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Le Millet



Étymologie :

  • MILLET, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. Ca 1256 « céréale à graines très petites » (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, 54, 11 ds T.-L.) ; 2. p. anal. a) 1786 « maladie caractérisée par une éruption comparable à des grains de millet » (Journ. de Paris, 10 mars, p. 277 ds Fonds Barbier) ; 1806 (J. Capuron, Nouv. dict. de méd., de chir. [...], Paris) ; b) 1865 « petit kyste de la paupière » (Littré-Robin). Dér. de mil1* qu'il a en partie supplanté ; suff. -et*.


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.




Botanique :

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Bienfaits :


Selon Hildegarde de Bingen, auteure de Physica, Le livre des subtilités des créatures divines, les plantes, les éléments, les pierres, les métaux, les arbres, les poissons, les animaux et les oiseaux (édition originale 1151-1158 ; Édition Jérôme Millon, Grenoble, 2011), deux sortes de millet sont intéressantes :


Ch. IX Le Millet des oiseaux (Hirs) : Le millet des oiseaux est froid : il n'est guère chaud, car il n'enrichit, chez l'homme, ni le sang ni la chair, et il en lui apporte pas de forces. Il remplit simplement le ventre et diminue la faim, car il n'est pas capable de réchauffer. Mais il ramollit le cerveau de l'homme. Il rend l'estomac tiède et paresseux, provoque la tempête dans les humeurs internes de l'homme ; il est pour ainsi dire semblable à l'ivraie, et il n'est pas bon à manger pour l'homme.


Ch. X Le Millet à grappes ou Sétiaire d'Italie (Venich) : Le millet à grappes est froid, et a ne chaleur modérée ; il a peu de valeur, car il réchauffe peu. Il donne peu de forces à celui qui le mange, mais il ne lui fait pas de mal comme l'autre millet, et il ne provoque pas chez l'homme, avec autant de force que le millet, des humeurs malignes et des maladies.

[Ed. Si on a de fortes poussées de fièvre, faire cuire du millet à grappes dans du vin, et boire souvent de ce vin chaud : on sera ainsi soulagé.]"

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


Les paysans de la Bigorre disent qu'un bœuf ayant pénétré dans la grotte de Mounthajran, y resta huit jours, et qu'à son retour de la terre des nains, on ramassa dans ses déjections une graine que I'on cultiva ; c'est le millet, autrefois très abondant en cette région.

[...] Suivant une croyance très répandue, les esprits qui ont étourdiment renversé un vase contenant un grand nombre de grains d'une nature quelconque, mais petits, sont obligés, avant de pouvoir recommencer leurs espiègleries, de les ramasser et de les compter ; d'ordinaire ils y renoncent et l'on est débarrassé d'eux pour toujours. On emploie pour arriver à ce but les graines de plusieurs plantes En Corse, la besogne imposée au follet est accompagnée d'une sorte de conjuration : on mélange par terre un sac de blé et un sac d'avoine, d'orge ou de riz et l'on dit à l'esprit : « Tu vas me trier cela et mettre le blé dans le sac. » Dans le Morbihan, il suffit de mettre du mil dans un récipient que le lutin bouscule en arrivant à l'étourdie ; comme il ne peut y replacer tous les grains avant le chant du coq, il ne revient plus. Les habitants de la Montagne noire posent aussi du petit millet sur une planche de l'étable ; le drac la fait tomber, et après avoir essayé vainement de le ramasser, il s'en éloigne pour longtemps. C'est aussi une besogne que le diable lui-même n'est pas toujours capable d'accomplir ; pour se délivrer de celui auquel il s'est engagé à toujours donner de l'ouvrage. Un laboureur du Morbihan en répand une grande pochée dans l'aire et lui ordonne de le lui passer au grenier avec une fourche.

[...] Dans la Gironde, on évite l'approche des sorciers en portant du mil cousu dans l'ourlet du pantalon ou dans celui du jupon ; dans les Landes, pour empêcher les nouveaux-nés d'être ensorcelés, on les en saupoudre avant de les emmailloter.

[...] A l'époque actuelle, on emploie surtout les graines, et en première ligne, cause de leur petitesse, celles du millet ; dans la Gironde, si deux époux veulent éviter d'être liés le jour de leur mariage par le curé, la mariée doit mettre du mil dans ses souliers ; en Périgord, elle ne manquait pas d'en remplir sa poche droite, pour n'éprouver aucun mauvais sort la nuit de ses noces,- parce que l'embarreur qui voudrait lui nuire serait obligé de dire autant de paroles mystiques qu'elle a mis de graines et qu'il ne peut en connaître le nombre. En Provence les grains doivent être placés dans la poche de l'époux ; il est à l'abri des noueurs, parce que les sorciers ne pourraient exercer leur action qu'après les avoir tous comptés, sans se tromper.

[...] Il n'est guère de maison, dans la vallée de la Moselle où l'on ne voie sur la table, au repas du soir de la Toussaint, de la bouillie de millet suivant une croyance générale, autant de grains de millet l'on mange à ce souper, autant d'âmes du Purgatoire on délivre ; le même usage existe dans le Doubs et dans la Haute-Saône.

[...] Les pèlerins rapportent, comme souvenir de leur visite à des sanctuaires, généralement éloignés de leur demeure, des emblèmes empruntés à la flore champêtre : ceux du pays de Tréguier et des environs de Montfort,(Ille-el- Vilaine) qui sont allés à Sainte Anne d'Auray placent à leur chapeau ou à leur corsage quelques épis de millet.

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Symbolisme :


Selon Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, auteurs du Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982),


Le millet est une "céréale essentielle, nécessaire à la vie des hommes, mais aussi aux offrandes rituelles dont survivent les Ancêtres. Le millet était en Chine le symbole même de la fécondité terrestre et de l'ordre naturel. Millet était synonyme de moisson, de récolte. Les rois Tcheou étaient avant tout les préposés au millet ; leur ancêtre céleste était le Prince Millet : il était le dispensateur de la pluie et donc de la bénédiction du Ciel, dont le roi, son substitut, assurait la répartition.

Les libations à base de millet noir pénétraient jusqu'aux séjours souterrains pour en ramener l'âme p'o (yin) en vue de sa réunion à l'âme houen (yang), qu'allait quérir au Ciel la fumée des sacrifices : on répétait ainsi la naissance de l'Ancêtre. Le millet reliait les deux mondes, céleste et souterrain."

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Cousues dans l'ourlet d'un pantalon ou d'une jupe, ou lancées sur la tête des nouveau-nés avant de les langer, les graines de mil protègent des envoûtements. La jeune mariée qui, le jour de ses noces, en met dans ses chaussures ou dans sa poche se met à l'abri de la ligature de l'aiguillette ou de tout maléfice qui viendrait troubler sa vie conjugale. On croit que le sorcier, avant de lancer son sort, doit prononcer autant de paroles magiques qu'il se trouve de graines de mil, ce qui met à rude épreuve sa patience.

Les lutins détestent également le millet qu'on répand à leur intention dans les maisons car ils "doivent le ramasser avant de pouvoir commencer leurs tours. Or, comme leurs mains sont le plus souvent trouées, cela leur prend du temps".

La bouillie de millet, qui dans les temps anciens était donnée en offrande aux ancêtres, figure traditionnellement dans les plats servis le soir de la Toussaint, particulièrement dans la vallée de la Moselle : autant de grains mangés, c'est autant d'âmes du purgatoire sauvées.

Dans certaines régions, on frotte les verrues avec du mil pour les faire disparaître.

Les Guaranis, Indiens du Paraguay, croient que si une femme mange un grain de millet double, elle accouchera un jour ou l'autre de jumeaux.

En Chine, la céréale était le "symbole même de la fécondité terrestre t de l'ordre naturel" et reliait le monde céleste au monde souterrain : "Les libations à base de millet noir pénétraient jusqu'aux séjours souterrains pour en ramener l'âme p'o (yin) en vue de sa réunion à l'âme houen (yang), qu'allait quérir au Ciel la fumée des sacrifices : on répétait ainsi la naissance de l'Ancêtre".

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Symbolisme alimentaire :


Pour Christiane Beerlandt, auteure de La Symbolique des aliments, la corne d'abondance (Éditions Beerlandt Publications, 2005, 2014), nos choix alimentaires reflètent notre état psychique :


Celui qui aime manger les grains ou les flocons de Millet dévoile un peu sa nature la plus profonde : il aspire à pouvoir communiquer avec les dieux qui habitent son ventre, avec les régions les plus profondes de son contenu. Le Millet est le gardien du royaume de Hadès, du monde de l'inconscient, des sentiments, des émotions, des pensées cachés... En fait, le mangeur de Millet veut savoir tout ce qui se passe au fond de lui. Le Millet même se tait, mais bouillonne d'épaisses couches d'énergies comprimées qui sont là pour être "observées".

Avec quoi l'être humain est-il aux prises, au plus profond de lui ? De quoi a-t-il honte (inconsciemment, au fond de son âme) ? A quoi veut-il maintenant être confronté pour qu'il puisse résoudre quelque chose qu'il a inconsciemment caché dans les profondeurs secrètes de son âme ? L'homme ne le sait pas vraiment lui-même... Il se pose de nombreuses questions, il reste en fait dans le vague, mais il veut avoir plus de prise sur et voir plus clair dans les couches inférieures, dans ce qui est caché sous la surface de son être. La sphère du Millet le montre, le remonte à la surface, afin qu'on le regarde. Le Millet montre, démontre, fait émerger : l'homme se trouve face à un miroir et il sera obligé de regarder. Il ne peut pas se cacher. Des sentiments de culpabilité immémoriaux demandent à être balayés :

A suivre

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


DURVA (on dûrbâ), nom sanscrit de l’agrostis linearis, d’après Wilson, et du panicum dactylon d’après Carey. Cette espèce de millet, tout aussi bien que le kuça, (cf.), joue un rôle important et singulier dans les usages populaires indiens. Dans le Rigveda, on prie les maux de se disperser, c’est-à-dire de s’éloigner, comme la dûrvâ, dont les semences mûres tombent loin d’elle. Cette comparaison renferme peut-être une intention mythologique. Dans l’Atharvaveda, on prie la dûrvâ, qui pousse de l’eau (c’est-à-dire, dans les terrains marécageux), qui a cent racines et cent tiges, d’effacer cent péchés et de prolonger pour une centaine d’années l’existence de celui qui l’invoque. Le fait que cette herbe est la plus tendre, la plus fraîche, la plus substantielle nourriture du bétail, et sa beauté, ont pu suffire à la mettre en honneur ; mais les Indiens pensaient en outre qu’une nymphe se cachait dans cette herbe. Dans le troisième acte du drame Vikramorvaçî de Kâlidâsa, la nymphe Urvâci se montre à Pourouravas les cheveux ornés de cette herbe. Lorsqu’on célèbre dans l’Inde la fête du dieu Indra, le quatorzième jour du mois lunaire Bhadra, on chante, on danse et on offre quatorze différentes espèces de fruits au dieu ; dans cette cérémonie, les dévots portent attachées à leur bras droit, des feuilles de dûrvâ ; les dévotes qui, pendant cette fête, sont en majorité, à leur bras gauche. Dans les noces indiennes, les femmes lient ensemble le bras droit du fiancé et le bras gauche de la fiancée avec des feuilles de dûrvâ (en Russie, c’est le prêtre qui lie ensemble les mains des deux époux, en les couvrant avec son étole). D’après Açvalâyana et Nârâyana, dans le troisième mois de la grossesse de sa femme, le mari, pour obtenir un male, exprime sur la narine droite de la femme le jus de l’herbe dûrvâ. Dans l’âge védique (l’usage existe vraisemblablement encore dans certaines parties de l’Inde), lorsqu’on bâtissait une maison, avant de l’élever, aux quatre coins, sur les quatre pierres de la base on plaçait de la dûrvâ. Cette herbe figure aussi parmi les huit ingrédients qui composaient l’arghya, c’est-à-dire l’offrande symbolique de l’hospitalité indienne. (Quelques savants européens ont confondu la dûrvâ ou dûrba avec le darbha ; or le darbha ou kuça n’est pas le panicum dactylon, ni l’agrostis linearis, mais la poa cynosuroides.) D’après une strophe du Pan’c’atantra, la dûrvâ serait née des poils de la vache, de même que le lotus bleu (indîvaram) de la fiente de vache. La feuille de la dûrvâ est tellement appréciée qu’elle est passée en proverbe ; dans une strophe indienne144, on dit que la feuille est l’ornement de la dûrvâ,de même que la fleur est l’ornement des arbres ; l’indépendance, l’ornement de l’homme ; l’époux, l’ornement de la femme. Cette feuille attire particulièrement les gazelles ; la strophe précédente proclame heureuses les gazelles qui mangent l’herbe dûrvâ, car elles ne voient point le visage des hommes que la richesse a fait devenir fous.

[...]

MILLET. — D’après l’Uranographie chinoise de Schlegel, le millet, non seulement a donné son nom à la constellation Tien-tsi « millet du ciel », composée de cinq étoiles rouges, mais, en tant que constellation, il préside à la récolte de tous les blés. « Sa clarté et sa grandeur, dit Schlegel à propos de la constellation, présagent une récolte abondante ; mais, quand il est invisible, cela présage que les hommes s’entre-dévoreront (de faim). On le considère comme la résidence du dieu des céréales. » D’après Pline (XXII, 13), le médecin Dioclès appelait le millet « le miel des blés ». Plusieurs peuples anciens, y compris les Gaulois, les Sarmates, les Thraces, étaient ... ; c’est pourquoi on a appelé le millet panicum, comme le blé qui fournissait du pain. Le grain de millet est passé en proverbe pour indiquer une chose extrêmement petite ; peut-être cette même signification est-elle fournie par l’étymologie ; dans la langue russe, malo veut dire petit. C’est encore à cause de sa petitesse, que le millet indique misère si on le voit en songe. « Milium et panicum et zea paupertates et egestates significant, solisque his qui ex turba rem et victum sibi comparant bona sunt » (Artemidori Daldiani, De Somniorum interpretatione).

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