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Le Trèfle à 4 feuilles



Étymologie :

D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012) :

Exceptions à la règle : Comme l'indique son nom latin Trifolium, le trèfle est généralement pourvu de trois feuilles. Les spécimens présentant plus de folioles sont donc des exceptions parmi lesquelles le trèfle à quatre feuille a fait figure de "petite monstruosité botanique". Désigner cette charmante erreur de la nature par son nom habituel revient à effectuer une erreur de langage systématique. en décomposant la dénomination latine, nous obtenons en effet : "trois feuilles ayant quatre feuilles..." Les amoureux de la langue française pourront parler de "trèfle quadrifolié" ou de "trèfle quadrilobé", seuls termes appropriés.

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Mythes et légendes :


Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des fées (Éditions Plume de carotte, 2014), le trèfle à quatre feuilles permet de "voir l'invisible".


Ingrédient magique : N'avez-vous jamais rêvé de voir le joli minois d'une fée ? Eh bien, sachez que vous n'avez besoin d'aucune baguette magique pour exaucer votre vœu, un trèfle à quatre feuilles fera amplement l'affaire ! Certes, dénicher cette plante rare demande patience et obstination mais la tâche en vaut la peine. car le trèfle à quatre feuilles est un fréquent ingrédient de la "pommade de fée". Celle-ci, appliquée sur les paupières, permet de percevoir les êtres féeriques habituellement invisibles à nos yeux.

Plusieurs récits de sages-femmes ayant été appelées au chevet du Petit Peuple témoignent de cela. Fées et autres esprits féminins demandaient aux accoucheuses d'enduire les paupières du nouveau-né avec un onguent magique. curieuses d'en découvrir le secret, les humaines appliquaient discrètement cette pommade sur l"un de leurs propres yeux. A leur grande surprise, elles découvraient alors la véritable apparence des êtres leur faisant face. Les enchantements d'illusions et autres sorts de dissimulation n'agissaient plus sur elles.

Aucun grimoire ne mentionne la recette de cette "pommade de fée". Mais à en croire les anciens, un simple contact avec un trèfle à quatre feuilles permettrait de voir le Petit Peuple.

Une jeune Anglaise du Northumberland a ainsi surpris des fées dans leur danse après avoir foulé la plante rare en chemin. Placer un trèfle à quatre feuilles dans sa chaussure gauche et une couronne de trèfles et de myrte sur sa tête offrirait le même résultat.


Motus et bouche cousue ! Si, par un hasard extraordinaire, vous appliquez un jour de la "pommade de fée" sur l'une de vos paupières, prenez garde à ce qu'aucun être féerique ne découvre votre secret. dans le meilleur des cas, il se contentera de souffler sur vos yeux pour annihiler votre pouvoir. Dans l'autre, il crèvera l’œil incriminé...

Se défendre a parfois un prix : Par sa forme évoquant une croix, le trèfle à quatre feuilles passait pour démasquer les illusions et préserver de tous les enchantements. Il aurait permis également de déjouer les tours et autres taquineries auxquels le peuple de féerie s'adonne parfois.

Il y a de cela bien longtemps, un fermier des Cornouailles avait dans son cheptel une vache qui stoppait net de donner son lait durant la traite. Un soir, alors que la servante s'apprêtait à quitter le pré où paissaient les bêtes, elle confectionna une couronne d'herbes, de foin et de trèfle mêlés. Puis la posa sur sa tête afin de stabiliser le seau de lait qu'elle venait de tirer. C'est alors qu'elle aperçut des milliers de petites gens sortir des corolles de fleurs pour agripper le pis de la vache et en boire le lait. Comme vous vous en doutez, un trèfle à quatre feuilles était présent dans la couronne. On pensa protéger la bête en enduisant ses pis avec de la saumure de poisson dont l'odeur est insupportable au Petit Peuple. Mais à partir de ce jour, la vache s'amaigrit et elle fut vendue pour une bouchée de pain à la foire suivante. comme quoi, il n'est pas toujours bon de contrarier les êtres de féerie...

Bien que le Leprechaun soit parfois représenté avec un trèfle à quatre feuilles il arbore le plus souvent un trèfle normal, emblème de l'Irlande.

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Quelques croyances bordelaises sont en relation avec le milieu même du jour Saint-Jean. [...] En Wallonie, le trèfle à quatre feuilles trouvé à la Saint-Jean par une jeune fille lui assure un époux dans l'année.

[...] Jadis le trèfle à quatre feuilles devait être récolté de nuit à la nouvelle lune. Noël du Fail fait allusion aux sorciers de Retiers qui étaient supposés s'être mis en campagne pour le chercher, et Cyrano de Bergerac parle des joueurs qui allaient le ramasser sous le gibet. En Basse-Bretagne, il fallait le cueillir à genoux et le couper avec les dents.

[...] Il est des plantes qui constituent des talismans individuels ; à Grosblidërstroff en Lorraine, on n'a pas à craindre les fantômes quand on a sur soi du trèfle a quatre feuilles, presque toutes les filles en placent dans leur livre de messe !

[...] En Wallonie on peut voyager sur l'eau sans crainte si on a sur soi du trèfle à quatre feuille.

[...] En Basse-Bretagne, le trèfle à quatre feuilles met en fuite le diable lui-même il ne damne personne parce que c'est toujours le signe de la croix ; dans les Vosges, pour la même raison, il garantit de tous les enchantements ; celui qui l'a sur lui sans le savoir, peut percer avec sa balle la peau d'un loup-garou en Saintonge, quand on faisait bénir des balles destinées à le blesser, il fallait avoir sur soi un trèfle a quatre feuilles arrosé d'urine de pendu- En Touraine, le trèfle a cinq feuilles fait trouver des filles a son goût et gagner au jeu.

[...] Au XVIIe siècle, un trèfle à quatre feuilles trouvé sous le gibet était un talisman pour les joueurs, comme l'était naguère en Saintonge, le trèfle à quatre ou à cinq feuilles arrosé avec de l'urine de pendu. Dans la Gironde, celui à quatre, cinq ou six feuilles est un porte-veine excellent, mais il arrive malheur à celui qui cueille ou conserve un trèfle a sept feuilles. Dans les Vosges, le trèfle à quatre feuilles fait gagner le joueur qui l'a sur lui sans le savoir ; à Liège, celui pourvu de quatre ou de cinq feuilles assure le gain des procès.

[...] Celui qui porte certaines plantes acquiert le don d'invisibilité, et plus rarement celui de voir ce qui est caché aux autres. Au XVIe siècle, des gens des environs de Rennes, ne pouvant trouver quelqu'un qui s'était échappé subtilement, « jugeoient qu'il s'estoit fait invisible pour avoir au matin mis du plantain sous la semelle gauche de ses souliers avec trois grains de sel ». Dans les Vosges, le trèfle à quatre feuilles procurait le même privilège. En Basse-Bretagne ceux qui possèdent ce trèfle, l'épi à sept têtes ou le grain qui a passé dans la meule sans être moulu ou au four sans être cuit, voient ce qui reste caché aux yeux de la plupart des hommes.

[...] Les plantes servent à la composition des aphrodisiaques mais il en est qui parleur simple contact exercent de l'influence sur les affections. Dans la Gironde, pour inspirer de l'amour, il faut placer dans la poche de la personne dont on désire être aimé et sans qu'elle le sache, un trèfle à quatre ou cinq feuilles ; mais il est nécessaire qu'au moment de le cueillir, on ait ignoré complètement ce qu'ou en fera plus tard. La graine de trèfle, ramassée dans les mêmes conditions, produit aussi ce résultat.

[...] Dans l'Allier, ou souffle sur du trèfle à quatre feuilles et on le fait respirer à l'objet de son amour.

[...] Il suffit parfois pour éprouver des malaises ou même gagner des maladies de marcher sur certaines herbes. Au XVe siècle on disait que Se un homme passe à pieds nuds sur le trefle à quatre fueilles, il ne puet eschapper d'avoir les fièvres blanches, et se c'est une femme, elle sera wihotle (trompée).

[...] En Béarn, on frotte la partie malade entre onze heures et minuit avec un trèfle blanc à quatre feuilles en prononçant ces paroles : Maü sabatye, maû aûratye, sor-mé dé quiou, de las pars dou boun Diou. Mal sauvage, mal sorcier, sors de là, de la part du bon Dieu. Cette pratique est surtout efficace pour les affections de la vue.

[...] La mastication des plantes ne parait pas très usitée maintenant. Au XVe siècle, on se servait d'herbes présentant des particularités assez rares, qui étaient l'objet d'observances accessoires : Cellui qui a les fièvres quartaines face tant qu'il treuve le treffle à quatre fueilles, et s'en desjune par quatre jours, et pour vray, elles le laisseront.

[...] Un certain nombre de plantes, en raison de particularités assez rares, constituent des porte-bonheur. La croyance à des présages de la trouvaille des trèfles à quatre feuilles, partagée par des civilisés, est fort répandue. Elle était courante au XVe siècle : Cellui ou celle qui trouve le tréfile à quatre fueilles, s'il le garde en révérence, sachiez qu'il sera eureux et riche toute sa vie. En Lorraine, comme dans le Valois celui qui le cueille à l'heure de minuit sera bientôt marié.

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D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012),


"Les sentiments non partagés sont la source de nombreux tourments. Pour favoriser leur sort, les demoiselles du Cher baignaient un trèfle à quatre feuilles dans de l'eau bénite avant de conserver la plante sur elles. [...] Les Albanais souffrant d'un amour non réciproque confiaient un trèfle à quatre feuilles au prêtre de leur paroisse. Si ce dernier faisait preuve de compassion, il acceptait de placer la plante dans le ciboire contenant les hosties durant trente-neuf jours. Au quarantième jour, le religieux bénissait les épris désormais remplis d'espoir, avant de leur remettre le trèfle magique. Un seul toucher du végétal sur l'être aimé suffisait paraît-il, à déclencher une attirance irrésistible !

[...] Les malchanceux aigris diront que les bonnes donnes sont affaires de tricherie. Les tricheurs parleront d'un heureux hasard. Les joueurs honnêtes et remplis d'espoir préfèrent quant à eux s'en remettre aux porte-bonheur parmi les quels le trèfle à quatre feuilles figurait déjà en bonne place au XVIIe siècle." [...] Comme l'indique son nom latin Trifolium, le trèfle est généralement pourvu de trois feuilles. [...] Mais qu'en est-il des trèfles encore plus rares [que le trèfle quadrilobé] tels les trèfles munis de cinq, six ou sept feuilles, mentionnés dans les superstitions de nos ancêtres ? Il est fort probable que vous n'ayez pas entendu parler de ces œuvres fantaisistes de la nature mais vous allez voir qu'un homme a largement surpassé cette créativité effrénée.

Record du monde : Le nom de Shigeo Obara, fermier japonais, figure par deux fois dans le livre des records Guiness world record. Et pour cause ! Durant 50 ans, ce passionné a effectué des croisements naturels pour augmenter le nombre de feuilles de trèfles appartenant à l'espèce Trifolium repens. Il présenta le 25 mai 2002, un trèfle à 158 feuilles et battit largement son record le 10 mai 2009 grâce à un trèfle de 56 folioles !

Usurpateurs végétaux : Depuis quelques années, une colonie de plantes vendues comme des trèfles à quatre feuilles envahit le marché et dupe allègrement la plupart des acheteurs. La ressemblance est certes troublante puisque chaque brin se termine par quatre folioles. Or ces Oxalis deppei, véritable nom de ces faussaires, n'appartiennent absolument pas à la famille des trèfles ! Contrairement à ces derniers qui sont issus de graines, les Oxalis deppei proviennent de gros bulbes et toutes leurs feuilles ont quadrilobées alors que le trèfle dispose rarement de quatre folioles.

La fougère Marsilea quadrifolia ressemble également au trèfle à quatre feuilles, soyez vigilants.


Authenticité garantie : En 1998, un entrepreneur français a acheté sous licence exclusive 450 pots de trèfles à quatre feuilles patiemment obtenus par l'INRA. Quinze années de sélection et des croisements furent nécessaire à une agronome pour reproduire un plant de trèfle à quatre feuilles trouvé au hasard de ses recherches sur l'amélioration des variétés agricoles du trèfle. L'idée n'est pas nouvelle puisqu'une revue de 1898 relate comment un habitant de Chambéry parvint à récupérer les graines d'un trèfle à quatre feuilles pour dupliquer la plante rare. Plusieurs horticulteurs du début du XXe siècle réitérèrent l'expérience tandis que des enfants vendaient au coin des rues de grandes villes quelques brins porte-bonheur. Le tout est de savoir s'ils 'agissait de vrais trèfles...


Une star discrète : Le trèfle à quatre feuilles est le plus célèbre des porte-bonheur végétaux occidentaux, probablement du fait de sa grande rareté. cette particularité est l'une des trois raisons qui a poussé la croyance populaire à élever la plante au rang de "porte-veine". Les probabilités de dénicher un exemplaire de ce végétal sont si faibles qu'une telle trouvaille peut être considérée comme un signe de chance. Bien que plus méconnus, les deux autres éléments relevés par les folkloristes ont tout autant influé sur la symbolique rattachée au trèfle. Évoquons tout d'abord les quatre folioles de la plante qui, par leur nombre et par leur disposition, rappelaient aux Français du XVIIe siècle la forme d'une croix. Tout comme cet objet chrétien, le trèfle à quatre feuilles était réputé pour repousser les maléfices, les revenants et le diable. Ajoutez à cela l'origine paradisiaque attribuée à la plante par nos voisins d'Outre-manche et vous comprendrez pourquoi le trèfle à quatre feuilles, doté de tels attributs, diffuse la chance. Ses surnoms d'antan, "feuilles de bonheur" et "feuilles de bonne encontre", témoignent de cette croyance.

Pour une efficacité garantie : Un heureux hasard a conduit vos pas vers un trèfle à quatre feuilles et vous voilà innocemment ravi de votre aubaine. C'est sans compter sur les exceptions à la règle qui, bien malheureusement, s'appliquent aussi chez les porte-bonheur... Un trèfle ramassé avec la main gauche par un droitier n'aurait ainsi pas plus de vertus qu'un trèfle cueilli en dehors de la première nuit de la nouvelle lune ou du matin de la Saint-Jean (encore faut-il être à jeun dans ce dernier cas). N'envisagez même pas de planter un drapeau près du précieux porte-bonheur pour revenir vous en emparer au moment approprié, car seule la plante décelée par hasard dispenserait ses bienfaits. Tous les espoirs portés sur un trèfle offert ou acheté seraient en conséquence aussi vains. Comme le stipulait en 1913 l'auteur ésotérique La Deguésah, le "trèfle à quatre feuilles n'apporte la joie qu'à celui qui, par sa patience et sa perspicacité, a mérité de le posséder." N'en déplaise à ce véritable rabat-joie, d'autres assurent que le don du spécimen végétal décuple la chance que l'on aurait eu en gardant la tige pour soi.


A mettre dans toutes les poches ! "La petite Malakoff a encore trouvé un trèfle à quatre feuilles. Je te l'enverrai." Cet extrait du télégramme envoyé par l'impératrice Eugénie à son fils Napoléon III a commencement de la guerre de 1870 nous montre que les strates les plus hautes de la société croyaient tout autant que les paysans aux vertus chanceuses du trèfle à quatre feuilles.


Modes de conservation appropriés : Cellui ou celle qui treuve le treffle à quatre fueilles, s'il le garde en reverence, sachiez, pour aussi vray que Euvangile, qu'il sera eureux et riche toute sa vie". Partie à la fin du XVe siècle dans les Évangiles des quenouilles, cette maxime met l'accent sur la nécessité à entourer le trèfle de respect en le faisant sécher, par exemple, entre les pages d'un missel ou d'une Bible.


Une passion débordante ! Edward Marin, un américain vivant en Alaska, détient le record de la plus grande collection de trèfles à quatre feuilles. Le 8 mai 2007, il possédait 111 060 spécimens recueillis depuis 1999 !


Multiples vertus :

"Une feuille pour la renommée,

Une pour la richesse

Une pour l'amour sincère,

Et une pour sa santé :

Elles sont toutes dans le trèfle à quatre feuilles."


La liste des bienfaits prêtés au trèfle à quatre feuilles semble ne pas avoir de limites, mais les nombreuses superstitions rattachées à l'amour, l'argent et le jeu laissent entrevoir les capacités exceptionnelles de la plante à exceller dans ces trois domaines.

Amour : Une vie solitaire, à laquelle s'ajoutent les regards de commisération de son entourage, peut être source de chagrin. En 1898, les Savoyardes craignant de coiffer sainte Catherine, allaient dans les prés à la recherche d'un trèfle à quatre feuilles qui leur assurerait un mariage dans l'année. Tel Cupidon, la plante est également capable de semer des sentiments aimants dans des cœurs jusqu'alors indifférents. Les Vosgiens désespérés inséraient jadis un trèfle à quatre feuilles entre l'autel de église et sa nappe. Une fois la messe dite, les amoureux transis glissaient ce trèfle dans un bouquet avant d'offrir le tout à l'être convoité.


Argent : "Avoir du trèfle" , "baigner dans le trèfle". Ces expressions nous rappellent combien la culture du trèfle fut autrefois synonyme de prospérité matérielle. Cette symbolique rattachée à la plante est également présente dans les jeu de cartes divinatoires où le trèfle annonce ne rentrée d'argent. Si vous faites preuve de scepticisme face à la cartomancie et si vous préférez opérer par vos propres moyens, insérez un trèfle à quatre feuilles dans votre porte-feuille. Si la croyance dit vrai, vous serez bientôt riche à souhait !


Jeu : A l'exception des Vosgiens pour qui le gain aux jeux était conditionné par la possession insoupçonnée du trèfle à quatre feuilles, les joueurs des autres régions de France plaçaient intentionnellement le gri-gri végétal dans leurs habits. Cette pratique courante et connue de tous agaçait les partisans de la rationalité. Citons pour mémoire les auteurs du Dictionnaire universel, historique et critique des mœurs, lois, usages et coutumes civiles, militaires et politiques [...] qui, en 1772, s'insurgeaient contre cette croyance : "Il y a des gens qui sont assez fous pour s'imaginer su('il seront heureux au jeu et qu'il gagneront toujours, pourvu qu'ils ayent sur eux du Trèfle à quatre feuilles."

Il est heureux que ces hommes n'aient pas connu les habitudes suivies par les joueurs des siècles suivants, car nul doute que leur verve aurait été plus virulente. De Plancy affirmait en effet qu'être muni d'un trèfle cueilli sous un gibet "après minuit, le premier jour de la lune" assurait une victoire permanente à toute sorte de jeux. Emportés par un appât du gain frénétique, les joueurs de Saintonges ne se sont pas contentés d'aller quérir des trèfles à quatre feuilles sous les potences. Ils prélevaient également quelques goutte de sang ou d'urine des suppliciés pour "arroser" leur talisman végétal, rendu par ce geste infaillible à leurs yeux...


Piétinement malencontreux : Si l'on se réfère aux croyances du XVe siècle, il faudrait se garder de marcher sur un trèfle à quatre feuilles car ces messieurs seraient gagnés par une fièvre tandis que ces dames seraient trompées !"

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Symbolisme :


Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Plante bénéfique, le trèfle l'est assurément mais ce n'est rien au regard des pouvoirs exceptionnels du trèfle à quatre feuilles, porte bonheur par excellence dans tout l'Occident. Rôle qu'on peut expliquer par sa (relative) rareté et par le fait que ses quatre folioles rappellent la forme d'une croix. Pour les Anglo-Saxons, « le trèfle à quatre feuilles doit, semble-t-il, sa réputation à Eve qui en emporta un avec elle quand elle fut chassée du paradis ».

Cependant, la renommée du trèfle à quatre feuilles paraît largement antérieure à l'ère chrétienne : elle trouverait son origine deux cents ans avant Jésus-Christ dans les îles Britanniques, où les druides fascinés par sa rareté profitaient (tout comme le faisaient les druides gaulois) des cueillettes de gui pour en rechercher.

Le trèfle à quatre feuilles trouvé par hasard annonce une rencontre sentimentale importante le jour même pour les Anglais, et un mariage prochain. Les Américains soutiennent que si vous le mettez dans votre chaussure, la première personne du sexe opposé qui vous accompagnera en promenade sera votre futur conjoint. En France, pour que le présage amoureux s'accomplisse, il faut placer le trèfle dans de l'eau bénite (en Lorraine et en Valois), le cueillir à minuit ou une nuit de pleine lune (en Gironde), le mettre dans la poche de celui ou celle qu'on souhaite séduire, et, en Bretagne, se mettre à genoux pour le saisir avec les dents : le trèfle à quatre feuilles arraché dans ces conditions assure également la victoire à la lutte. Selon certains vieux manuscrits d'herboristerie, il est préférable de récolter le trèfle à quatre feuilles le lundi, d'être à jeun et de lui dire : « Je te veux pour l'amour ». Placer la plante magique dans le missel du prêtre, ou sur l'autel, le temps d'une messe augmente ses pouvoirs ; la passer un instant sous les narines de sa bien-aimée suffit à la rendre amoureuse. Dans les Vosges, on recommande de dire, au moment où elle respire le parfum du trèfle : « Gabriel, illa sunt ».

Le trèfle à quatre feuilles promet également, disait-on au XVe siècle, bonheur et richesse jusqu'à la fin de ses jours. Il « fait deviner ce qui est caché », d'où l'expression : « Il ne faudrait pas un trèfle à quatre feuilles pour deviner cela ! » Il rend chanceux au jeu : autrefois, le trouver sous une potence augmentait ses pouvoirs, surtout si l'on en prenait possession après minuit le premier jour de la lune. On peut également suivre la recette du Grimoire du pape Honorius (Rome, 1670) :


Pour gagner au jeu, cueillez du trèfle à quatre ou cinq feuilles, faisant dessus un signe de croix, puis dites : trèfle ou trèfle large, je te cueille au nom du Père, et du fils, et du Saint-Esprit, par la virginité de la Sainte-Vierge par la virginité de saint Jean-Baptiste, par la virginité de saint Jean l'Evangéliste, que tu aies à me servir à toutes sortes de jeux. Il faut dire cinq Pater et cinq Ave ; puis on continue : EI. Agios, Ischyros, Athanatos.


En Lorraine, le trèfle à quatre feuilles protégeait des fantômes, en Bretagne, il éloignait le diable et dans les Vosges, tout en rendant invisible celui qui l'avait placé sous sa semelle gauche, il protégeait des enchantements et permettait, à condition de le porter à son insu, de tuer un loup-garou. Dans le pays d'Albret, « pour savoir quelles sont les sorcières d'un village, on met du trèfle à quatre feuilles dans le bénitier, au moment de la messe ; les sorcières sont obligées de sortir les dernières et le prêtre (et lui seul) pourra voir qu'elles ont une lumière sur la tête ».

Selon les Belges, on peut, grâce au trèfle magique, voyager sur l'eau sans danger et gagner un procès. En Angleterre, où la rumeur courut pendant la dernière guerre que l'homme qui portait un trèfle à quatre feuilles à sa boutonnière serait réformé, on dit : « Une feuille pour la renommée, une feuille pour la richesse, une feuille pour l'amour sincère, et une feuille pour la santé ».

Enfin, on peut considérer le trèfle à quatre feuilles comme un excellent présage dans n'importe quel domaine. « Au début de la guerre de 1870, une des dépêches de l'Impératrice à son mari disait que la petite Malakoff "avait trouvé un trèfle à quatre feuilles" et semblait en tirer un bon présage pur le succès de nos armes ».

Il faut savoir que donner le trèfle à quatre feuilles que l'on a trouvé « augmente la chance ». On peut se contenter d'une amulette de métal représentant la plante, qui favorise la réussite. L'anneau d'or, d'argent ou de cuivre serti d'un trèfle à quatre feuilles procure en outre une bonne santé et porte bonheur. Le trèfle à quatre feuilles monté sur un bracelet, une chaîne de montre, une épingle à cravate, ou représenté sur des objets, du papier à lettres, etc., fit fureur à Paris à la fin du XIXe siècle : « On m'a assuré, rapporte un témoin, que certaines personnes, dans cette ville pourtant bien sceptique, croyaient véritablement à l'heureuse influence que pourrait avoir une amulette de cette espèce portée constamment sur soi ». Des années plus tard, en Italie, certains modèles de la firme automobile Alfa Roméo présentaient sur leur capot un trèfle à quatre feuilles vert (dans un triangle blanc), notamment celui qui courut au Mans en 1970 et qui remporta sur les circuits de nombreuses victoires. Selon une croyance du Moyen Age, consommer pendant quatre jours un trèfle à quatre feuilles guérissait des fièvres. Le trèfle blanc passait dans le Béarn pour être efficace, notamment contre le affections de la vue, si on en frottait la partie malade entre onze heures et minuit avec cette conjuration : « Mal sauvage, mal sorcier, sors de là, de la part du Bon Dieu. » Au XVe siècle, on était également persuadé du danger que l'on encourait à marcher pieds nus sur un trèfle à quatre feuilles : l'homme aurait des fièvres et la femme serait trompée.


Le trèfle à cinq feuilles, encore plus rare, est lui aussi doté de pouvoirs surnaturels : il promet des gains au jeu, comme le rappelle la recette du Grimoire du pape Honorius, « de belles conquêtes féminines », la victoire dans les procès (Belgique) ou la fortune (Angleterre). Dans la Sarthe, il est un porte-bonheur très puissant s'il a été trouvé le matin de la Saint-Jean par une personne à jeun, tandis qu'en Normandie et en Touraine, il fallait s'en saisir la veille de ce jour magique à minuit précis car seulement en cet instant, le trèfle se parait de ses cinq feuilles : « On va en chercher avec des serviettes et des cierges bénits ; mais il faut opérer quand l'heure sonne, sous peine d'être écrasé par les chênes ou galopé par les démons ».

Aux États-Unis, le trèfle à cinq feuilles porte malheur, il ne fait pas le ramasser, mais celui qui en compte un promet un mariage. En Gironde, où le trèfle à six folioles est considéré comme une mallette, le trèfle à sept feuilles est maléfique.

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D'après Roland Mogn et François de Beaulieu, dans un article intitulé "Les plantes magique de Bretagne" et paru dans la revue Penn ar Bed n°212 en novembre 2012 :


Le Trifolium repens L. est le seul taxon qui donne le trèfle à quatre feuilles et aucune autres des 21 espèces de trèfles présentes en Bretagne. Cette feuille magique, à 4 folioles au lieu de 3, était utilisée pour gagner aux tournois de lutte bretonne. Pour cela, il fallait repérer un pied qui portait une feuille à quatre folioles. C’est toujours là où une jument avait mis bas son premier poulain (c’est aussi le cas de l’herbe d’oubli). Il faut ensuite revenir cueillir cette feuille la nuit (cf. la mandragore) de la veille du tournoi, la détacher avec les dents sans qu’elle touche terre (cf. le gui, la semence de la fougère), la laisser dans sa bouche toute la nuit et jusqu’au moment du combat. Ce trèfle à quatre feuilles a une autre propriété plus surprenante : si l’on porte sur soi un trèfle à quatre feuilles sans le savoir, on comprend les tours des magiciens. Ainsi, une vieille femme qui portait sur son dos un ballot d’herbe fraîchement coupée passa un jour de marché devant une estrade où un bateleur faisait un tour de magie : elle devina immédiatement le truc et le dit aux spectateurs. On fouilla alors dans son ballot d’herbe et on y trouva un trèfle à quatre feuilles (Rolland, 1911). De nos jours, les pouvoirs de cette feuille quadrifoliolée se sont fortement édulcorés et il n’est plus qu’un porte-bonheur pour superstitieux. Contrairement à la mandragore, au gui et à la graine de fougère, le trèfle à quatre feuilles n’est pas une plante utilisée par les guérisseurs ou les magiciens.

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