additionnée de jus de citron. On la consomme arrosée de crème de coco.

A Tahiti, on utilise parfois les rachis des chatons mâles tombés à terre que l'on confit dans du sirop de sucre. Cette utilisation alimentaire des chatons mâles de l'A. altilis est aussi connue aux Indes.

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Selon Catherine Orliac, autrice de "Des arbres et des dieux : matériaux de sculpture en Polynésie." (In : Journal de la Société des océanistes, 90, 1990-1. pp. 35-42) :


Tout comme l'arbre de fer, l'arbre à pain, Artocarpus altilis (Moracée) est un ligneux bien connu en Polynésie ; c'est un très bel arbre cultivé de longue date dans tous les archipels où il fut lui aussi apporté par l'homme ; il pourrait être originaire d'Indonésie où le genre Artocarpus compte une trentaine d'espèces, la plupart sauvages. Cet arbre, décrit pour la première fois par Forster en 1776, est très abondant aux Iles de la Société où il en existe de nombreuses variétés. Il portait autrefois le nom de uru jusqu'au jour où le roi de Raiatea, Mahuru, prit ce nom qui fut frappé d'interdit et remplacé par le terme maiore.

Les traditions rapportent que le uru « jaillit d'un homme ; le tronc était son corps, les branches ses membres et les feuilles ses mains, le fruit était sa tête et à l'intérieur de celui-ci se trouvait la langue (le cœur du fruit) ». Comme le pua, le miro, le tamanu et le aito, cet arbre était planté dans l'enceinte des monuments cultuels et prenait les nom de puupuu. Ses branches, de même que celles du miro, étaient utilisées lors des cérémonies notamment après un combat lorsque le pays était dévasté ; « une grande branche d'un arbre à pain sacré était alors brisée (non coupée) et déposée sur le pavage du marae tandis que le prêtre disait : Voici une partie d'un arbre à pain ô dieu. Rends le pays fécond ». L'écorce des jeunes branches servait à préparer un beau tapa qui rivalisait de finesse et de blancheur avec les tapa confectionnés en mûrier à papier ; les pirogues sacrées des marae étaient calfatées avec de la sève de puupuu mélangée à de la bourre de coco. Le bois de l'arbre à pain servait à de nombreux usages sur les marae : les piliers des plates-formes d'offrandes et les unun (sculptures décoratives placées sur les ahu et représentant les lignages des clans) étaient taillés dans ce bois ainsi que deux sculptures représentant une baleine, ombre de Ta'aroa et un requin bleu, messager de cette divinité ; il semble exister un lien symbolique entre Ta'aroa et l'arbre à pain par l'intermédiaire du dieu Uni créé par le dieu suprême et « qui inspirait au fur et à mesure que Ta'aroa le commandait » ; Uni qui était chargé d'écoper la pirogue du grand dieu, envoya « des messagers pour soulever le ciel afin que la lumière puisse pénétrer » sur terre.

Un tiki marquisien représentant le dieu Tamo Tiopu découvert sur une meae en 1932 est taillé dans de l'Artocarpus (M.H. n° 38-33-2) ainsi qu'un poteau de maison de Nuku Hiva (M.H. n° 94-14-2). Ce bois, de couleur jaune dorée, très apprécié mais difficile à travailler en raison de sa forte teneur en silice qui nécessite un aiguisage permanent des outils, est connu dans la littérature ethnohistorique comme bois d'œuvre pour les charpentes et les poteaux de soutènement ; jadis, mais encore de nos jours, il était très employé pour fabriquer les pirogues à balancier.

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Symbolisme :


Selon Jacques Barrau, auteur d'un article intitulé "L'Arbre à pain en Océanie." (In : Journal d'agriculture tropicale et de botanique appliquée, vol. 4, n°3-4, Mars-avril 1957. pp. 117-123) :


A la famille des Moracées et au genre Artocarpus Forster appartient l'Arbre à pain, l'une des plantes alimentaires caractéristiques de l'Océanie. Aux yeux des Européens, il fut longtemps un symbole de l'abondance et de la vie facile qu'on croyait et croit encore propres aux îles de la Mer du Sud. Ceci explique les nombreuses tentatives qui furent faites au XVIIIe siècle pour s'en procurer des plants afin de l'introduire dans les vieilles colonies. Forster, naturaliste qui accompagnait le Capitaine Cook, avait en effet écrit qu'un hectare d'arbre à pain permettait à 20 ou 25 personnes de vivre pendant huit mois des fruits produits, d'où l'idée que c'était la nourriture abondante et peu coûteuse pour les esclaves.

 

J.-V. Marc, dans un article intitulé "Le jardin créole à Fort-de-France : stratégie de résistance face à la pauvreté ?" (In : VertigO, Volume 11, n° 1, mai 2011) s'intéresse notamment aux sens des jardins urbains pour les populations précaires :


Dès lors, pour les populations les plus touchées par la précarité professionnelle, la pauvreté, détenir un arbre à pain, un bananier, quelques légumes ou condiments dans un jardin créole, constitue souvent presque l’unique moyen d’économiser un peu d’argent sur la nourriture tout en s’assurant une santé et une autonomie alimentaire. L’une des caractéristiques paysagères qui résultent de cette réalité est l’omniprésence de l’arbre à pain dans les quartiers populaires de Fort-de-France, mais aussi de Pointe-à-Pitre, Roseau, Castries ; l’arbre à pain est « l’arbre social par excellence » (Chauvin et Poupon, 1983)

[...]

Les multiples investigations menées dans les quartiers foyalais (Marc, 2007) ont permis de mettre en lumière le fait que le jardin créole urbain, véritable espace vécu, se révèle un facteur de cohésion sociale, en plus d’être un espace de verdure nature. L’attachement au lieu sous-tend une relation affective à l’espace. L’espace approprié contribue à l’identité de l’individu et procure un sentiment de sécurité. En effet, les territoires appropriés individuellement ont comme fonction essentielle de produire de la sécurité, et de la stabilité (Moser et al., 2003). Le jardin offrant « un territoire de sociabilité choisie » à l’individu, favorise et stimule le maintien d’une certaine forme de lien social dans les quartiers de Fort-de-France. Les échanges qu’il suscite entre voisins s’insèrent dans la logique communautaire bien caractéristique des quartiers populaires.

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Mythologie :


Marie-Charlotte Laroche souligne dans "Tapa de Tahiti." (In): Journal de la Société des océanistes, n°65, tome 35, 1979. pp. 263-270) le rôle de l'arbre à pain dans les célèbres tapas (étoffes végétales fabriquées à partir de l'écorce de certains arbres) :


2. L'uru ou arbre à pain (Artocarpus altilis), aussi appelé maïore, était tout d'abord recherché pour ses fruits qui nourrissaient les hommes. La tradition tahitienne donne à cet arbre une origine humaine, bien que de nombreuses légendes mettent en proche relation le travail de l'écorce de l'uni et la déesse de la Lune Hina, aussi appelée Hina tutu-ha'a, Hina la batteuse de tapa. À Raïatea, on situait l'endroit où elle détachait l'écorce de l'arbre pour en faire le tapa blanc sacré, ahu pi'uou'u. Un autre lieu est dit « place de Hina pour battre le tapa », tuturaa haa a Hina. Les étoffes faites à partir de l'uni étaient parmi les plus prisées pour les cultes religieux. Bien que plus épaisses que celles tirées de l'aute (Broussonetia papyrifera), elles étaient d'une blancheur éclatante.

[...]

Cette étude de la technique et de l'utilisation du tapa à Tahiti, bien que n'étant pas exhaustive, montre néanmoins la place prépondérante qu'il occupait dans la société d'autrefois. Par son origine divine, puisqu'elle est attribuée à la déesse Hina, mère du dieu Oro, il est associé à toutes les formes du culte. Son emploi constant dans le domaine religieux lui confère un caractère particulier : il sert en quelque sorte de lien entre les dieux et les hommes. Certes dans d'autres groupes d'îles on trouve le tapa associé à de nombreuses circonstances de la vie sociale et religieuse (à Hawaii ou aux Marquises, par exemple), mais il semble que ce soit à Tahiti plus qu'ailleurs que son utilisation ait atteint une telle ampleur et une telle signification par sa participation, de la naissance à la mort, à toutes les circonstances de la vie.

Les multiples utilisations du tapa soulignent son importance dans la société tahitienne d'autrefois : tissus enveloppant les effigies des dieux dans les marae, vêtements sacerdotaux ou profanes, don matrimonial, langes ou linceuls.

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Annie Walter dans ses "Notes sur les cultivars d'arbre à pain dans le Nord de Vanuatu." (In : Journal de la Société des océanistes, 88-89, 1989-1-2. pp. 3-18) évoque la mythologie associée à l'Arbre à pain :


Mythes d'origine de l'arbre à pain.

Les mythes océaniens font souvent naître l'arbre à pain d'un corps humain. Voici celui que nous avons recueilli à Marpagho, dans le sud de Malakula, auprès de Telina et Linet :


Il y avait autrefois une femme qui mit au monde une fille. Celle-ci se maria avec un homme d'un autre village mais bientôt ils moururent tous les deux. La femme ignorait que sa fille était morte et au bout d'un certain temps, n 'ayant aucune nouvelle, elle partit au village de sa fille en emmenant avec elle sa toute petite fille. En arrivant au village elle comprit que son enfant était morte et en eut tant de chagrin que l'esprit de la jeune femme décédée vint près de sa mère pour lui parler. Elles restèrent là toutes deux à bavarder et le soleil commença bientôt à tomber. La toute petite fille qui accompagnait la vieille avait faim. Elle pleurait et pleurait. Alors l'esprit dit à sa mère :

— Attends là, moi je vais aller chercher un fruit pour elle.

Elle partit, se coupa un sein puis revint le donner à sa mère. C'était le premier fruit à pain. Elles le rôtirent et le donnèrent à manger à la toute petite fille.


Nous avons déjà noté qu'un mythe, originaire de Pentecôte faisait état de la multiplication du fruit à pain et non de son origine. Aux Banks l'origine du fruit est attribuée à Qwat qui l'introduisit en même temps que la banane.

Parfois on se souvient, comme à Pentecôte, du premier arbre à pain connu sur l'île. Il s'agit à Wusi du lehula dont les chauves-souris dévoraient les graines et à Maewo du sagwai dont le nom signifie le ciel.

A côté de ces mythes d'origine l'arbre à pain est parfois mis en scène dans des contes, comme celui, assez curieux, que nous avons recueilli à Piaulup.


Un jour Melora le démon planta un arbre à pain. Bientôt celui-ci porta des fruits. Le démon dit :

— Dansons toute la nuit et demain nous cueillerons les fruits.

Alors il chanta :

Melora, ancêtre aux longs cheveux,

combien ta main a-t-elle de doigts ?

Ta main en a cinq

elle en a dix, pas plus.

Tous en bas,

il monte, il descend,

le menteur, le menteur !


Les cinq doigts de la main mentaient tous à Melora. Le petit doigt chantait et dansait avec lui, mais les autres grimpaient à l'arbre et cueillaient tous les fruits. Au petit matin Melora et Petit Doigt partirent cueillir les fruits mais il n'en restait plus. Ils durent se contenter des fruits pourris.


On nous expliqua que ce conte faisait référence aux hommes qui trompaient souvent leurs ancêtres. Dans sa structure ce conte rappelle aussi ceux qui mettent en scène dix frères dont le plus jeune joue souvent le rôle principal.

La mythologie, qui est aussi mémoire et enseignement, contient de nombreuses informations sur les relations que l'homme entretenait avec ses plantes.

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