Étymologie :
Étymol. et Hist. [1861 cf. supra rem.] ; 1870 (Lar. 19e). Lat. sc. epipactis (cf. 1763 Adanson, Famille des plantes, 2e part., p. 70) ; gr. ε ̓ π ι π α κ τ ι ́ ς « elléborine ».
Lire également la définition du nom épipactis afin d'amorcer la réflexion symbolique.
Autres noms : Epipactis helleborine - Épipactis à larges feuilles -
Botanique :
Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleurs :
Épipactis : La Magicienne du bois
Nous l'avons vu, les orchidées sont les reines pour tromper leur monde et attirer divers insectes à leur profit afin d'assurer leur pollinisation croisée. Certaines imitent le corps de femelles qui attireront les mâles en recherche de copulation -comme l'ophrys abeille ou l'orchidée marteau), d'autres attirent les mâles à l'aide d'huiles essentielles, comme les coryanthes.
L'épipactis helléborine (ou épipactis à larges feuilles) a choisi un autre terrain de jeu, tout aussi surprenant ! Cette petite orchidée discrète fleurit en plein milieu de l'été, au cœur des forêts, dans des environnements sombres et humides. Dans ces lieux où le soleil est arrêté par les frondaisons, les insectes pollinisateurs se font rares. Par contre, c'est à une époque de l'année où les guêpes sociales, comme la guêpe commune (Vespa vulgaris), connue de tous pour s'inviter sur le jambon blanc ou la pêche un peu trop mûre que l'on aurait emportée en pique-nique, sont en pleine activité et cherchent de la nourriture pour les larves qui grossissent dans leurs nids de papier.
Les larves de guêpe sont friandes de viande, en particulier de chenilles dodues et bien fraîches. Cela, les ouvrières de guêpes chargés du ravitaillement pour l'ensemble de la colonie le savent, et elles recherchent surtout ce mets.
Du côté de notre épipactis, l'évolution a fait son chemin, et par le jeu des mutations et des essais successifs, un mutualisme s'est mis en place entre l'orchidée et les guêpes chasseuses de chenilles ! L'orchidée a besoin d'insectes pour transporter son pollen d'une fleur à l'autre. La guêpe a besoin de chenilles pour nourrir ses larves. Oui, et alors ?
Le stratagème : Si jamais l'orchidée pouvait produire des chenilles, juste au-dessous de ses pollinies, ce serait l'idéal ! Mais imaginez : une plante produire une larve d'insecte ? La nature nous réserve bien des surprises, mais supposer une telle chose serait farfelu. Non, l'orchidée n'est pas allée jusque-là, mais presque ! Notre épipactis helléborine émet par ses fleurs des substances odorantes que d'autres plantes génèrent souvent, mais par leurs feuilles, lorsqu'elles sont attaquées par des chenilles ! Les chenilles qui mangent des feuilles, c'est embêtant. Or les plantes, qui ne bougent pas, cherchent tout de même une parade aux attaques. Différentes stratégies sont mises en place pour se défendre des herbivores et l'une d'elles consiste à produire des odeurs spécifiques qui attirent des insectes prédateurs des chenilles ! De la légitime défense, sen somme !
L'orchidée détourne donc à son compte ce signal olfactif. La fleur n'est pas du tout attaquée par des chenilles, mais en faisant semblant, elle attire des guêpes qui cherchent à tout prix à rapporter des chenilles à leur colonie.
En arrivant à la source du prétendu banquet, elles ne trouvent qu'une fleur, avec des étamines, et du pollen - mais aussi du nectar ! Bon, maintenant qu'elles sont sur place, les guêpes peuvent bien en prendre un petit peu ! Les orchidées ne sont pas si cruelles et, bien qu'elles les aient trompés, elles arrosent les guêpes de nectar. Et là encore, elles n'y vont pas de main morte ! Le nectar qu'elles fournissent à ces guêpes semble les rendre groggy ; tout actives qu'elles étaient, les voici maintenant beaucoup plus lentes, hésitantes et maladroites. Ce n'est pas plus mal pour l'orchidée ; elles passent davantage de temps sur les fleurs, et en titubant, se collent les pollinies (ces boules pleins de grains de pollen) sur le front, qu'elles iront déposer, sans le savoir, sur le pistil d'autres fleurs. Le secret de ce nectar particulier ? Un puissant stupéfiant : l'oxycocodine. C'est une substance de la famille des opioïdes, qui, synthétisée et utilisée comme médicament chez l'humain, a été décrite comme très addictive !
*
*
Dans le Guide des plantes menacées et protégées du Nord Pas-de-Calais proposé par l'’équipe du Conservatoire botanique national de Bailleul (mai 2005) on peut lire que :
Les épipactis sont des orchidées particulièrement délicates à identifier et de nombreuses formes font encore l’objet de description dans certaines régions de France. Une espèce plus répandue, l’Épipactis à larges feuilles [Epipactis helleborine (L.) Crantz] se rencontre notamment dans les bois frais et peupleraies. Plusieurs espèces ont la particularité, comme c’est le cas de l’Epipactis à labelle étroit, de pouvoir se féconder sans même que la fleur s’épanouisse.
Vertus médicinales :
Dans "Les Epipactis du nord-est de la France." (Bulletin de la Société Française d’Orchidophilie de Lorraine-Alsace, 2015, vol. 2015, pp. 3-17) Henri Mathé rappelle les vertus thérapeutiques de l'épipactis pour les Anciens :
[...] Le mot Epipactis (gr. ε π ι π α κ τ ι ς = elléborine) était déjà utilisé par les botanistes de l’Antiquité comme DIOSCORIDE ou PLINE, et désignait alors des plantes non identifiées de nos jours, pour lesquelles on a proposé le vérâtre blanc, une espèce d’Astrantia ou d’Herniaria voire certaines orchidées ! Cette indétermination est affirmée dans un ouvrage de botanique du XIXème siècle : « Il y a impossibilité manifeste d’arriver à la détermination de cette plante… l’épipactis de Pline et de Dioscoride est et doit rester inconnue aux modernes. » (Histoire naturelle de Caius Plinius Secundus, traduction nouvelle par M. Ajasson de Grandsagne, vol. 9, p. 158 ; 1831).
L’étymologie du mot est elle-même douteuse (voir M. CHAUVET sur Pl@ntUse : http://uses.plantnetproject.org/fr/Dictionnaire_%C3%A9tymologique#Epipactis) :
« renforcé, fermé », en liaison avec la structure de l’anthère (L. CHIRAT, 1841 - Etude des fleurs, p. 431) ou de ses vertus cicatrisantes. Hypothèse la plus probable.
« qui attire » (sous-entendu « les mauvaises humeurs »), en liaison avec un usage médicinal (A. de THEIS, 1810 - Glossaire de Botanique, p. 49). A. J. de LENS et F. V. MÉRAT précisent : « qui attire au dehors » (1829 - Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale Tome I, p. 477) ! Citant DIOSCORIDE, ils indiquent que la plante serait utile dans les maladies du foie.
« figer, durcir, congeler », par allusion aux fleurs blanches ?
Entre le milieu du XVIème siècle et le milieu du XVIIIème siècle, le terme Epipactis sera repris par plusieurs botanistes pour désigner des orchidées diverses et variées. En 1554, Rembert DODOENS l’associe pour la première fois, en synonymie avec Elleborine, à une orchidée sous le nom de Wildt wit Niescruyt (Ellebore blanc sauvage), qui est l’actuel Epipactis helleborine (Cruijdeboeck, 1 ère ed. vol. 3, cap. 30, p. 389). Dans la traduction française de l’ouvrage, en 1557, Carolus CLUSIUS (Charles de L’ÉCLUSE) décrit ses vertus médicinales : « La décoction d’Helleborine beue, ouvre les oppilations du foye, & proufitte grandement à ceux qui ont quelque indisposition du foye, ou qui ont prins quelque venin, ou qui sont mords de quelque beste venimeuse ».
*
*