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Le Soma


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Étymologie :

  • SOMA, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1892 (A. Weismann, Essai sur l'hérédité, trad. par H. de Varigny, Paris, p. 417). Empr. au gr. σ ω ̃ μ α « corps » par le biologiste all. A. Weismann.


Lire également la définition de soma afin d'amorcer la réflexion symbolique, même s'il ne s'agit pas du même mot, l'homonymie est toujours intéressante à explorer...




Identification :


Selon Wikipédia :


Le brahmanisme est le lent passage du védisme à l'hindouisme, au cours duquel la plante originelle fut remplacée par des herbes, des plantes grimpantes ou même des fleurs. Férus de botanique, quelques érudits européens se sont efforcés d'identifier cette plante originelle aux vertus hallucinogènes, l'hypothèse la plus récente indique le champignon tue-mouches ou fausse oronge, Amanita muscaria. Mais dans les 120 hymnes au soma il n'est jamais question d'additifs ni de champignon. Un autre hypothèse serait une variété d'Ephédra (John Brough Université de Cambridge 1971).

Cependant, une tapisserie trouvée en Mongolie en 2009 par Natalia Polosmak de l'Institut d'Archéologie et d'Ethnographie SB RAS, datant de la Civilisation de l'Indus et tissée dans les cités de l'Indus, apporte un éclairage nouveau. Elle représente deux prêtres Zoroastriens vénérant un champignon qui semble être un psilocybe. Les chercheurs russes en ont déduit que ce champignon hallucinogène était utilisé dans la préparation du Soma qui était bu dans les deux civilisations, védique et iranienne. Ils en ont déduit que la religion de la civilisation de l'Indus était celle du Rig Veda. Ceci expliquerait l'absence de temple et de palais qui n'existaient pas dans la religion védique.

La plante, son foulage rituel, et son suc rituellement pressé (sens littéral du mot soma) et filtré, la libation de ce suc aux devas et sa boisson par tous les brahmanes officiants réunis, sont les formes diverses et complémentaires qui manifestent au cœur du monde védique une puissance vitalisante qui brille par son évocation.

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Dans La Sagesse interdite (Éditions Véga, 2022), Stephan Schillinger propose l'harmal comme une des composantes du Soma :


Même si ce dernier [l'Amanita muscaria] remporte, à ce jour, une forme de consensus, l'hypothèse qui me séduit le plus est celle de la combinaison d'harmaline contenue dans la rue de Syrie (Perganum harmala) avec la DMT et ses dérivés contenus dans de nombreuses plantes endémiques de cette région du monde, dont plusieurs espèces de roseaux du Moyen-Orient, et plusieurs espèces de mimosacées, dont des variétés d'acacia - arbre qui tient d'ailleurs une place très particulière dans la Bible, dans laquelle il est cité pas moins de vingt-huit fois.

Plusieurs spécialistes déclarent que le Soma hindou et l'Haoma iranien sont le Perganum harmala, ou harmal. Cette plante (communément appelée « rue de Syrie ») est associée à une longue tradition médicinale au Proche-Orient, cela également en raison de son abondance dans la région indo-iranienne ; alors que l'amanite tue-mouche était limitée à quelques régions de montagne, difficilement accessibles depuis les vallées peuplées par les Indo-Européens. Un texte semblable à une encyclopédie juive du XIIe siècle décrit l'harmal comme une plante médicinale. Des enquêtes faites en Israël auprès de Juifs d'Iran et du Maroc ont confirmé que l'harmal était traditionnellement associé à divers pouvoirs magiques et curatifs. En Iran, où il est appelé asphan ou esphand, l'harmal était utilisé sous forme d'encens pour exorciser les mauvais esprits, tandis que les Juifs marocains l'utilisaient dans divers traitements médicaux, ainsi que pour l'induction de l'avortement. De plus, les Juifs yéménites se servaient de la plante pour élever l'esprit, ainsi que dans des traitements contre la dépression ; alors qu'en Égypte elle était déjà connue pour avoir des propriétés hallucinogènes. Rami Sajdi, chercheur jordanien, a découvert que les guérisseurs bédouins utilisaient l'harmal à la fois pour la médecine et pour la sorcellerie, rapportant également de nombreux contes mythologiques et folkloriques associés à la plante.

Cette conviction personnelle sur la nature du Soma s'exprime également sans autre argument supplémentaire que mon expérience personnelle. Ce mélange représenterait donc l'analogue oriental de l'Ayahuasca, combinant les mêmes molécules. L'hypothèse de l'harmaline seule me séduisant également, car agissant comme un inhibiteur de monoamine-oxydase, elle potentialise la DMT qui - les études récentes le démontrent - est présente à l'état naturel dans notre corps. Elle est notamment produite par notre glande pinéale au moment de la mort, mais aussi dans nos poumons lors de certains exercices respiratoires développés dans de nombreux exercices propres à certains yogas. Ce qui apparaît comme parfaitement compatible avec les pratiques ascétiques ancestrales du yoga, qui était au centre des préoccupations du peuple en question.


Ô, roi Soma, prolonge nos vies

Comme le Soleil qui nourrit les jours tous les matins.

Le Soma est plein d'intelligence, Il inspire l'enthousiasme à l'homme, Il fait chanter les poètes.

Nous avons bu le Soma : nous sommes devenus immortels, nous sommes arrivés à la Lumière,

Nous avons atteint les Dieux.

La moitié de moi est dans les cieux, et l'autre s'étend jusqu'aux basses profondeurs.

Ai-je bu du Soma ?

Je suis grand, mon altitude atteint les nuages. Ai-je bu du Soma ?


Extrait du Rig-Veda

[...]

Mais les candidats au Soma ne s'arrêtent pas aux analogues de l'Ayahuasca, loin de là ! Et la réponse à l'insoluble mystère de sa nature originelle pourrait bien être que le Soma soit l'appellation générique de plusieurs breuvages enthéogènes dont le Rig-Véda ne mentionnerait qu'une seule version scripturale subsistante à nos yeux. Nous ne pouvons que constater, dans les faits, que chaque culture possède son propre breuvage enthéogène, adapté selon les plantes auxquelles elle a immédiatement accès, et qu'il ne fait aucun sens de les hiérarchiser en tentant de placer le Soma ou l'Haoma en haut d'une pyramide, comme certains le font avec l'Ayahuasca. Bien que les descriptions de l'identité de la plante en question soient multiples, elles sont incohérentes, dans la mesure où le candidat n'a jamais pu être formellement identifié. L'idée directrice, ici, étant qu'il n'existe pas UNE plante ou combinaison de plantes permettant d'atteindre le divin, ais des milliers ; t que e sujet du cherchant n'est pas de trouver ladite plante, ou le champignon, ou ledit breuvage, mais bien d'accéder à l'élargissement de conscience que des milliers de plantes permettent potentiellement. Il est donc vain de chercher une seule identité pour le Soma ou l'Haoma.

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Symbolisme :


Le Glossaire théosophique (1ère édition G.R.S. MEAD, Londres, 1892) d'Helena Petrovna Blavatsky propose plusieurs entrées relatives au soma :


AMRITA (sans.). La boisson ambrosiaque ou nourriture des dieux : la nourriture qui donne l'immortalité. L'élixir de vie baratté dans l'océan de lait de l'allégorie purânique. Un ancien terme védique pour le jus sacré du soma utilisé dans les Mystères des Temples.


SOMA (sans.). La lune, et également le jus de la plante de ce nom, utilisé dans les temples à des fins d'extase : une boisson sacrée. Soma, la lune, est le symbole de la Sagesse Secrète. Dans les Upanishads on utilise ce mot pour indiquer la matière à l'état brut (avec une association d'humidité) capable de produire la vie sous l'action de la chaleur. (Voir "SOMA, La Boisson").


SOMA, La Boisson. Fabriquée, à partir d'une plante rare poussant dans les montagnes, par les Brâhmanes initiés. Cette boisson sacrée hindoue fait pendant à l'ambroisie des Grecs ou nectar, bue à grands traits par les dieux de l'Olympe. Une coupe de Kykeôn était également bue à grands traits par les Mystes lors de l'Initiation Eleusinienne. Celui qui la boit facilement atteint Bradhna, ou le séjour de splendeur (le Ciel). La boisson Soma connue des Européens n'est pas l'authentique breuvage, mais son succédané ; car les prêtres initiés seuls peuvent goûter au véritable Soma. Même rois et râjas, lorsqu'ils sacrifient, reçoivent le succédané. Haug, de son propre aveu, indique dans son Aitareya Brâhmana, que ce n'était pas le Soma qu'il goûtait et trouvait désagréable, mais le jus obtenu à partir des racines du Nyagrodha, une plante ou buisson qui pousse sur les collines de Poona. Nous étions positivement informés que la majorité des prêtres sacrificateurs du Dekkan ont perdu le secret du vrai Soma. Il ne peut être découvert ni dans les livres à rituels ni au moyen de l'information orale. Les véritables membres de la religion védique primitive sont très peu nombreux ; ce sont les prétendus descendants des Rishis, les vrais Agnihôtris, les initiés aux grands Mystères. La boisson Soma est aussi commémorée dans le Panthéon hindou, car elle est appelée le Roi-Soma. Celui qui en boit est rendu capable de participer du roi céleste : il est rempli de son essence, comme les Apôtres chrétiens et leurs convertis étaient emplis du Saint Esprit, et purifiés de leurs péchés. Le Soma fait de l'initié un nouvel être : il est né à nouveau et transformé, et sa nature spirituelle surmonte sa nature physique ; il accorde le divin pouvoir de l'inspiration, et développe la faculté clairvoyante jusqu'à son plus haut point. D'après les explications exotériques, le soma est une plante, mais en même temps il est un ange. Il lie fortement l'intérieur, l' "esprit" le plus élevé de l'homme, cet esprit qui est un ange semblable au mystique Soma, avec son "âme irrationnelle", ou corps astral, et ainsi unis par la puissance de la boisson magique, ils s'élèvent ensemble au-dessus de la nature physique et durant la vie participent à la béatitude et aux gloires ineffables du Ciel. Ainsi le Soma hindou est mystiquement, et à tous égards, identique à ce que le souper eucharistique est au Chrétien. L'idée est similaire. Au moyen de prières sacrificielles – mantra – cette liqueur est censée être immédiatement transformée en Soma réel, ou en l'ange, et même en Brahmâ lui-même. Quelques missionnaires se sont exprimés avec beaucoup d'indignation sur cette cérémonie, et d'autant plus, car ils voyaient que les Brâhmanes usent généralement d'une sorte de liqueur spiritueuse en guise de succédané. Mais les Chrétiens croient-ils moins fermement en la transsubstantiation du vin de communion en le sang du Christ, parce qu'il arrive que ce vin soit plus ou moins spiritueux ? L'idée du symbole qui y est attaché n'est-elle pas la même ? Mais les missionnaires disent que cette heure où le Soma est bu est l'heure dorée de Satan, qui est aux aguets au fond de la coupe hindoue du sacrifice. (Isis Dévoilée).

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D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


ANDHAS. — L'herbe lumineuse du soma, l'herbe védique par excellence. On a justement rapproché de ce nom le mot grec :

; l'herbe est aussi appelée en général argunî, c'est-à-dire luisante.


[...] SOMA (cf. Herbes). — Je dois à l’amabilité du savant professeur Roth, cette note précieuse sur la somavallî, ou yagnavallî, ou yagnanetar, la plante d’où l’on tirait la liqueur enivrante offerte aux dieux dans les sacrifices indiens : « Diese Pflanze ist von allen Botanikern bezeichnet als Sarcostemma acidum (S. brevistigma oder Asclepias acida). Sie hat keine Blätter und enthält reichlichen Milchsaft. Ob aber die Pflanze des Veda dieselbe gewesen sei, das ist nicht ohne weiteres anzunehmen. Man müsste erst wissen ob dieses Sarcostemma auch am Fuss des Himâlaya wächst. Nach den Angaben der Floren scheint sie nur in südlichen Strichen vorzukommen (Coromandel, Bombay Presidency, Kocky Hills about Loonee, the barren parts of the plain between Dowlatabad and the Godavery, the Kamatkee and Katriy Ghauts, throughout the Deccan, Isle of Perim, Bengal [Serampore, but very rarely]). » Cependant la tradition indienne fait de la plante du soma une plante du nord. Comment s’expliquer cette contradiction ? A quelle plante actuelle de l’Inde septentrionale pourrait-on appliquer la description que l’on fait de la plante védique du sacrifice ? Le Çatapatha Brahmana dit que la plante du soma fut enlevée et apportée par un faucon ; on pourrait l’identifier avec l’Indrahasta, l’Indrasurâ (vitex negundo) ; mais on trouverait bien dans le negundo toutes les qualités attribuées à la plante du soma védique. Quant au soma employé actuellement dans l’Inde, les informations que nous tirons du Classical Dictionary of India de Garrett sont loin d’être satisfaisantes : « The soma of the Veda, écrit Garrett, is no longer known in India. Dr Haug says that the plant at present used by the sacrificial priests of the Dekhan is not the soma of the Vedas, but appears to belons to the same order. It grows on hills in the neighbourhood of Poona, to the height of about four or five feet, and forms a kind of bush, consisting of a certain number of shoots, all coming from the same root ; their stem is solid like wood, the bark greyish, they are without leaves, the sap appears whitish, has a very stringent taste, is bitter bitt not sour ; it is a very nasty drink, but has some intoxicating effet. (Ait. Br. vol. II, p. 489.) The ceremonial writers allow the plant pûtíka (Guilandina Bonduc) to be used as a substituts for the soma. The Parsees of Bombay use the branches of a parucular tree, obtained from Persia in a dried state. » On peut donc conclure que l’on ne sait positivement rien sur la plante qui servait aux anciens sacrifices védiques ; qu’il est probable que cette plante a changé plusieurs fois, pendant les émigrations des Aryens du nord vers le sud ; et qu’il n’est pas nécessaire de se représenter aux sacrifices symboliques de la terre, aucune boisson surnaturelle, aucune boisson délicieuse. Le soma de la terre n’était que symbolique du soma du ciel. Lorsqu’on feint de boire ou de donner à boire à Indra, dans le sacrifice, il n’est pas nécessaire que la boisson soit réellement enivrante ; il suffit que, par cette feinte, on engage Indra à boire au ciel l’eau de la force, le véritable soma, la véritable ambroisie, l’eau divine, cachée parfois dans le nuage, parfois dans les ondes de lumière douce et suave, que verse le grand Soma, le grand Indu, la lune, l’arbre dont la tige est longue, sombre, sans feuille, ainsi que la tige du soma, dont on recommande de tirer la liqueur du sacrifice. Soma est, comme la lune, le roi des herbes, le roi des plantes, dans la grande forêt remplie d’animaux sauvages qui s’appelle la nuit, ou la saison sombre et humide. C’est dans la nuit, et dans l’automne et l’hiver, que le héros solaire va puiser des forces nouvelles ; la lune est la bonne fée qui indique la source magique, qui fournit la boisson merveilleuse, qui rend tout-puissant le divin voyageur nocturne. Après avoir bu à cette source, à cet amrita, après avoir vécu pendant la nuit, pendant la saison humide, sous la protection de la lune, Indra et le héros solaire vont combattre le monstre, et remportent la victoire. Tout effort pour localiser sur la terre le roi mythique des végétaux me semble stérile. Soma enivre réellement les dieux au ciel, en renouvelant sans fin le triomphe de la lumière ; le sacrifice terrestre du soma n’est qu’une pâle, naïve et grotesque reproduction de ce miracle divin ; de même qu’en Grèce, au lieu de statues, on offrait à Héraclès de petits Héraclès de pâte, de même aussi peut-être, dans les temps védiques et postérieurs, en chantant les louanges du soma divin, on présentait aux dieux pour la forme quelque breuvage économique, que personne ne buvait, non pas seulement parce qu’il était réservé aux immortels, mais très probablement aussi parce qu’aucun mortel n’en aurait voulu. Dans l’histoire des sacrifices, on trouverait un grand nombre de substitutions de ce genre.

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Yves Béquignon, auteur d'un article intitulé "Le breuvage du Grand Roi." (In : Revue des Études Anciennes. Tome 42, 1940, n°1-4. Mélanges d'études anciennes offerts à Georges Radet. pp. 20-24) rapproche le soma de l'haoma :


Hérodote nous raconte (1. I, ch. 188) que, lorsque le grand Roi partait en campagne, il traînait à sa suite tout un ravitaillement ; en particulier, il « emporte avec lui de l'eau du fleuve Choaspès, qui coule auprès de Suse ; car il ne boit de l'eau que de ce fleuve et n'en boit d'aucun autre ».

De cet usage, les commentateurs ont proposé diverses explications. Le plus récent, M. Legrand, suppose comme « plus vraisemblable que l'eau du Choaspès était transportée pour servir en pays étranger, « infidèle », à l'accomplissement parfait de rites sacrificiels — par exemple à la préparation de l'Haoma — sur lesquels Hérodote n'était pas renseigné3». How et Wells nous donnent le choix entre deux interprétations : l'eau des autres pays était impure pour les sectateurs d'Oromasdès, et cette eau du Choaspès était utilisée pour la boisson et pour la préparation de l'haoma*.

Il m'a paru que ces exégèses ne rendaient pas exactement compte de l'allusion d'Hérodote, si tant est qu'on la puisse saisir. Elles s'attachent plus ou moins, en effet — et celle de M. Legrand, en particulier — à l'offrande de l'haoma. L'haoma, on ne l'ignore pas, est une « herbe sacrée qui, pressée dans une passoire, donne une boisson servant à la communion du prêtre ». Mais, dans la préparation de ce nectar, il entrait d'autres éléments, et l'eau notamment. Ce breuvage rituel correspond au soma de l'Inde ancienne, où, d'après l'un des Brâhmanas du Rgvêda, il a remplacé les sacrifices humains1. S'il s'agit ici de l'offrande de l'haoma, elle est empruntée à la religion hindoue. Ainsi, en comparant, au début de cet article, la coutume du roi de Perse et celle du haut personnage hindou, je n'avais point cédé, dans mon incompétence, au goût parfois factice de l'actualité. Les rapports entre la religion de l'Avesta et les religions voisines sont bien connus et l'on sait, de même, que l'Inde avait exercé une influence sur la Perse.

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Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


Le soma est un "jus extrait de la plante du même nom, qui se mua en Inde en une divinité, Soma, à qui des hymnes étaient consacrés et des sacrifices offerts. C'était la sève, le miel d'immortalité, apporté par un aigle aux mortels (Sandharva), servi en offrande aux dieux et absorbé par les hommes pour communier avec le divin. Le soma est le symbole de l'ivresse sacrée :


Nous avons bu le soma

nous sommes devenus Immortels,

Arrivés à la lumière,

nous avons trouvé les Dieux...

Enflamme-moi comme le feu

qui naît de la friction.

Illumine-nous, fais-nous plus fortuné...

Boisson qui a pénétré nos âmes,

immortelle en nous mortels, ce soma...

(extrait de divers Hymnes du Rig-Véda, traduction L. Renou).


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Dans un article intitulé "Rabelais, Philosophe et penseur : une perspective indienne" (In : Synergies Inde n° 2 - 2007, pp. 307-320), Mangala Sirdeshpande fait un lien entre le vin célébré par Rabelais et le soma :


On peut faire d’intéressants rapprochements entre cet éloge du vin chez Rabelais et les hymnes védiques consacrés au soma – le breuvage préféré des hommes et l’ambroisie des Dieux. Dans le Rig véda un livre entier mandala est consacré à la description du soma. Que d’appellations diverses que d’épithètes pour le décrire ! Le soma est « enivrant, doux, frais, rouge, c’est là que réside l’extase… quand Indra en boit nul ne peut le vaincre dans la bataille ». Les vers suivants sont relevés des Hymnes spéculatifs du véda traduits en français par Louis Renou. Ici le Dieu ivre de soma chante l’éloge de ce breuvage céleste :


Les breuvages m’ont soulevé

comme des chevaux rapides tirant le char

n’ai-je donc pas bu du soma ?


Le poème s’est approché de moi

comme la vache de son fils aimé

n’ai-je donc pas bu du soma ?


J’ai dominé le ciel de ma taille

Dominé la vaste terre…

N’ai-je donc pas bu du soma ?


Tout comme nos Dieux védiques Rabelais a trouvé dans le vin le meilleur de son inspiration. Tout au long de son œuvre il célèbre l’ivresse créatrice. C’est sans doute parmi les Aryens de l’Inde ancienne ‘beuveurs illustres’ de soma qu’il aurait trouvé ses frères spirituels. Dans le Cinquième Livre Rabelais fait allusion à Bacchus qui ‘fut de l’Inde vainqueur’. Ce Dieu est le double de notre Indra ‘le maître des breuvages’ ou somapa dont parle le Rig Véda. Le soma stimule les forces physiques et le pouvoir visionnaire. Il donne l’immortalité. Chez Rabelais ainsi que chez nos ancêtres le vin est surtout une métaphore. Ainsi le vin puisé à la sacrée fontaine ne saurait être le jus de la vigne au sens littéral. Ce vin représente le savoir suprême. Notons que c’est Rabelais lui-même qui nous invite à le rapprocher avec le soma védique. Le manuscrit du Cinquième Livre contient ce détail intéressant. La prêtresse Bacbuc emplit trois outres de l’eau ‘phantastique’ : « Des trois oyres les deux sont pleines de l’eaue susdicte, la tierce est extraicte du puys des saiges Indiens, lequel on nomme le tonneau des Brachmanes ». Cette allusion au ‘tonneau des Brachmanes’ retient toute notre attention. Ne fût-ce que ce seul exemple, il suffirait à montrer que Rabelais connaissait la culture et la pensée indiennes.

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