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  • Photo du rédacteurAnne

Le Silex




Étymologie :

  • SILEX, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. 1556 géol. (R. Leblanc, Trad. de Cardan, f°129 v°ds Gdf. Compl.) ; 2. 1752 « pierre à fusil » (Trév.) ; 3. 1864 subst. masc. plur. « outils préhistoriques en silex » (Boucher de Perthes, Antiq. celt., t. 3, p. 377). Mot lat. silex « toute pierre dure, silex ».


Lire également la définition du mot silex pour amorcer la réflexion symbolique.




Symbolisme :


Le Dictionnaire des symboles (Éditions Robert Laffont 1969 ; édition revue et corrigée 1982) dirigé par Jean Chevalier et Alain Gheerbrant renvoie le lecteur à l'entrée Obsidienne.

 



Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque la magie de la forme :

2 mars

(Fontaine-la-Verte)


Je descends dans la carrière abandonnée. Je ramasse un rognon de silex. Il est contourné, comprimé, bizarre, inquiétant. il lance des pseudopodes comme une amibe ou un globule blanc. En changeant deux fois d'échelle, j'y reconnais un rhizome de gingembre ou un cumulus de pluie.

Les formes de la nature sont en nombre limité. Chaque objet possède un homologue dans l'infiniment petit, dans l'infiniment grand et dans notre propre organisme. Voici pour quoi, au contraire de ce que j'ai écrit ailleurs dans ce journal, la connaissance intuitive de certaines parties de l'univers reste possible.

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Dans Debout les morts (Éditions Viviane Hamy, 1995 ; Éditions J'ai lu, 2000), roman policier dans lequel Fred Vargas présente les personnages des "évangélistes", l'un d'entre eux est féru de préhistoire :


"Muet comme Mathias qui tentait de faire ses tas de silex et d'ossements : un type muet conversant avec des objets muets. C'était complet. Mathias assurait qu'il savait les entendre, qu'il suffisait de connaître leur langue et de les écouter. Marc, qui n'aimait que le bavardage des textes, de lui-même et des autres, ne pouvait pas comprendre ce genre de conversation du silence. Pourtant, Mathias finissait par trouver des trucs, c'était indéniable."

 

Dans Un peu plus loin sur la droite (Éditions Viviane Hamy, 1996 ) de Fred Vargas, le comportement de Mathias continue à étonner les autres personnages :


- ... Qu'est-ce que fout Mathias ? Il guette une taupe ?

Marc se retourna et regarda Mathias qui, à présent, accroupi, examinait l'herbe sans bouger.

- Oh... ça lui arrive tout le temps, ne t'en fais pas, c'est normal chez lui. Je t'ai dit, très braqué comme type, les archéologues sont comme ça. Un pissenlit de travers, et ça y est, ça le chiffonne, il croit qu'il y a un silex dessous.

 

Dans Sans feu ni lieu (Éditions Viviane Hamy, 1997) , le même auteur poursuit son portrait de Mathias :


Dans la salle voûtée de la cave, entre un établi chargé d'outils et calé par des annuaires et des clayettes à vin, Mathias était penché sur une longue table puissamment éclairée, où s'étalaient des centaines t des centaines de petits éclats de silex. C'était la première fois que Louis mettait les pieds ici, il n'était nullement au courant que Mathias s'était aménagé un antre dans les profondeurs de la terre. Debout à côté de lui, Clément examinait un morceau de caillou, l'expression studieuse, la langue tirée dans sa jeune barbe, les sourcils froncés, Marthe, assise sur un haut tabouret de peintre, calée conte les bouteilles, marmonnait toute seule, petit cigare aux lèvres, en faisant ses mots croisés.

[...] Mathias lui tendit la main, le saluas avec un sourire nonchalant et se remit à l'ouvrage. Visiblement, si Louis comprenait bien, le but de l'opération consistait à reconstituer le bloc de silex d'origine que l'homme préhistorique s'était échiné à débiter en centaine d'éclats. Mathias choisissait, essayait et reposait les pièces les unes après les autres, avec une stupéfiante célérité. Clément, de son côté, était en train d'ajuster sans grande habileté deux bouts de silex l'un contre l'autre.

- Montre voir, lui dit Mathias.

Clément tendit la main et présenta son assemblage.

- C'est bon, dit Mathias en hochant la tête, tu peux coller. Pas trop longs les bouts de scotch.

Le grand chasseur-cueilleur leva la tête vers Louis et sourit.

- Vauquer est très doué quant à lui, dit-il,. Il a l’œil, vraiment. Et le remontage de silex, ça n'a rien de commode.

- Ça date de quand ? demanda Louis pour être poli.

- Douze mille ans.

Louis hocha la tête. Il avait l'impression que sortir la photo de la morte de Nevers dans le repaire paléolithique de Mathias serait reçu comme un geste malséant. Mieux valait sortir Clément.

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Selon Jean Rouaud, auteur de La Splendeur escamotée de frère Cheval ou Le Secret des grottes ornées (Éditions Grasset et Fasquelle, 2018),


"Il y avait un autre profit à cette installation en bordure de ce qui deviendra la Seine qui s'appelait, pour ses méandres, "rivière-serpent" peut-être. On y collecte du silex à foison, ce qui revenait à tomber sur un filon d'or ou une nappe de pétrole. Peut-être dans leur langue, l'appelaient-ils le "lieu-où-les-pierres-abondent". C'est par cette pierre, taillée, effilée, aiguisée, dentelée que tout a commencé. C'est par elle qu'une variété d'hominidés s'est, au fil du temps, convaincue de sa supériorité. Jusque-là le combat à mains nues était inégal face aux seigneurs de la terre. Cette variété cousine des grands singes était condamnée à perdre, et donc à disparaître, jusqu'à ce qu'elle apprenne à truquer le combat. Armé d'une pierre, le rapport de force s'inversait. L'homme est un tricheur qui dissimule un fer à repasser dans ses gants de boxe avant de monter sur le ring de la vie. Tellement importante la pierre, tellement emblématique de ce combat pour la survie, que dans son étymologie grecque (paléolithique égale pierre ancienne) elle a donné son nom aux diverses périodes qui scandent la montée en puissance du bipède fraudeur. La pierre, c'est sa force de frappe.

Il existait au sein du groupe des artisans spécialisés dans le débitage et la découpe de ces blocs. Ils en sortaient des pointes de flèches, des couteaux, de longues lames effilées comme des baïonnettes, des grattoirs et des percuteurs. A Pincevent, dans un campement voisin, à cinquante kilomètres en amont sur une boucle de la Seine, les maîtres tailleurs occupaient une position centrale au lieu que les petites mains, les apprentis, les bras cassés peut-être, beaucoup moins adroits, étaient relégués à la périphérie. Ce que l'on constate aux rognures abandonnées. ce qui démontre une hiérarchie dictée par l'art de bien faire : les Magdaléniens savaient reconnaître le talent et lui donner une place "centrale". Ce qui implique une vision concentrique de l'organisation de la société qui dessine, du centre à la périphérie, du plus doué aux balbutiants, une échelle de reconnaissance des talents."

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