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L'Émeraude



Étymologie :


  • ÉMERAUDE, subst.

Étymol. et Hist. 1121-34 esmaragde (Ph. de Thaon, Bestiaire, 2987 ds T.-L.) ; 1176-81 esmeraude (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. M. Roques, 424) ; 2e moitié xviiie s. « couleur verte semblable à celle de l'émeraude » (Buffon, Hist. nat., éd. Lanessan, t. 6, p. 27). Empr. au lat. class. smaragdus (gr. σ μ α ́ ρ α γ δ ο ς) « émeraude ».


Lire la définition. du nom émeraude afin d'amorcer la réflexion symbolique.




Histoire :


Selon Michel Pastoureau auteur de Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013),


Néron affectionnait particulièrement la couleur verte, ce qui se voyait dans plusieurs domaines. "Mais surtout dans ses collections de joyaux et de pierres, où les émeraudes occupent la première place. Un passage de Suétone est à cet égard resté célèbre : Néron, à l'amphithéâtre, aurait regardé les combats de gladiateurs au travers d'une grande émeraude pour ne pas être gêné par les rayons du soleil. Ce passage a souvent été mal traduit ou mal interprété. certes, Néron aimait assister à de tels combats, mais il n'observait pas les gladiateurs au travers d'une émeraude, ni même au travers d'une pierre de béryl moins colorée mais finement taillée : il n'aurait rien vu, ou pas grand-chose. Il faut comprendre le texte différemment : Néron se délectait au spectacle des gladiateurs, restait de longues heures à les contempler et, pour se reposer les yeux, il dirigeait de temps en temps son regard vers une grande émeraude, cette pierre passant pour avoir, entre autres vertus, celle d'apaiser la vue. Plus tard, comme Néron, les scribes et les enlumineurs du Moyen Âge, penchés une bonne partie de la journée sur les livres et le parchemin, reposeront pareillement leur vue en contemplant de temps à autre une émeraude.

[...] A Rome, on réduit l'émeraude en poudre pour en faire des baumes oculaires : le vert fortifie l’œil et équilibre la vision. [...] Le vert est une couleur apaisante. C'est pourquoi au début du XIIe siècle, si l'on en croit le poète et prélat Baudry de Bourgueil, on préfère écrire sur des tablettes de cire verte plutôt que sur des blanches ou des noires. c'est pourquoi également les scribes et les enlumineurs placent à côté d'eux des objets verts, voire des émeraudes, qu'ils contemplent de temps en temps pour se reposer les yeux."

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Lithothérapie :


Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) rapporte les croyances traditionnelles au sujet du Béryl :


Dans sa Matière médicale, le médecin Dioscoride (1er s. après J.-C.) insiste au contraire sur les propriétés thérapeutiques des minéraux. Il codifie des traditions anciennes et il sera l'une des sources des Lapidaires postérieurs. [...]

Un texte tardif, les Cyranides, qui se rattache à l'Ecole Alexandrine et que révéla l'érudit F. de Mély (1) est fortement teinté de gnosticisme. Il donne la façon de confectionner avec chaque minéral des abraxas, c'est-à-dire des amulettes portant des symboles magiques ayant pour but de renforcer l'action magico-thérapeutique de la gemme. On doit aussi associer à la pierre des substances d'origine animale et végétale, ce qui annonce les recettes des grimoires moyenâgeux. En voici quelques exemples : [...]

« Grave donc sur l'émeraude une harpie, sous ses pattes une murène, enferme sous la pierre de la racine de smilax et porte-la contre les visions délirantes, les frayeurs et tout ce qui affecte les lunatiques ; elle guérit aussi les coliques. Elle sera meilleure si l'on y joint de la graisse de murène. C'est une amulette divine ».


Note : 1) ) F. de Mély, Les lapidaires de l'Antiquité et du Moyen Age, tome III, Les Lapidaires grecs, Paris, 1902, p. 33 sq.

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Judy Hall autrice de La Bible des Cristaux (volume 1, Guy Trédaniel Éditeur, 2011) présente l'Émeraude :


Emeraude


Couleur : Vert.

Aspect : Petite pierre précieuse brillante ou cristal nuageux.

Disponibilité : La qualité gemme est chère, mais l’émeraude non taillée est facile à trouver.

Source : Inde - Zimbabwe - Tanzanie - Brésil - Égypte - Autriche.


CARACTÉRISTIQUES. Pierre d'inspiration et de patience infinie, l'émeraude met avec grande intégrité l'accent sur la vie. "Pierre de l'amour comblé", elle apporte la félicité domestique et la loyauté. Consolide l'unité, l'amour inconditionnel et le partenariat, favorise l'amitié, maintient l'équilibre du partenariat. Si l'émeraude change de couleur, on dit qu'elle signale l'infidélité. Ouvre le chakra du cœur et a un effet calmant sur les émotions.

Assure l'équilibre physique, émotionnel et mental, élimine la négativité et suscite des actions positives. Focalisant l'intention et élevant la conscience, fait aboutir les actions positives. L'émeraude intensifie les dons psychiques, dont la clairvoyance et stimule le gain de sagesse des plans mentaux. Selon la tradition, l'émeraude protégeait des enchantements et des intrigues des magiciens et prédisait l'avenir.

Sur le plan psychologique, confère la force de caractère permettant de surmonter les malheurs. Pierre de régénération et de rétablissement, capable de guérir les émotions négatives. Renforce la capacité de jouir pleinement de la vie. Utile en cas de claustrophobie.

L'émeraude confère clarté mentale, fortifie la mémoire, inspire un subtil savoir intérieur, élargit la vision. Pierre de sagesse, favorise le discernement, la vérité, l'expression éloquente. Fait ressortir ce qu'on sait inconsciemment. Extrêmement bénéfique pour la compréhension mutuelle dans un groupe, stimulant la coopération.


GUÉRISON. Aide la récupération après des maladies infectieuses. Traite les sinus, les poumons, le cœur, la colonne vertébrale, les muscles, apaise les yeux. Améliore la vision et a un effet détoxifiant sur le foie. Soulage le rhumatisme et le diabète. Servait jadis d'antidote contre les poisons. Portée autour du cou, l'émeraude était censée éviter l'épilepsie. Son rayonnement vert favorise la guérison des affections malignes.


POSITION. À porter sur l'auriculaire, l'annulaire, sur le cœur ou sur le bras droit. À positionner selon les besoins. Portée constamment, déclenche des émotions négatives. Les émeraudes opaques ne conviennent pas à l'accord mental.

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Symbolisme :


D'après le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Verte et translucide, l'émeraude est la pierre de a lumière verte, ce qui lui confère à la fois une signification ésotérique et un pouvoir régénérateur.

Pour les Mezzo-Américains, associée à la pluie, au sang, et à tous les symboles du cycle lunaire, elle constituait un gage de fertilité. Les Aztèques la nommaient quetzalitzli et l'associaient donc à l'oiseau quetzal aux longues plumes vertes, symbole du renouveau printanier. Elle était de ce fait liée à la direction Est, et à tout ce qui touchait le culte du Dieu-Héros Quetzalcoatl. Elle se distinguait du jade vert en ce qu'elle ne recouvrait pas, comme celui-ci, les rites sanglants offerts aux grandes divinités Huitzilopochtli et Thaloc, qui personnifiaient le soleil de midi et les non moins implacables orages tropicaux. Ce sens bénéfique est aussi attesté en Europe, si l'on en croit Portal, selon qui la superstition attribua longtemps à l'émeraude la vertu miraculeuse de hâter l'enfantement. Par extension elle aurait eu également des vertus aphrodisiaques signalées par Rabelais.

Pour les alchimistes, elle était la pierre d'Hermès, le messager des Dieux et le Grand Psychopompe. Ils appelaient aussi émeraude la rosée de Mai, mais cette rosée de Mai n'était elle-même que le symbole de la rosée mercurielle, du métal en fusion au moment où, dans la cornue, il se transforme en vapeur. Ayant la propriété de percer les plus obscures ténèbres, elle donna son nom à la fameuse Table d’Émeraude attribuée à Apollonius de Tyane, et qui renfermait le Secret de la Création des Êtres, et la Science des Causes de toutes choses. La tradition hermétique voulait aussi qu'une émeraude fût tombée du front de Lucifer pendant sa chute.

Sous son aspect néfaste elle est associée, dans le lapidaire chrétien, aux plus dangereuses créatures de l'enfer.

Les traditions populaires du Moyen Âge conservent, cependant, à l'émeraude, tous ses pouvoirs bénéfiques auxquels se mêle nécessairement un peu de sorcellerie. Pierre mystérieuse - et donc dangereuse à celui qui ne la connaît pas - l'émeraude a été un peu partout sur terre considérée comme le plus puissant des talismans. Issue des enfers, elle peut se retourner contre les créatures infernales, dont elle connaît les secrets. C'est pourquoi on dit en Inde que la seule vue d'une émeraude cause une telle terreur à la vipère ou au cobra que leurs yeux sautent hors de leur tête. Selon Jérôme Cardan, attachée au bras gauche, elle protège de la fascination. Selon un manuscrit graphique d'Oxford, elle donne la liberté au prisonnier, mais à la condition qu'elle soit consacrée, c'est-à-dire amputée de ses forces malignes. Dans la vision de saint Jean, l’Éternel apparaît siégeant sur son trône comme une vision de jaspe vert ou de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d'émeraude (Apocalypse, 4, 3). Le Graal est un vase taillé dans une énorme émeraude.

Pierre de la connaissance secrète, l'émeraude revêt donc, comme tout support de symbole, un aspect faste et un aspect néfaste, ce qui, dans les religions du bien et du mal, se traduit par un aspect béni et un aspect maudit. Nous l'avons vu par exemple de Lucifer. Nous en trouvons une précise illustration dans la statuette équestre de saint Georges, du Trésor de Munich, précieuse pièce d'orfèvrerie baroque, dans laquelle le saint, vêtu de saphir (couleur céleste) et monté sur le cheval blanc solaire, terrasse un dragon d'émeraude. Dans cet exemple issu de la tradition chrétienne qui a progressivement séparé les valeurs ouraniennes et chtonienne, faisant des premières le Bien et des secondes le Mal, le bleu du saphir s'oppose au vert de l'émeraude, qui symbolise la science maudite. Pourtant, l'ambivalence symbolique de l'émeraude n'est pas exclue des traditions chrétiennes, puisqu'elle est aussi la pierre du Pape. Le Moyen Âge chrétien avait conservé certaines croyances égyptiennes et étrusques, selon lesquelles l'émeraude, placée sur la langue, était censée permettre d'appeler les mauvais esprits et de converser avec eux ; un pouvoir de guérison par attouchement lui était reconnu, notamment pour les affections de la vue ; c'était la pierre de la clairvoyance, comme de la fertilité et de l'immortalité ; à Rome, elle était l'attribut de Vénus ; en Inde, elle confère l'immortalité.

Cratophanie élémentaire, l'émeraude est en somme une expression du renouveau périodique, et donc des forces positives de la terre ; elle est en ce sens un symbole de printemps, de la vie manifestée, de l'évolution et s'oppose aux forces hivernales, mortelles, involutives ; elle est censée humide, aqueuse, lunaire et s'oppose à ce qui est sec, igné, solaire. C'est ainsi qu'elle s'oppose au saphir. Mais elle agit aussi, non plus allopathiquement mais homéopathiquement, sur d'autres expressions chthoniennes, néfastes celles-là."

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Selon Elie-Charles Flamand, auteur de Les pierres magiques. (Éditions Le Courrier du Livre. Paris, 1981) :


L'ÉMERAUDE : « II n'est point de couleur plus agréable à l'oeil que celle de l'émeraude, dit Pline. Car quoique l'on prenne un grand plaisir à considérer la verdeur des herbes et des feuilles, on en goûte infiniment davantage à contempler les émeraudes, parce qu'il n'est pas de verdeur qui approche de la leur. De plus, elles sont les seules pierres qui contentent la vue sans la lasser. Et même lorsque les yeux sont affaiblis pour avoir regardé attentivement quelque chose, la vue d'une émeraude les soulage et les fortifie. Les lapidaires n'ont rien qui récrée plus agréablement leurs yeux fatigués que la douce verdeur de cette pierre. De plus, vues de loin, les émeraudes paraissent plus grosses et communiquent à l'air ambiant une teinte verte. Ni le soleil, ni l'ombre, ni les lumières, rien ne les change ; elles ont toujours un éclat modéré (1). »

Cette viridité merveilleuse fait de l'émeraude le symbole de l'espérance, de la vitalité cosmique, de la nature qui s'éveille au printemps, de la fertilité. N'oublions pas que les alchimistes appellent Emeraude des philosophes la corporification de ce fluide universel qui insuffle la vie à toute la nature.

Elle est aussi la gemme de la sagesse, de la création spirituelle, de l'inspiration, de la connaissance ésotérique. « Je te salue, émeraude, pierre des Mages, s'écrie Victor-Emile Michelet. Parmi les couronnes de verveine, tu brillais au front des druidesses ; car comme cette fleur, tu favorises les œuvres d'amour et de divination. Ceux qui savent le Mystère confrontent à ton éclat profond leur vision profonde. Les prophètes d'autrefois, les voyants, qui savaient soulever le voile du futur, te plaçaient sous leur langue avant d'énoncer les oracles (2). »

Par son pouvoir régénérateur, sa puissance de vie, elle donne force, activité, énergie, résistance aux coups du sort.

Gemme de l'harmonie, elle confère une éternelle jeunesse du cœur ainsi que la félicité intérieure. L'émeraude favorise les entreprises amoureuses et a même des propriétés aphrodisiaques signalées par Rabelais : « La braguette de Gargantua, dit-il, était fixée par deux crochets d'esmail, en un chascun desquels estoit enchâssée une grosse esmeraugde de la grosseur d'une pomme d'orange. Car ainsy que dict Orpheus, Libro de Lapidibus et Pline, Libro ultimo, elle a la vertu érective et confor-tative du membre naturel (3). »

En vertu de l'analogie des contraires, on la considère également comme la pierre de chasteté : elle se ternit au moment où la personne qui la porte se livre aux plaisirs de l'amour ; elle se rompt même lorsqu'une vierge se donne pour la première fois ; sa couleur se change en un brun livide dès que l'amant qui l'a offerte est infidèle à sa bien-aimée.

Bien d'autres pouvoirs encore sont prêtés à l'émeraude par les anciens lapidaires.

Elle éclaircit l'intelligence, procure la lucidité de l'esprit, renforce la mémoire, favorise l'éloquence et accroît la renommée.

Elle délivre les possédés, calme les nerveux et les épileptiques, arrête les hémorragies et tous les flux de sang, combat la morsure des chiens enragés, dissout les calculs, calme la fièvre.

Prise à l'intérieur, elle est l'antidote de la plupart des poisons ; elle guérit aussi la dysenterie.

Elle empêche le mal caduc, arrête la chute des cheveux, cicatrise les lésions cutanées, combat la furonculose et même la lèpre, adoucit les souffrances et hâte la délivrance des femmes en couches. Comme elle a la couleur de certains yeux et qu'elle repose le regard par son doux éclat, on lui attribue par magie sympathique la propriété de guérir les ophtalmies et de rendre la vue perçante.

Les nuances de l'émeraude rappellent celles des ondes de la mer. Ainsi est-elle un talisman pour les marins et les pêcheurs : elle les préserve des tempêtes et autres dangers de l'océan.

Par une ambivalence fréquente dans le symbolisme des pierres et des couleurs, l'émeraude a quelquefois une valeur néfaste.

Cette lumière intellectuelle, cette sagesse, cette puissance de vie qu'elle porte en elle peuvent être tournées vers le mal. Aussi est-elle parfois associée au diable dans les traditions du Moyen Age. Dans le Trésor de la Cathédrale de Munich figure par exemple une statue de Saint Georges terrassant le dragon. Le monstre infernal est taillé dans une grosse émeraude.

C'est pourquoi certaines émeraudes sont considérées comme maléfiques. Il en est ainsi de celle qui fut offerte à la Vierge d'Atocha à Madrid. Cette statue, raconte A. Villeneuve, « porte au cou une émeraude d'une valeur immense qui a appartenu à plusieurs personnes notables, qui, toutes, sont mortes de mâle mort ou tout au moins d'une manière bizarre, entre autres l'infortunée Elizabeth, impératrice d'Autriche qui fut assassinée par Luccheni, bien qu'elle ne fût pour rien dans les affaires de son pays et que sa vie conjugale et maternelle n'ait été qu'un long tissu de chagrins. La pierre vint à une princesse espagnole qui mourut peu de jours après et la Reine d'Espagne porta solennellement la pierre à la Madone la plus célèbre de son pays. Bien que la pierre soit dans un endroit public, il ne viendrait à la pensée de personne de tenter de s'approprier la gemme fatale car sa valeur serait bien mal payée, puisque la vie du voleur serait en danger (4) ».

Selon une légende, lorsque l'archange Lucifer entra en révolte contre Dieu et fut défait après un combat avec Saint Michel, l'émeraude énorme et merveilleuse qui brillait à son front se détacha au moment de sa chute et tomba sur terre. Plus tard, elle fut offerte à Salomon par la Reine de Saba. On la tailla en forme de calice et Nicodème en hérita puis Joseph d'Arimathie. Ce vase sacré devint le Graal lorsque le Christ s'en servit lors de la Cène. Joseph d'Arimathie recueillit ensuite dans la coupe merveilleuse l'eau et le sang qui coulèrent des plaies de Jésus lors de la crucifixion. Le Graal fut apporté en Bretagne par Joseph d'Arimathie, puis perdu. Sa recherche devint l'objet principal de la « queste » des Chevaliers de la Table Ronde. La conquête du divin calice doit conférer la suprême sagesse, l'illumination spirituelle, et cela est bien en accord avec le plus haut symbolisme de l'émeraude.

Ce qui était devenu Mal est donc, par un processus de réintégration, retourné au Bien.

Rappelons que, selon le mythe, c'est d'une immense émeraude qu'était faite la fameuse Table magique sur laquelle était gravé l'essentiel des préceptes de la science occulte. Elle fut trouvée dans une grotte où avait été enseveli Je corps de Thôt ou Hermès Trismégiste (c'est-à-dire trois fois très grand). La momie du dieu égyptien tenait la Table d'Emeraude dans ses mains lorsque Sara, la femme d'Abraham, pénétra, longtemps après le déluge, dans la caverne-sépulcre qui se trouvait près d'Hébron. D'autres versions attribuent cette découverte à Alexandre le Grand ou à Apollonius de Tyane.

Le choix de l'émeraude est, en tout cas, révélateur de son caractère de pierre de la connaissance secrète.

Dès le XIIe siècle, une version latine du texte de la Table d'Emeraude parut en Occident, traduite de l'arabe. Voici ce document capital :


« Paroles des arcanes d'Hermès.

Il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable :

Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en

haut est comme ce qui est en bas pour l'accomplissement des

merveilles de la chose unique.

Et de même que toutes choses se sont faites d'Un seul, par la

médiation d'Un seul, ainsi toutes choses sont nées de cette

même unique chose, par adaptation.

Le Soleil est son père, la Lune est sa mère ; le vent l'a porté dans

son ventre ; la terre est sa nourrice.

Le père de tout, le Thélème (5) du monde entier est ici. Sa force

est entière si elle est convertie en terre. Tu sépareras la terre du

feu, le subtil de l'épais, doucement et avec grande industrie.

Il monte de la terre au ciel, derechef il descend sur la terre et

reçoit la force des choses supérieures et inférieures. Tu auras par

ce moyen la gloire du monde et toute obscurité s'enfuira de toi.

C'est la force forte de toute force qui vaincra toute chose

subtile et pénétrera toute chose solide.

Ainsi le monde a été créé. De ceci sortiront d'admirables

adaptations, desquelles le moyen est ici.

C'est pourquoi j'ai été appelé Hermès Trismégiste, possédant

les-trois parties de la philosophie de l'univers tout entier. Ce

que j'ai dit de l'opération du Soleil est complet. »

[...]

Certains Lapidaires occidentaux comme le grand poème pédagogique du Moyen Age sur les pierres précieuses que fut l'ouvrage de Marbode, évêque de Rennes au xi" siècle, se contentent de donner la description des vertus naturelles et surnaturelles des pierres. D'autres, écrits d'après les préceptes des Pères de l'Eglise, cherchent dans les images et les symboles qu'ils empruntent aux gemmes un sujet d'édification et de moralisation. Tels sont les traités de saint Epiphane, d'Anastase le Sinaïte, de Conrand de Haimbourg, de Richard et Hugues de Saint-Victor, de Cornélius a lapide, etc.

Voici, empruntée à toutes ces sources, l'opinion la plus généralement acceptée au Moyen Âge sur la signification mystique des gemmes : [...]

L'émeraude, rappelant par sa couleur la verdeur des champs, la jeunesse de la nature, et dont rien, pensait-on, ne pouvait ternir l'éclat, symbolisait les choses d'essence éternelle, l'inaltérable et vive foi, l'incorruptibilité de l'âme des justes, arbres plantés, dit l'Ecriture, sur le bord du courant des eaux et qui ne s'effeuillent jamais. Cette gemme figurait aussi la virginité, fleur du ciel tombée sur la terre et l'évangéliste saint Jean, seul vierge parmi les apôtres.

[...]

D'après l'exégèse mystique, les correspondances des gemmes avec les milices célestes sont les suivantes :

L'Emeraude — les Anges

[...]

Chacune de ces pierres était regardée comme la figuration d'une des vertus qui doivent édifier en nous la Jérusalem morale. Les exégètes y cherchaient aussi des significations encore plus subtiles.

Ainsi, par exemple, comme saint Jean place l'émeraude — qui signifie la foi — au quatrième rang, on en déduisit qu'elle était en même temps l'emblème de la « foi des quatre Evangélistes ». En outre, les Lapidaires païens avaient prétendu que l'émeraude était gardée au bord d'un fleuve par des griffons auxquels des hommes n'ayant qu'un seul œil et nommés Arimaspi parvenaient à la ravir. Les commentateurs de l'Apocalypse s'emparèrent de cette légende et déclarèrent que les Arimaspi étaient les Apôtres qui allaient chercher l'émeraude, c'est-à-dire la foi, en n'ayant qu'un œil, c'est-à-dire Jésus-Christ ; quant aux griffons, c'étaient les diables.


Note : 1) Pline, Histoire Naturelle, livre XXXVII, chapitre XVI.

2) Victor-Emile Michelet, L'amour et la magie, Paris, 1909, p. 139.

3) Rabelais, Gargantua, Livre I, chapitre VIII.

4) A. Villeneuve, Les pierres magiques, Paris, s. d., p. 12.

5)  En latin Telesma (du grec telos, fin) : but à atteindre, perfection.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


Bref, elle est si chaste et si saincte

Que sitost qu'elle sent l'atteinte

De quelque amoureuse action

Elle se froisse, elle se brise

Vergogneuse de se voir prise

De quelque sale affection

Rémy Belleau, Amours et nouveaux échanges de pierres précieuses, 1576.


L'émeraude, qui est un béryl vert, doit à sa couleur de représenter l'espérance, la jeunesse et la fertilité : elle fut la pierre de Cérès, déesse de l'abondance. Chez les Mezzo-Américains

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Roger Tanguy-Derrien, auteur de Rudolph Steiner et Edward Bach sur les traces du savoir druidique... (L'Alpha L'Oméga Éditions, 1998) s'inspire du savoir ancestral pour "récapituler de la manière la plus musclée les informations sur les élixirs" :


Cet élixir élimine les peurs profondément enfouies, calme le mental perturbé, développe l'éloquence, stimule le sens du mouvement, aide à remédier à la schizophrénie et autres maladies mentales (la dureté de la pierre est située entre 7.5 et 8).

Composée de silicate d'alumine et de glucinum (environ 14% de ce dernier), la couleur de l'émeraude est verte, lumineuse (du clair au foncé). Elle accroît l'éloquence persuasive. Selon Aristote, l'élixir d'Émeraude protège de la chute des chevaux. Selon Berquen, il arrêt les hémorragies, les hémorroïdes, la dysenterie.

Pierre d'Hermès pour les alchimistes, elle a la propriété de percer les plus obscures et ls secrets les plus profonds. le vase du Graal serait taillé dans une émeraude. La Table d'Émeraude est faite également de ce même matériau. Cette table décrite par Apollonius de Tyane renfermait les secrets de la création de l'être et la Science des Causes de Toutes Choses. La tradition hermétique raconte qu'une émeraude serait tombée du front de Lucifer, le dieu de la lumière. C'est donc la pierre de la clair-voyance et de l'affection des yeux. Elle permet de mieux approcher son soi (son aller ego) et le mystère qui l'entoure.

Le Moyen Âge chrétien avait conservé certaines croyances égyptiennes et étrusques, selon lesquelles l'émeraude placée sur la langue, était censée permette d'appeler les mauvais esprits et de converser avec eux. Toujours selon la tradition chrétienne moyenâgeuse, il existe à Munich une statuette équestre de Saint Georges vêtu de saphir terrassant un dragon d'émeraude, symbole de toutes les entités du bas astral appelé plus communément l'enfer. On dit aux Indes que la seule vue d'une émeraude cause une telle terreur à la vipère ou au cobra que leurs yeux sautent hors de leur tête. Ceci confirme la terreur d'un individu doté d'un esprit malin ou encore reptilien devant un esprit sain. L'émeraude symbolise l'incorruptibilité et le triomphe sur le péché (le pape porte une émeraude). Elle influence considérablement la formation du plasma et de l'hémoglobine. Elle favorise l'assimilation de la chlorophylle, soulage la tension des yeux. Elle agit efficacement dans les problèmes du métabolisme en fortifiant le cœur, les reins, le foie et le pancréas, élimine les toxines de tous ces organes, y copris l'acide lactique des muscles. Elle influence positivement le système lymphatique et la tension. Stimule la guérison de la peau, du col de l'utérus, d colon. Combat l'anorexie, la surdité, l'impotence et les troubles du caractère, toutes les formes d'irradiation.

Chez les Aztèques, l'émeraude était la pierre du renouveau printanier et liée à la direction est. A la grande époque romaine, elle était considérée comme la pierre de Vénus grâce à la fertilité qu'elle conférait aux parents jeunes ou vieux désirant avoir un enfant. Sa couleur verte printanière est favorable pour regénérer et renouveler les cellules. Aux Indes, certains s'avancent jusqu'à dire qu'elle est la pierre de l'immortalité.

Nous n'irons pas si loin dans ces affirmations. Nous nous contenterons de parler de l'éternelle jeunesse entretenue par la couleur verte. Cette pierre agit directement sur le chakra thymique et plus particulièrement sur la principale glande concernée : le thymus. Chez un être normal, cette glande présente à la naissance de l'enfant un volume optimum et tend à s'atrophier en vieillissant. Ainsi de par son évolution, l'homme perd au fils des ans ses résistances aux microbes. Une des solutions pour ralentir son hypofonctionnement est de le relancer par le rayon vert matérialisé dans le monde végétal ou dans le monde minéral. De plus, on sait que l'émeraude dépend du système cristallin hexagonal, système qui convient parfaitement au chakra cardiaque (l'organe cœur est également sensible à la vibration résonnante 6).

Dans l'Arbre Séphirotique, le nombre 6 représente l'intelligence planétaire du Soleil, cet astre qui dispense sans compter toute la générosité, la lumière et la chaleur contenues dans ses rayons. Thymus vient du grec thumos qui signifie loupe. Cette glande semblerait capter la quintessence homéopathisée de cet astre afin d'assurer l'immunité des cellules mais encore afin de développer les capacités de services de l'individu. Mieux, ce centre (thymus-cœur) joue un grand rôle dans la régénération de l'humanité par l'Amour. Ce centre est le cœur sacré de Jésus. C'est ce centre qui conférait à Jésus cette puissance légendaire de guérison. C'est sur ce chakra que travaillent principalement tous les guérisseurs de notre planète pou améliorer leur pouvoir de guérison. Cette glande située à la base du cou, entre les deux omoplates, fait partie des clavicules, vous savez ces petites clés situées entre le ciel (la tête) et la terre (le corps).

Le thymus nous connecte donc au monde végétal par le rayon vert et nourrit notre système neuro-végétatif. Son hypofonctionnement provoque un déficit des défenses immunitaires et son hyperfonctionnement provoque la myasthénie qui est une sensation de grande fatigue à la suite de tout effort musculaire. On conseillera donc cet élixir contre l'atrophie glandulaire ou cellulaire, contre l'anémie et la chlorose et pourquoi pas contre la myopathie.


Mots-clés : Je-emer-aud-ace ou mieux : en moi émerge l'audace. La chance ne sourit-elle pas aux audacieux. Pour cela nous citerons encore Mozart qui doit paraît-il beaucoup de son génie à son centre thymique hyperdéveloppé. Puis Gandhi qui, imprégné parla vibration 24 (chemin situé dans l'Arbre Séphirotique entre les génies planétaires du Soleil et de Vénus),a fait de grandes choses aux Indes.

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Selon Valérie Gontero, autrice de « Un syncrétisme pagano-chrétien : la glose du Pectoral d’Aaron dans le Lapidaire chrétien », (in : Revue de l’histoire des religions [En ligne], 4 | 2006) :


Le lapidaire mixte est consacré aux douze gemmes les plus célèbres de La Bible : celles du Pectoral d’Aaron, reprises en partie par la Jérusalem Céleste. L’Exode décrit deux fois le gigantesque pendentif qui orne la poitrine du Grand Prêtre, élaboré selon les directives divines : « Ils le garnirent de quatre rangs de pierres précieuses : première rangée : une sardoine, une topaze, une émeraude ; deuxième rangée : un rubis, un saphir, un jaspe ; troisième rangée : une pierre d’ambre, une agate et une améthyste ; quatrième rangée : une chrysolite, un onyx et un béryl ; elles étaient serties d'or dans leurs montures (1). »

À la fin de la Bible, L’Apocalypse de saint Jean dépeint la Jérusalem céleste, dont les piliers sont taillés dans les mêmes gemmes, à quelques exceptions près : « Les soubassements du mur de la ville sont ornés de toutes sortes de pierres précieuses ; le premier est de jaspe ; le deuxième de saphir ; le troisième de calcédoine ; le quatrième d'émeraude ; le cinquième de sardonyx ; le sixième de sardoine ; le septième de chrysolithe ; le huitième de béryl, le neuvième de topaze ; le dixième de chrysoprase ; le onzième d’hyacinthe ; le douzième d'améthyste (XXI, 19-20). »

[...] Dans le lapidaire, l’exégèse s’effectue à plusieurs niveaux, de la partie au tout, du microcosme au macrocosme. Ainsi une senefiance est dévolue à chaque gemme, à chaque rangée (parfois même au rang de la gemme sur la rangée) et enfin à l’ensemble des douze pierres du Pectoral. Le texte considère les qualités physiques et la disposition des gemmes pour établir des correspondances avec les qualités morales et les expériences spirituelles des chrétiens, comme l’illustre le tableau suivant, récapitulant les données de la seconde partie du lapidaire.

​Gemme

​Rang sur le Pectoral d'Aaron et dans la Jérusalem céleste

Symbolique des nombres

Couleur

Symbolique religieuse et mystique

les 12 gemmes

Les apôtres

Emeraude

3e/4e

La foi de la Trinité ; Les 4 Evangélistes

Verte

La verdeur de la foi pérenne ; Les griffons qui gardent les émeraudes représentent les diables ; les Arimaspes, qui n'ont qu'un œil, symbolisent les vrais croyants

[...] Le raisonnement analogique, qui sous-tend l’ensemble du texte, s’appuie systématiquement sur le nombre et sur la couleur, mais reprend aussi des propriétés décrites dans la partie païenne du lapidaire. L’analogie principale, aux ramifications variées, s’enrichit parfois d’analogies secondaires, qui étoffent et complexifient la glose.

L’analogie par le nombre, véritable mode de pensée au Moyen Âge, est la plus marquante dans le lapidaire. Les clercs accréditent l’exégèse biblique des nombres en se fondant notamment sur le verset suivant : « Mais vous réglez toutes choses avec mesure, avec nombre et avec poids » (Sagesse, XI, 21).

Dans son versant numérique, la glose s’attache au rang de la gemme, sur le pectoral d’Aaron (rang parmi les douze gemmes, rangée, place sur la rangée) et dans la Jérusalem céleste (rang parmi les piliers de gemmes). Pourquoi douze gemmes ? Le douze représente le syncrétisme du nombre matériel 4 et du nombre spirituel 3, et fait écho au 7, qui incarne la perfection. Les gemmes matérialisent les douze tribus d’Israël – comme il est dit dans L’Exode et rappelé dans le lapidaire (v. 601-608) – mais aussi les douze apôtres (v. 662-667).

Rang

Pectoral d'Aaron

​Apôtre

Tribu d'Israël

3

Emeraude

Barthélémy

Ephraïm

[...] Le pectoral matérialise cette union du 3 et du 4, par les quatre rangées de trois pierres qui le composent. Chacune des quatre rangées possède un sens : la prudence, la force, la justice et la tempérance sont les quatre vertus cardinales du chrétien. Une telle équivalence entre les vertus cardinales et les gemmes se retrouve à l’ouverture du deuxième livre du Livre du Trésor de Brunet Latin. Dans le texte encyclopédique, chaque vertu est représentée par une gemme, et non pas par un groupe de gemmes, sans aucune correspondance avec la classification du lapidaire mixte : la prudence est symbolisée par l’escarboucle ; la tempérance par le saphir ; la force par le diamant ; la justice par l’émeraude.

[...] L’analogie se densifie également quand le lapidaire reprend les propriétés païennes décrites dans la première partie, notamment celles de l’émeraude et de l’ambre. Les textes patristiques et encyclopédiques ont répandu la légende de la récolte des émeraudes par le peuple des Arimaspes, qui doivent combattre les griffons, légende reprise dans la première partie du lapidaire mixte (v. 205-220) et relue selon l’exégèse spirituelle dans la seconde partie (1). [...]

Les Arimaspes, dont l’œil unique représente Jésus Christ, sont les vrais croyants et vont chercher l’émeraude, symbole de la foi ; ils doivent lutter contre les griffons, représentations des diables. En glosant ces récits, le clerc les présente comme des symboles chrétiens, et non plus comme des réalités païennes.


Note : Voir l’article de Gérard Cames, « Or, émeraudes et griffons », dans Gazette des Beaux–Arts, 119e Année, Paris, octobre 1977, p. 105-108.

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Odile Alleguede, dans son ouvrage La parole perdue des pierres, La face cachée des joyaux les plus mythiques (Éditions Quintessence, 2008), présente ainsi cette pierre magnifique :


"Émeraude... un nom qui vibre, pour chacun de nous, des notes chromatiques de ses nuances vertes si profondes. Varahamihira, astronome et astrologue indien, parle en effet, avec beaucoup de poésie, de la large palette de ses verts, depuis celui dont la couleur s'approche de celle des plumes du perroquet et des feuilles de bambou, jusqu'à celui dont la teinte rappelle le plantanier -gris-jaune) et la fleur de sirisha (légèrement jaune)... un hommage à la finesse du pinceau d'une artiste bien souvent méconnue : la nature !

L'émeraude s'offre, rare et mystérieuse depuis des millénaires, à l'admiration superstitieuse ou cupide des hommes, au talent des artistes joailliers et graveurs, au pouvoir des prêtres et des rois. Voici quelques étincelles de ses fascinants rayons émeraude...


Des mystères égyptiens aux secrets mayas : Un de ses premiers berceaux connus est l’Égypte. [...] Les pharaons attribuaient à cette pierre très rare une puissance symbolique toute spéciale. Elle était, en effet, au cœur de leurs antiques traditions d'attente de résurrection et de croyance profonde en l'immortalité. Sculptée sous forme de scarabée, animal hautement sacré dans leur civilisation, l'émeraude était alors placée par les prêtres embaumeurs dans la cage thoracique du pharaon défunt, à l'emplacement exact où son cœur avait battu.

Pour les Égyptiens, le scarabée qui se disait "khopirrou" (peut-être dérivé de khopiri signifiant "devenir") représentait justement une vie en devenir perpétuel. Symbole cyclique du soleil et signe de résurrection, il est souvent associé au dieu Khépri, le Soleil Levant, devenant ainsi un partenaire de Lucifer assimilé à l'étoile du Levant (Vénus). [...]

Les Égyptiens aimaient aussi utiliser l'émeraude pour stimuler les yeux de certaines statues. Chargée d'une signification toute particulière, cette représentation évoquait pur les anciens Égyptiens le dieu Horus avec, en filigrane, la croyance que la forme de l'œil, en elle-même, éloigne les mauvaises influences. Il s'agit du mythe associé à l’œil "oudja" qui veut dire sain au sens de reconstitué, reformé par l'intervention... devinez de qui ? De Thot... qui d'autre ?

Le temple de Visghneshvara , par exemple, contient l'image divine de Vighneshvar Vinayaka, autre version du dieu Ganesh, sa trompe tournée vers la gauche. La statue, enduite de poudre de vermillon mélangée à de l'huile, fixe les visiteurs de ses deux yeux d'émeraude.

Un autre aspect allégorique de l'émeraude est souvent, en effet, en corrélation avec les yeux, la vue, ou aussi le troisième œil qui est la "seconde vue"!

En Russie notamment, une icône était particulièrement vénérée, Notre Dame de Kazan. Elle avait la réputation particulière de rendre la vue aux aveugles qui lui offraient, en reconnaissance, des émeraudes parfaitement pures. Je suppose qu'il s'agissait là de "riches" miraculés ! Le pouvoir spirituel de cette image était si intense sur la psyché du peuple russe que le tsar Nicolas II décida de lui consacrer son empire en 1918. Ce fut là une de ses dernières décisions de souverain. [...]

L'émeraude est aussi la pierre du savoir, porteuse de la connaissance universelle.

Cette notion trouve sa personnalisation la plus célèbre à travers la légendaire "table d'émeraude". Connu en latin sous le nom de Tabula Smaragdina, ce texte, à l'origine aussi ancienne que mystérieuse, aurait initialement été gravé sur une plaque d'émeraude, associant ainsi aux profonds arcanes de sons savoir métaphysique la puissance vibratoire spécifique de la gemme. Il existe essentiellement deux versions de sa découverte. Mais toutes deux sont reliées à l’Égypte et plus particulièrement à Thôt.

Thôt, divinité primordiale de l'Ogdoade, divinité lunaire, est le dieu de la connaissance absolue, de l'écriture et de la magie, investi de la charge de messager des Dieux. Le monde hellénique le transformera ensuite en Hermès "Trismégistos". L'attribut trismégistos est une référence complexe, à plusieurs niveau de compréhension. D'un côté, il s'adresse aux trois parties de la sagesse du monde, à savoir la magie, l'astrologie et l'alchimie. En tant que tel, Thôt était naturellement prédestiné au rôle de révélateur et d'oracle. Mais, sur une autre strate de perception, "trismégistos" désigne une fonction ternaire faisant de Thôt-Hermès, à la fois un roi, un législateur et un prêtre.

Michelet raconte notamment qu'à l'époque de la Haute Antiquité, l'émeraude, indissociablement reliée aux facultés médiumniques, ornait justement le front des pythonisses et des druidesses. Dans le droit fil de cette croyance prend place le cadeau inattendu que la ville de Venise fit à Marie de <Médicis, alors mariée à Henri IV. Ce présent était un miroir, merveilleusement ouvragé dans le plus pur style vénitien et sur lequel étaient incrustées trois magnifiques émeraudes. Or, ce miroir avait la réputation de détenir un pouvoir magique, mais pas n'importe lequel. Idéalement destiné aux femmes, on lui attribuait la capacité de rajeunir le visage de celles qui s'y contemplaient ! [...] Ce miroir est actuellement au musée du Louvre.

Un des scenarii de la découverte de la Tabula Smaragdina met en scène des soldats d'Alexandre le Grand qui, au cours de fouilles dans les galeries souterraines de la Grande Pyramide de Gizeh, découvrent le tombeau de Thôt où se trouvent d'étranges artefacts. L'autre tradition veut, qu'obéissant à une vision, Balinus (connu aussi sous le nom d'Apollonius de Tyane) récupère un livre, ainsi que la tablette d'émeraude dans un souterrain situé au-dessous de la statue d'Hermès Trismégiste à Tyane où il est né (cité grecque au cœur de l'actuelle Cappadoce).

Mais, en y réfléchissant, l'une n'exclut pas l'autre, puisque cette ville étant sur l'ancien et immense territoire d'Alexandre, ses soldats ont parfaitement pu, à leur tour, cacher ces objets ramenés d’Égypte sous une statue de Thôt hellénisée.

Il y aurait énormément à écrire, ou plus exactement à comprendre, à propos d'Apollonius, cet énigmatique personnage du Ier siècle, à la fois thaumaturge et philosophe. Initié à la plupart des grandes écoles de Mystères, dont celle de Pythagore, sa vie est une énigme passionnante de sa naissance... à sa mort même. Sa découverte est décrite ainsi : "Alors, je me trouvais en face d'un vieillard assis sur un trône d'or, qui tenait dans sa main une Tablette d'émeraude verte et sur laquelle était écrit : voici l'Art de reproduire la Nature. Et devant lui se trouvait un Livre sur lequel était écrit : voici le Secret de la Création et la science des causes de toute chose. En toute confiance, je m'emparai du Livre et sortis du Souterrain. Et c'est alors qu'à l'aide du Livre, j'ai pu apprendre les Secrets de la Création et parvenir à concevoir l'Art de reproduire la Nature..." [...]

Depuis, pour les alchimistes, l'émeraude est la pierre de Thôt-Hermès et le symbole minéral de la connaissance secrète, de la sagesse et de l'illumination. C'est d'ailleurs par la purification totale du mercure (le nom latin donné à Thôt-Hermès dans la continuité de la Tradition) que les mages obtiennent la pierre émeraude, comme aboutissement d'un processus opératoire secret. Ils la baptisent "rosée de Mai", une autre manière d'appréhender la création transcendante de la nature à travers le mystère de l'eau et de la pluie fécondante.

D'ailleurs, au Moyen Âge en Occident, l'eau était représentée par la couleur verte et non pas par le bleu, comme c'est le cas de nos jours. L'émeraude devient donc naturellement le symbole de la fécondité de la pluie. Au sein des légendes hermétiques, on retrouve celle du célébrissime "Graal", conjoint à l'émeraude (tombée du front de Lucifer), au calice et ... au sang. Soulignons, entre parenthèses, que dan certains rites magiques, le sorcier se plaçait une émeraude sous la langue... Une triple allégorie liée à la réceptivité, la fécondité, mais également au feu et aux forces infernales.

Au-delà des frontières trompeuses du temps et de l'espace, on retrouve une notion identique chez de nombreux peuples. Pour les Mayas, le "soleil vert" de l'émeraude est le symbole du sang et de la fécondité. Dans la mythologie aztèque, la pierre verte est associée à la fertilité sous la forme archétypale d'un oiseau, le "Quetzal", ce qui, par continuité, transmet son nom à l'émeraude qui devient pour eux "Quetzalitzli". A travers le symbolisme des points cardinaux, très importants pour les anciens Mexicains, la même idée se retrouve poétiquement mise en scène.

L'ouest ou pays des brumes est la porte du mystère, du non-manifesté. Les brumes impliquent la notion de pluie, de fécondité et de fertilité. A l'ouest existe, pour eux, la déesse des Fleurs, les poissons de Chalchiuitl ou d'Eau précieuse par les quels se condense la symbolique complexe où s'interpénètre l'eau bleu-vert de l'émeraude, la semence céleste des pluies et le sang naissant offert au soleil pour sa régénérescence... Quant aux Égyptiens, ils consacraient l'émeraude à Sérapis, le dieu bœuf, principe de fécondité.

Au sein du mythe fondateur de l'islam, dans Le Livre de l’Échelle qui raconte le "Mi'radj", à savoir le voyage nocturne du Prophète, on trouve une description de l'arbre aux branches d'émeraude d'où jaillissent les quatre fleuves. Belle allégorie universelle une fois encore, des pouvoirs fécondants de la pierre verte...

Il est intéressant aussi de constater à quel point, dans la pensée soufie perse, le symbolisme de l'émeraude est une importante notion métaphysique. Dans l'ascension de la montagne de "Qâf", par exemple, celle-ci étant une montagne cosmique, figurative, dont le sommet correspond au centre le plus élevé dans la psyché humaine, il y a le rocher d'émeraude qui colore la voûte du ciel en vert. C'est là que, pour les soufis, réside l’Esprit-Saint, l'ange de l'humanité. Pour ces mystiques perses, l'émeraude est le symbole de l'âme cosmique.

On retrouve la même notion allégorique avec l'écrivain Gérard de Nerval qui, se référant à l'antique Tradition de la Franc-maçonnerie, mentionne le mythe fondateur de l'architecte Hiram. Conduit au centre de la Terre, dans "l'âme du monde habité", par un géant de bronze tenant un marteau à la main qui répond au nom de Tubal-Kaïn, fils de Lamech et frère de Noé, Hiram parvient au palais souterrain d'Enoch (autre version d'Hermès) et marche sur la grande pierre d'émeraude, racine et pivot de la montagne de Kaf (idem à la "Qâf" des soufis !) où son guide lui révèle qu'il peut sans danger se nourrir des fruits de la science... Les fondements symboliques sont similaires.

La connaissance sacrée [...] y côtoie la descente aux enfers, le feu terrestre ! Seules subsistent de légères divergences de noms et des sensibilités culturelles. Voila pourquoi existe une notion identique auprès des cabalistes chrétiens. En effet, Johannes Pistorius, dans De Aris cabbalisticae (1587), mentionne la "ligne verte" du dernier ciel lorsqu'il évoque l'âme du monde. ce concept se retrouve aussi dans la Cabala denudata de Knorr von Rosenroth (1677).

Quant aux kabbalistes juifs, une puissante allégorie existe en filigrane du mythe célèbre du combat de David et Goliath. Tout le monde connaît le dénouement inattendu de ce face à face qui donnera la victoire au faible (apparemment) berger sur le puissant guerrier. Une pierre toucha le géant en plein front. une simple pierre ? Voire ! Certains rabbi juifs rapportent que, selon une antique tradition orale, cette pierre, était, en réalité, une émeraude non taillée. Étrange tradition qui offre de troublantes similitudes avec la légende de l'émeraude incrustée dans le front de Lucifer. En hébreu, émeraude se dit "baraket".

La mythologie ressemble à la musique ; les mélodies sont multiples et portent les vibrations des cultures qui les ont créées, mais elles utilisent touts les mêmes notes de musique...


Un talisman aux caprices redoutables : C'est à l'intérieur de ce creuset alchimique , de cet athanor figuratif, qu'est née, au Moyen Âge, la dualité propre à l'émeraude. Dangereuse pour ceux qui ne connaissent pas, ou sous-estiment ses pouvoirs, elle est à peu près partout dans le monde considérée comme le plus puissant des talismans.

De la Grèce nous est parvenue l'énigmatique légende de l'anneau de Gygès, un antique roi de Lydie et accessoirement...ancien berger. Puissant talisman, cet anneau donnait à son porteur le don redoutable de l'invisibilité. Le célèbre occultiste Éliphas Lévi a toujours estimé que cette légende, comme toutes d'ailleurs, reposait sur une véritable information, occultée et habillée des chatoyants voiles opaques de la superstition et du merveilleux. Dans un de ses ouvrages, il précise davantage sa pensée : "cet anneau portait un double chaton ; d'un côté était tracée l'image du Soleil sur une pierre de topaze, de l'autre était figurée la Lune sur une émeraude." Il ajoute ensuite que l'anneau en argent portait des signes cabalistiques gravés sur le pourtour, aussi bien à l'intérieur, qu'à l'extérieur.

En Inde, par ailleurs, les souverains moghols, parmi eux Shâh Jâhan qui fit construire le Taj Mahal, vénéraient les émeraudes appelées en Inde "marakata". Ils les faisaient notamment graver de textes sacrés et les portaient en guise de talismans. Aujourd'hui encore, on peut voir ces pierres, baptisées émeraudes mogholes, dans des musées ou des collections particulières. cette époque moghole, très schématiquement calée entre le XVIe et le XIXe siècle, sera une période de magnification de la gemme verte. Les émeraudes se sont accumulées dans leurs trésors des mille et une nuits avant de s'éparpiller, à travers voles et pillages, du Caire à Istanbul, et de Delhi à Téhéran.

Le nom actuel d'émeraude est l'aboutissement d'un long et tortueux voyage à travers une déformation successive d'une même racine qui a absorbé l'influence de divers langues. Issu du vieux mot français "esmeraude" qui découle qui découle, via le latin, d'une racine grecque "smaragdos" signifiant simplement "pierre précieuse verte" ou, selon certaines traductions "pierre du printemps", celui-ci est, à son tour, le résultat malmené d'un mot persan bien plus ancien, "zamarart", qui veut dire "cœur de pierre". Tiens, ne serait-ce pas là une manière verbale implicite de traduire l'acte de prêtres momificateurs qui plaçaient un cœur scarabée d’émeraude dans la poitrine du mort ?

Suivant les civilisations et les époques, l'émeraude s'est trouvée investie d'un pouvoir thérapeutique, mystique, quasiment divin, voire tout à la fois. La famille des Habsbourg possédait, par exemple, une cruche de 12 cm taillée au XVIIe siècle dans une énorme émeraude. Elle était utilisée comme protection contre le poison !

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Maïa Toll, auteure de Les Cristaux du chaman, 36 cartes divinatoires, A la découverte du pouvoir des pierres et des cristaux (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs de l'Émeraude :


Mot-clef : Choisissez votre voie


Échelle de Mohs : 7.5 - 8


Imaginez l'émeraude comme une chatte grise vous fixant de ses yeux vert liquide. son regard impassible luit tandis qu'elle s'enfonce dans la sombre forêt d votre être. Dans ce lieu, vous trouverez votre vérité la plus intime et votre amour le lus vrai. De là, vous apercevrez l'avenir... ou resterez enlisé dans le marécage de votre vie. L'émeraude vous entraîne dans les bois ; là, vous pouvez croître sur le sol fertile de votre passé ou dépérir, étouffé par votre propre toxicité. Dans l'ombre, elle vous regardera décider du chemin à suivre. Choisir la voie est, en soi, une initiation. Entamez votre voyage et l'émeraude deviendra un clair fanal, une brillante lumière et un véritable guide.


Rituel : Autres regards

La médecine des pierres taoïste considère l'émeraude comme bénéfique pour les yeux, elle aide à voir vraiment. Quand vous avez besoin d'un regard lucide, il peut être utile d'observer le monde avec d'autres yeux. Pour cela, imaginez-vous dans la peau d'un (ou plusieurs !) de ces animaux :

  • L'aigle, qui peut repérer un lapin dans l'herbe à plus de trois kilomètres et foncer dessus.

  • Le tigre, qui chasse facilement dans le noir.

  • Le caméléon, dont les yeux tournent indépendamment l'un de l'autre, ce qui lui permet de voir de plusieurs côtés en même temps.

  • La crevette-mante, dont chacun des yeux pivote au bout d'un pédoncule rotatif et dont la perception du spectre lumineux est bien plus étendue que la notre.

En voyant le monde comme votre animal préféré, demandez-vous :

Quel est le sens profond de cette situation ?

Qu'est-ce que je ne vois pas en tant qu'humain ?


Réflexion : La Vie en vert

Les femmes, de Cléopâtre à Halle Berry, ont toujours été fascinées par le somptueux éclat de l'émeraude. Dans la Rome antique, l'émeraude était associée à Vénus, déesse de l'amour. Pour les Incas et les Égyptiens, cette pierre sacrée offrait jeunesse éternelle et guérison. Hildegarde de Bingen écrivait que l'émeraude détenait le pouvoir de viriditas, un mot décrivant la croissance et le renouveau.

En revanche, les taoïstes recommandaient la prudence et n'utilisaient pas cette pierre puissante à la légère. Une apparente contradiction qui engage à méditer sur l'amour lui-même. La passion, pour un projet ou un être, est une grande force. mais sans amour de soi, les passions peuvent être destructrices.

Y a-t-il eu, dans votre vie, des moments où un ardent désir pour un objet a capté votre énergie

en vous laissant un sentiment de vide ?

« Tout le vert de la nature est concentré à l'intérieur de l'émeraude. » (Hildegarde de Bingen)

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Joëlle Ricordel, dans un article intitulé "Des vertus et couleurs de quelques minéraux dans les écrits des médecins de langue arabe (IXe-XIIIe siècle). (In :Pallas. Revue d'études antiques, 2021, no 117, pp. 219-233) explique la place de l'émeraude dans la pharmacologie arabe :


Dans l’Occident chrétien, la couleur verte n’a pas joui d’un préjugé toujours favorable. Elle est associée au poison mortel qu’est le vert-de-gris et les peintres n’hésitent pas à donner un teint verdâtre aux personnages empoisonnés qu’ils représentent. Le démon et les créatures maléfiques en sont également parés. Il n’en va pas de même dans les pays d’Islam où le vert est un symbole sacré depuis que le Prophète Muḥammad l’a choisi comme emblème. De plus, les gouvernants des pays musulmans ont, très tôt, eu le goût de la nature et des jardins et ont prêté une grande attention à la végétation. L’exemple du prince omeyyade d’Al-Andalus, `Abd al-Raḥmān I (756-788) est plein d’enseignement à ce sujet. Passionné d’horticulture, il fait planter, dans le jardin de la Ruṣāfa, au nord-est de Cordoue, de nombreuses plantes exotiques qu’il fait spécialement venir de Syrie d’où il était originaire ou d’autres régions d’Orient pour les acclimater sous les latitudes occidentales. Le vert est donc une couleur plutôt favorable dans la civilisation arabo-musulmane et l’on peut s’attendre à ce que les gemmes de couleur vertes soient dotées de vertus bénéfiques pour la santé. Si le béryl et la malachite sont cités dans les manuels de thérapeutique, c’est l’émeraude qui tient véritablement la vedette dans cette catégorie malgré la confusion faite fréquemment avec le béryl.

L’émeraude (زمرّد) et le béryl (زبرجد) . Il règne, en effet, une grande confusion à leur propos dans le vocabulaire. On les appelle respectivement zumrrud et zabarjad mais ce dernier terme est fréquemment devenu synonyme de zumrrud, émeraude. Le béryl, d’un degré inférieur à l’émeraude, ne serait doté d’aucune propriété médicinale. On peut donc penser que l’émeraude est des deux pierres, celle qui est la plupart du temps employée pour ses vertus même lorsque la terminologie zabarjad est utilisée.

L’émeraude est très recherchée et fait partie de la parure des souverains. Cette pierre précieuse doit être « d’un beau vert, bien transparente et d’une belle eau ». L’émeraude appelée vert-mouche (zumrrud ḏābabī) est la plus réputée à cause de sa nuance plus pure. La brillance est aussi un gage de qualité notamment lorsque la gemme est employée comme remède. L’émeraude possède des propriétés bienfaisantes sur la vue. Sa couleur en relation avec celle de la nature est sans doute bienfaisante et reposante pour le regard. Ainsi, par un système d’analogie et comme l’indiquent Ibn Biklāriš et Ibn al-Bayṭār  : « Si quelqu’un porte régulièrement son regard sur elle, elle dissipe sa fatigue visuelle » et « L’habitude de la regarder dissipe les obscurcissements de la vue. »

L’émeraude est d’une couleur proche de celle du vert-de-gris, poison mortel. On peut penser que cette proximité est supposée la faire agir, par antipathie, contre les poisons. Tous les médecins lui reconnaissent cette vertu. Ibn Biklāriš, par exemple, le souligne se rapportant à Aristote  : « Ingérée, elle a la propriété particulière d’être un antidote des poisons mortels, d’agir contre les bêtes nuisibles qui empoisonnent par leur morsure ou leur piqûre. Il dit aussi que si une personne qui a ingéré un poison, prend une dose de huit grains d’orge de sa poudre, avant que le poison n’ait fait son effet, elle sera préservée de la mort. »

Dans son Traité sur les poisons, Ibn Maymūn consacre de longs paragraphes aux qualités antidotiques de l’émeraude. La posologie conseillée est de l’absorber, réduite en poudre fine et à la dose de neuf grains avec de l’eau froide ou du vin. Elle provoque alors le vomissement salutaire. L’auteur lui reconnaît des vertus prodigieuses. Il écrit : « Parmi les médicaments simples, le meilleur est l’émeraude, c’est l’antidote qui peut triompher de tous les poisons animaux et de la morsure ou piqûre des animaux venimeux. » L’émeraude est supposée ainsi agir par sympathie sur la vue et par antipathie contre les poisons. Ces deux qualités s’associent pour donner vie à une légende qui veut qu’à sa simple vue, une vipère prenne la fuite et que ses yeux sortent de leurs cavités.

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