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Le Bambou

Dernière mise à jour : 19 août 2023


Étymologie :

  • BAMBOU, subst. masc.

ÉTYMOL. ET HIST. − 1. 1598 bot. bambu (Lodewijcksz, Premier livre de l'histoire de la navigation aux Indes orientales par les Hollandois, fo19 vo [texte français écrit par un Hollandais] dans Arv., p. 77 : Nous y [à Sumatra] avons aussi veu croistre en ceste maniere le Poyvre rond, montant et s'enveloppant a des roseaux hauts et gros, dits en Portuguez Bambu [en it. dans le texte], et en langue Malaique Mambu [id.]) ; 1610 (V. Linschoten, Histoire de la navigation, p. 79, ibid. [trad. fr. d'un texte lat. résumé à partir d'un texte holl.] : ils [les Portugais, à Goa] le font inhumainement batre dos et ventre par leurs serviteurs à grands coups de Bambus [en it. dans le texte] qui, est un roseau fort espais) ; 2. 1604 bambou « morceau de bambou servant de mesure de capacité » (Martin de Vitré, Description du premier voyage fait aux Indes orientales par les François en 1603, p. 55 dans König, p. 23 : ilz ont des bambous qui tiennent le pois de deux livres). 1 est empr., par le canal du néerl., au port. bambu, aussi mambu, attesté dep. le xvie s. (Fr. de Andrade, Cronica de D. João III, IV, fl. 94 d'apr. Mach.), lui-même empr. au marathe et gouzrati (Cor. t. 1) ou au konkani (Mach. et Dalg. t. 1), lang. de la côte ouest de l'Inde, plutôt qu'au canara (Fried. s.v. bambus ; König, pp. 24-25) qui n'est pas une lang. de navigateurs (v. Les langues du monde, Paris 1952, p. 489) ou au malais (Dauzat 68, Bl.-W.5, EWFS2, FEW t. 20, p. 91) qui ne possède pas la forme mambu et où bambu est prob. un empr. récent au port. (v. Fried.).


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Dracaena sanderiana ; Bambou porte-bonheur ; Canne chinoise ; Dragonnier de Sander ; Herbe à dinosaures ;

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Botanique :


Dans Histoire et légendes des plantes utiles et curieuses (Librairie de Firmin Didot, Frères, Fils et Cie, 1871), J. Rambosson poursuit la tradition du sélam à la mode au XIXe siècle, en commençant par une description botanique :

LE BAMBOU. Sa description ; sa culture ; harmonie ineffable que lui fait rendre l'ouragan ; chants que lui font produire les cœurs souffrants et les âmes sympathiques ; sa croissance étonnante ; usage barbare ; le bambou dans l'économie domestique ; applications merveilleuses du bambou ; haies défensives ; plateaux de déjeuner de Marie-Antoinette.

Les curieux et les amateurs ont pu admirer à l'Exposition universelle, dans le compartiment réservé à la .Chine, le bambou et ses merveilleux produits.

Le parti que les Chinois, peuple patient et industrieux par excellence, ont su tirer de ce gigantesque chalumeau, dépasse réellement tout ce que l'imagination peut rêver.

Le bambou s'élève à l'égal des plus grands arbres; il se balance majestueusement, et présente le spectacle, à la fois imposant et gracieux, d'immenses panaches de verdure de la plus somptueuse élégance.

Il atteint jusqu'à 30 et 40 mètres de hauteur ; sa tige cylindrique, polie, luisante, d'une belle couleur vert jaunâtre, est entrecoupée de gros nœuds, et produit des rameaux de même nature, d'autant plus courts qu'ils approchent davantage de la pointe des tiges ; ils se chargent d'une multitude de feuilles du vert le plus tendre et d'une excessive mobilité.

On cultive souvent le bambou en haies immenses, au pourtour des grandes habitations. Ces haies sont appelées balisage. Elles offrent un effet des plus grandioses; le frottement de ces tiges élevées, dures et polies comme de l'acier, flexibles comme un jonc, les échauffe et les embrase quelquefois sous le souffle de la tempête.

Elles produisent lorsqu'elles sont agitées un bruit ou plutôt des bruits, des grincements, des gémissements violents, terribles, pleins de mystère ; on dirait les disputes, les cris, les chants lugubres des ombres et des fantômes qui nous parviennent de l'autre monde. Ces bruits inspirent de la terreur lorsqu'on les entend pour la première fois, mais que de charmes on leur trouve ensuite !

Dans une délicieuse demeure que l'on nomme la Ressource, à l'île de La Réunion, et dont j'ai parlé précédemment, je découvris une allée formée par des balisages de bambous, tellement sombre, tellement épaisse et élevée, qu'il me serait difficile d'en donner une idée. Elle était comme percée au milieu d'un bois de ces gigantesques chalumeaux, et lorsque Forage les agitait, elle produisait une harmonie si plaintive, si langoureuse, en même temps si terrible et si pleine de poésie, que je passais souvent une grande partie de la nuit à l'écouter.

Quand je me rappelle cette harmonie enchanteresse, j'éprouve comme une espèce de nostalgie de ne pouvoir plus l'entendre.

Je ne suis pas étonné de ce que l'on raconte de ces tiges élancées et sonores. Dans les pays fortunés qu'ombrage le bambou, les amants heureux et les cœurs souffrants., dit-on, font de trous à ces longs chalumeaux, et les combinent de telle manière que lorsque le vent souffle ils rendent l'expression fidèle de leur joie ou de leur douleur.

Rien n'est si doux que les accents que font produire ainsi les âmes sympathiques aux brises du soir qui viennent chanter dans ces chaumes harmonieux, devenus tout à la fois harpes et flûtes éoliennes.

Le bambou croît avec une rapidité phénoménale ; dans des conditions favorables, on a constaté un développement de plus de 8 centimètres en vingt-quatre heures. La nuit surtout est favorable à cet accroissement. Dans certains cantons de la Chine, on fait une terrible et atroce application de cette propriété, en infligeant aux jeunes bambous tout à la fois l'office de pal et de bourreau: lorsque le soleil est couché, on assoit le patient sur un siège placé à la hauteur de la jeune pousse, et le matin ses entrailles sont déchirées. La puissance de la végétation force le bambou à se frayer un passage dans les chairs palpitantes de la malheureuse victime.

Je me crois presque obligé de demander pardon au lecteur d'avoir rapporté cet usage barbare, tant il est horrible, et d'autant plus révoltant que c'est presque profaner un arbre national ; car les services que le bambou rend aux Chinois sont si nombreux et si importants, qu'il mérite ce nom à juste titre.

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Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque les différents modes de communication chez les animaux et chez les plantes :


En revanche, une mobilité qui serait propre aux plantes en dehors de toute intervention extérieure paraît en soi inconcevable.

Elle existe pourtant et peut être relevée, par exemple, dans la rapide croissance des jeunes pousses de bambous géants qui progressent à la vitesse des aiguilles d'une montre et peuvent donc être observées à l'œil nu avec de la patience, mais sans aucun artifice, par simple référence à un point de repère fixe. Ces bambous détiennent le record de la vitesse de croissance végétale : 90 centimètres pas jour !

Mais il n'est pas à la portée de chacun de se mettre à guetter la croissance des bambous, surtout en Chine où, sous la pression des derniers pandas, ceux-ci ont fortement régressé de leurs habitats usuels. un millier de pandas qui ne se nourrissent que de bambous : tels sont les derniers survivants d'une espèce animale jadis nombreuse, mais qui a fini par avoir raison de ces graminées géantes. Par leur taille, celles-ci évoquent un arbre, mais, par leur structure anatomique, ce sont en réalité des herbes, comme on le voit à leurs longues tiges, formées d'une succession de nœuds et d'entre-nœuds, qui alimentent entre autres le marché de la canne à pêche, en concurrence avec la très belle canne de Provence si fréquente dans nos paysages méditerranéens.

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Hugues Demeude, dans Les Incroyables Pouvoirs de la Nature (Éditions Arthaud, 2020) nous fait découvrir les secrets du bambou :


Bambou, le champion de la croissance accélérée


La croissance peut faire des merveilles sur la longue durée, mais aussi dans la rapidité, comme chez le bambou dont les qualités de robustesse, de flexibilité et d'imperméabilité sont plébiscitées de façon ancestrale en Asie, au même titre que sa capacité de croître de façon accélérée.

En seulement trois semaines, le tronc de l'« herbe à dinosaures » peut en effet atteindre 13 mètres de hauteur et 10 centimètres de diamètre ! Pour y parvenir, il développe une grande quantité d'énergie qu'il puise dans ses multiples rhizomes entrelacés. Cette énergie se transforme en lignine, une biomolécule qui constitue avec la cellulose le principal composant du bois. La lignine est un miracle de la nature : elle confère la rigidité du roseau - comme à tous les autres bois -, ainsi qu'un pouvoir d'imperméabilité car elle est hydrophobe.

« Celui qui plie mais ne rompt pas », come le mentionnait La Fontaine, multiplie les bienfaits : les tiges souterraines du roseau se développent à grande vitesse en contribuant la fixation des sols. Il absorbe plus de CO2 et rejette plus d'oxygène que n'importe quel arbre. Il résiste aussi aux conditions extrêmes de température, et se montrer capable d'absorber les métaux lourds.

Une plante décidément pleine de ressources, qui montre tout son pouvoir en particulier sur l'île de Majuli située en Inde sur le Brahmapoutre. Majuli couvrait 1 250 kilomètres carrés au début du XXe siècle, ce qui en faisait la plus grande île fluviale du monde. Mais c'était avant que l'endiguement du fleuve et son artificialisation ne provoquent de fortes dégradations liées au phénomène d'érosion. Majuli a ainsi déjà perdu près de la moitié de sa superficie.

Le funeste destin de cette île de 150 000 habitants - dont beaucoup vivent encore dans des habitations en bambou sur pilotis - semblait être de disparaître sous les eaux à brève échéance. C'était compter sans les pouvoirs des arbres à fixer la terre sablonneuse de Majuli et la volonté d'un homme ordinaire pour relever ce défi : Jaday Payeng, surnommé Forest man.

Tout a débuté pour lui il y a une quarantaine d'années, lorsqu'il a commencé à planter des bambous afin de stopper l'érosion du sol Quoi de plus naturel puisque cette plante est utilisée de façon traditionnelle en toutes circonstances : pour construire les maisons sur pilotis, des ponts, ou pour fabriquer des échafaudages. Pourquoi ne pas alors en faire usage pour venir au secours de l'île en tentant d'éviter qu'elle ne disparaisse sous les eaux...

Depuis, après toutes ces années d'efforts, un forêt de 550 hectares grande comme Central Park a surgi du sol, avec pour conséquence de réduire nettement son érosion. Le bambou a été le principal artisan de cette formidable aventure humaine grâce à sa capacité de pousser à une vitesse record et de se multiplier. Puis des arbres typiques de la forêt subtropicale l'ont entouré : cotonniers, manguiers, bananiers, flamboyants, jameloniers, jaquiers et hautes herbes à éléphants. L'île s'est fortifiée de façon significative en recréant un écosystème d'une grande richesse, accueillant de nouveaux habitants qui ne passent pas inaperçus : un troupeau d'une petite centaine d'éléphants, des rhinocéros à une corne, des tigres du Bengale, des grands singes, des buffles, et même une espèce de vautours qui semblait avoir disparu de cette région du Brahmapoutre depuis plus de quarante ans !

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Usages traditionnels :


Dans Histoire et légendes des plantes utiles et curieuses (Librairie de Firmin Didot, Frères, Fils et Cie, 1871), la description botanique est suivie par J. Rambosson d'un recensement des usages communs du bambou :


Les jeunes bourgeons des bambous constituent un légume tendre et délicat ; ils peuvent être mangés comme les asperges et être accommodés de diverses manières ; bouillis, assaisonnés et confits, ils produisent d'excellentes conserves, tellement recherchées qu'elles forment une branche assez importante du commerce intérieur et figurent au banquet des grands. Les prêtres de Bouddha, qui font vœu d'abstinence et s'astreignent à un régime alimentaire végétal, ont trouvé dans ce mets une ressource presque égale à celle que le poisson offre à notre clergé et à ceux qui se soumettent à l'abstinence.

Le bambou est employé pour les vergues des voiles, pour la construction des échafaudages et même des maisons, pour la conduite des eaux ; il entre aussi dans la confection de la plupart des instruments aratoires.

Ce sont des perches de bambous qui servent à porter, à soutenir, à pousser les fardeaux ; c'est de bambou que sont faites les différentes mesures, le seau à puiser l'eau, le manche de la lance du soldat, les claies des chevaux de frise, aussi bien que le montant des parasols et des éventails ; c'est en bambou qu'est tressé le large chapeau de l'homme du peuple ; c'est sa tige qui, découpée de diverses grandeurs, se métamorphose en paniers aux formes variées, en tentes et en câbles pour la marine ; sa racine se convertit sous une main habile en magots et en sculptures ; enfin, le lit, le matelas, la chaise, la table du Chinois, sa pipe, les baguettes avec lesquelles il prend sa nourriture, le balai de sa chambre, le papier sur lequel il écrit, le pinceau qui trace les caractères, etc., tout cela est fourni parle bambou.

Une espèce de bambou, abondant aux îles Moluques a le bois.si dur, que, lorsqu'on le coupe, il rend des étincelles ; ses articulations sont couvertes de gaines ridées comme une peau de requin ou de chien de mer : elles servent à polir le fer et les os.

Les habitants des Moluques et de Java font, avec les tiges de ce bambou, des flûtes, des bâtons de perroquet, des baguettes de pêche, des calumets, des javelots empoisonnés et d'excellentes piques ou zagayes, dont l'extrémité, taillée en pointe et légèrement passée au feu, perce de part en part le corps des hommes contre lesquels on les lance. Ils en font des cannes de promenade, qui sont très estimées en Europe, surtout lorsqu'elles sont effilées et d'une belle forme. Leur légèreté, leur flexibilité et leur solidité les font principalement rechercher. Celles qui réunissent toutes les qualités dont elles sont susceptibles deviennent des objets de curiosité, et se vendent à des prix très élevés.

Les articulations du bambou étant pleines, très solides et se décomposant difficilement, sont employées en pieux, dont les Macassares forment des haies défensives, qui tiennent lieu de remparts. Leur roi étant en guerre avec les Hollandais, en 1651, pour se retrancher, fit planter deux rangées parallèles de ces pieux, à un mètre de distance l'une de l'autre ; elles étaient unies par des liens, et fermées par des claies également de bambou; le milieu était rempli de branches, de terre et de sable, et formait un massif à l'abri du canon européen.

Marie-Antoinette possédait deux plateaux de déjeuner qui avaient près de quatre-vingts centimètres de diamètre, d'une seule pièce, et formés chacun d'une seule tranche de bambou. Il est excessivement rare de voir ces arbres atteindre cette dimension. Ces plateaux étaient un présent offert par l'empereur de Chine.

Ceux qui ont visité l'exposition chinoise de 1867 ont été à même d'apprécier les produits de cet arbre étonnant, qui deviendrait un vrai trésor pour la France s'il était possible de l'acclimater dans quelques-uns de nos départements.

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Jacques Collina-Girard, auteur d'un article intitulé "Feux, ethnologie, préhistoire et expérimentation." (In : Bulletin des Chercheurs de la Wallonie, 1997, vol. 37, pp. 41-50) présente l'usage suivant :


D'étranges briquets tropicaux : 4.1. Percussion pierre-bambou

A Bornéo, d'après des assertions anciennes, on allumait du feu en frappant une variété de bambou avec un tesson de poterie. Ces étonnantes observations ont été récemment confirmées en Papouasie où on a vu allumer du feu par percussion d'un bambou avec une morceau de hache polie (Pétrequin, 1993) : un nouveau défi pour les expérimentateurs (la qualité du bambou utilisé est sans doute importante).

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Serge Schall, auteur de Histoires extraordinaires de plantes et d'hommes (Éditions La Source Vive, 2016) consacre un article au Bambou :


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Croyances populaires :


D'après Véronique Barrau, auteure de Plantes porte-bonheur (Éditions Plume de carotte, 2012) : les bambous évoquent "bonheur et sérénité".


Bambous à tout faire : Jadis omniprésent dans la vie des habitants d'Extrême-Orient, le bambou subvenait à tous les besoins : nourriture, logement, outils... Rendant gloire à cette plante bienfaitrice, le Chinois l'honorèrent du nom de "bénédiction du ciel". Doté, de plus, d'une verdure persistante et de résistance, le bambou est devenu un symbole de longévité, de force et, par extension, de bonheur.


Amour sous les bambous : Grâce à la représentation de bambous, fréquemment apposée sur les meubles de mariage dans la Chine d'autrefois, les couples croyaient en une union durable et heureuse. La plante passait en effet pour refouler les esprits malveillants responsables des séparations conjugales. S'appuyant sur la même foi, la communauté indienne des Caraïbes avait coutume de planter un long bambou vert sous lequel était monté un baldaquin destiné à accueillir les mariés, le jour de leurs noces.


Refuge sismique : Au Japon, certains jardins publics sont dotés de bambouseraies pour abriter les habitants lors de tremblements de terre. Les nombreux rhizomes souterrains de la plante offrent en effet un tapis végétal résistant aux secousses.


Maternité sur les bambous : Afin de faciliter leur délivrance, les femmes vietnamiennes accouchaient jadis sur un lit de bambou, construit pour l'occasion par leur mari ou un brave homme de la famille.

Une tradition nuptiale propre aux paysans taïwanais de Macang accordait un rôle important aux claies de grains faites en bambou. Une femme chanceuse (par sa richesse ou ses nombreux enfants) tenait une telle vannerie au-dessus de l'épousée quittant la salle de mariage, pour lui transmettre sa bonne fortune. Les épouses enceintes qui avaient droit à ce rituel de protection s'attendaient à ce que l'éducation de leurs futurs enfants soit ardue.


Faux bambou : Le dracaena sanderiana, plus connu sous le nom de "Lucky bamboo" (bambou chanceux), et offert au nouvel an, n'est pas un bambou mais une plante originaire du Cameroun.

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Symbolisme :


Selon Maître Dôgen (1200-1253, auteur du Shôbôgenzô, dont les Éditions Gallimard (collection folio sagesse, 1998 et 2013) proposent des extraits sous le titre La Voie du zen, Corps et esprit :


Gabyô ("L'image d'un gâteau de riz")


Mon regretté maître a dit : "De grands bambous et des bananiers peints." Dans cette phrase prononcée pour enseigner, il se place hors de la dualité grand-petit afin d'examiner le fait que bambous et bananiers sont des images peintes. Même si un grand bambou est le produit de l'oscillation des forces passives et actives de l'univers, étant lui-même pourvu de ces forces, il participe à leur activité pendant son temps de bambou.

Le temps et ces forces de l'univers sont au-delà de notre compréhension. Même si les grands sages en observent le principe, ils ne peuvent le mesurer. Et cela, parce qu'eux-mêmes tiennent de la nature de ces forces, étant donné l'égalité de tous les phénomènes, de toutes les mesures et de toutes les Voies.

Ce principe yin-yang dont nous parlons est sans rapport aucun avec ce que perçoivent les non-bouddhistes, les tenants hînayânistes et autres. C'est le yin-yang du grand bambou, l'écoulement du temps du grand bambou et le monde du grand bambou. Tous les bouddhas des dix directions sont la parenté du grand bambou.

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Édouard Grimard, auteur de L'esprit des plantes, silhouettes végétales. (Éditions Mame, 1875) propose sa vision des Bambous :


Ce n'est pas seulement à l'herbe des prairies ou des savanes qu'il faut se borner dans l'étude des Graminées. Il est, dans cette même famille si riche et si bienfaisante, des types entièrement différents de ceux que l'on est habitué à considérer comme constituant à eux seuls cette classe de végétaux ; et sans nous arrêter à ces hautes herbes qui, dans certaines régions du nouveau monde, couvrent des espaces énormes, pas plus qu'au Maïs et à la Canne à sucre, atteignant les uns et les autres la taille de certains arbustes, arrivons tout de suite à ces Graminées véritablement colossales qui, sous le nom de Bambous, forment d'immenses forêts et des voûtes hautes comme des cathédrales. Les Bambous, quelle que soit leur hauteur, appartiennent aux plus magnifiques formes du monde des tropiques. Là où s'é lèvent leurs épais massifs, disparaît toute autre individualité. Ils dominent la contrée, lui imposent une physionomie spéciale, et réunissent au plus haut degré, dans leur type élégant et fier, la noblesse, la vigueur et la grâce la plus exquise qu'il soit possible de trouver combinées sur un même végétal. Outre les rangées de colonnes majestueuses que forment d'ordinaire les grands Bambous, ils ont l'art de se grouper d'une autre façon charmante. Sur des souches exhaussées s'élèvent de dix à quinze longues et fortes tiges qui d'abord se dressent perpendiculairement, puis divergent, se recourbent et finissent par former, de part et d'autre, les plus élégantes arcades. On comprend quel doit en être l'aspect général ; la souche entière ressemble à une vaste gerbe dont les rayons arqués sont couronnés par de longs panaches de frémissantes folioles. Ces folioles grisâtres, fermes et coriaces, font entendre sous le vent de mélancoliques murmures, du milieu desquels se détachent des gémissements aigus produits par le frottement des tiges de Bambous dont l'écorce, presque uniquement composée de silice, grince et crie au moindre contact, et jette pendant les tempêtes de véritables clameurs. Entre ces Bambous, on voyage longtemps parfois dans une mystérieuse obscurité ; sur le sol s'étend une couche de feuilles dures qui crépitent et glissent sous le pied, tandis que sur la tête s'entre croisent les gigantesques Graminées qui, jusqu'à trente et quarante mètres de hauteur, forment des voûtes dont les rayons du soleil ne pénètrent que rarement les sombres ogives.

Les physionomies des Graminées sont donc fort diverses. Il y a loin du Bambou colossal à la Brize Amourette qui frissonne au moindre souffle dans le gazon de nos prairies ; mais, dans la Brize comme dans le Bambou, on retrouve cependant le même air de famille, un certain port de tête élégant et fier, une coquetterie d'allure et parfois un balancement mélancolique, dont l'ensemble constitue le caractère général du groupe des Graminées. Ce caractère, fort complexe d'ailleurs, conserve donc son unité.

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Dans le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant on peut lire que :


"Le bambou est, au Japon, avec le pin et le prunier, l'une des trois plantes de bon augure.

Il est surtout l'un des éléments principaux de la peinture de l'époque Song, fortement influencée par le bouddhisme tch'an. La peinture du bambou est plus qu'un art : c'est un exercice spirituel. La rectitude inégalable du bambou, la perfection de son élan vers le ciel, le vide de ses entre-nœuds - image de la shunyâta, de la vacuité du cœur - symbolisent pour le Bouddhiste, voire pour le Taoïste, les caractères et le but de sa démarche intérieure. Sans oublier l'évocation de son bruissement qui fut, pour quelques maîtres, le signal de l'Illumination. La peinture de bambou approche de la calligraphie : c'est un langage véritable, mais auquel accède seule la perception intuitive. Autres aspects très divers : le bambou est utilisé pour chasser les influences mauvaises ; moins peut-être pour des raisons symboliques qu'en fonction des détonations sèches que produit son bois mis au feu. Le fourré de bambous, obstacle classique, figure souvent dans l'iconographie la jungle des péchés que peut seul traverser le tigre, symbole de la puissance spirituelle du Bouddhisme. Un texte des T'ang identifie le bambou au serpent, en lequel il se transforme, paraît-il, aisément (l'acception est apparemment bénéfique). La dualité du bambou mâle et du bambou femelle est un symbole d'attachement, d'union conjugale. On trouve, en divers textes, la mention de bambous à trois, à neuf nœuds : ces objets évoquent essentiellement un symbolisme numérique.

Chez les Bamoun et les Bamiléké, un morceau de bambou appelé Guis (le rire) est un symbole de la joie, de la joie simple de vivre, sans maladie et sans souci.

En Afrique équatoriale comme en Amérique aux mêmes latitudes, l'éclat de bambou durci au feu jour un rôle civilisateur analogue à celui de l'éclat de silex ou d'obsidienne dans les cultures lithiques, et principalement au Mexique. Il est instrument sacrificiel et sert notamment aux medecine-men qui procèdent à la circoncision rituelle.

Il est pointe de flèche de guerre, couteau, et instrument, dont on tire le feu chez les nomades Yanomami du Sud du Vénézuela. Leurs voisins les Yekuana, apparentés aux Caraïbes, l'utilisent comme instrument de musique sacrée : il se nomme dans leur langue uana (clarinette) et il est à noter que la principale fête où parle cet instrument est dite ua-uana ; le démiurge, ou héros civilisateur invoqué à cette occasion, porte le nom de uanadji. Ce uana entendu dans sa totalité serait pour les Yekuana l'arbre cosmique ou arbre de vie, père de Uanadji l'ancêtre mythique, père donc de tous les Yekuana, dont les noms de clans se terminent du reste tous en uana : Dek-uana, Yek-uana."

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Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), le Bambou (Bambusa arundinacea) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Masculin

Divinité : Dans tout le Sud-Est asiatique, en Indonésie, Mélanésie, le Bambou est dédié à des divinités locales, survivances de très anciens cultes animistes.

Pouvoirs : Protection ; Chance ; Réalisation des vœux ; Désensorcellement.


Une légende de Nouvelle-Guinée illustre le combat que se livrent l'homme et la femme pour la maîtrise de cette tige « phallique ». Le couple des grands ancêtres fondateurs, Jugumishanta et Morufonu, vivait dans un lieu enchanteur, mais ils ne s'entendaient pas. Jugumishanta se construisit à l'écart une cabane où elle dormait seule, et son mari bâtit une grande maison pour lui tout seul. Devant sa demeure Jugumishanta planta un pied de gingembre sauvage. Elle coupa une tige de Bambou et y perça un trou, fabriquant ainsi une flûte qu'elle dissimula dans le feuillage du gingembre. Le soir, elle sortait la flûte, courait se cacher pour en jouer dans un endroit sauvage et retiré.

Son mari entendit de chez lui le son mélodieux, porté par la brise de mer. « Qu'est-ce qui fait ce bruit ?, se demanda-t-il. J'aimerais aller voir, mais je risquerais d'être tué ou dévoré ! » Cette pensée l'effraya et il n'osa pas aller dans la montagne.

Soir après soir, Jugumishanta jouait de la flûte et la curiosité de son mari augmentait à mesure. Morufonu profita d'un jour où elle travaillait au jardin pour s'introduire chez elle. Il ne trouva rien, mais vit des empreintes de pas. Il les suivit. Elles le conduisirent jusqu'au buisson où il trouva la flûte. Il déracina le pied de gingembre, qu'il rapporta chez lui pour le planter, et se mit à jouer de l'instrument. Quand Jugumishanta l'entendit, elle revint en courant, constata la disparition, se précipita chez son mari et exigea la restitution de son bien.

Morufonu lui répondit : « J'ai entendu des sons le soir ; je suis venu et j'ai trouvé ceci. Tu n'es pas capable d'en jouer comme il faut, tandis que moi je sais. Tu ne dois plus regarder cette flûte maintenant ; c'est une chose qui m'appartient. »

Aujourd'hui encore, en Nouvelle-Guinée méridionale, les hommes taillent le Bambou et fabriquent des flûtes. Si une femme en voit une, on la tue. Si un jeune garçon est surpris à observer les joueurs de flûte, on lui écrase le nez jusqu'au sang


Utilisation rituelle : Les natifs des Nouvelles-Hébrides mettent en scène des mystères représentant la descente des âmes humaines au monde des morts, sur lequel règne Tein Pijopath au corps ocellé, couvert d'yeux. Les morts y vivent à l'opposé des vivants : ils y mangent des lézards en guise de viande, des Bambous au lieu de canne à sucre, des excréments au lieu de légumes-racines. Ils y dansent à l'opposé des vivants, dans le sens des aiguilles d'une montre, et jouent à se lancer des oranges amères.

Sur le chemin du pays sous-marin, l'identité du mort est vérifiée par un gardien qui tâte le lobe de l'oreille gauche. Si ce lobe n'est pas déjà percé, le cerbère s'empare d'une lancette de Bambou et le perce, causant de grandes souffrances.

Dans les temples chinois, le Bambou servait autrefois de support divinatoire. Le moine officiant jetait aux assistants une poignée de petits éclats, de la taille de grosses allumettes. Selon la façon dont ces bâtonnets tombaient, on en déduisait les augures.


Utilisation magique : Gravez votre vœu sur un segment de Bambou que vous irez ensuite enterrer en un lieu très isolé. Aux îles Philippines, le rituel qui accompagne cet enterrement secret repose curieusement sur la liturgie catholique romaine, se rapprochant de ce fait des rituels magiques européens.

Quand la protection est recherchée, gravez sur l'épieu un symbole bénéfique (en général un pentagramme) et plantez-le dans du sable devant la maison. Une bambouseraie à proximité de chez vous est bénéfique si elle est située au sud. Partout ailleurs, elle risque d'être parasitée par des esprits malveillants. Il faut alors disposer des miroirs, de telle manière que, lorsqu'ils arrivent, ces esprits voient leur propre image. Ils s'enfuient, pris de panique, et les Bambous retrouvent pleinement leur aspect positif.

De la sciure de Bambou, prise par les narines comme du tabac a priser, purifie le mental. C'est une excellente manière de se désensorceler.

Pour appeler son esprit protecteur (l'ange gardien), il faut graver les deux noms de cet esprit, nom ésotérique et nom exotérique, sur une flûte de Bambou. On s'assied en lotus dans un lieu tellurique (sommet d'une colline, endroit élevé et dégagé), on fait le vide en soi et on joue un air improvisé, celui qui vient spontanément, surtout sans s'occuper des notions musicales que l'on pourrait avoir.

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Dans Le Livre des Fleurs (Librairie philosophique J. Vrin, 1989), Georges Ohsawa (Nyoiti Sakurazawa) tente d'initier les Occidentaux à la subtilité de l'art des fleurs.


Au Japon, "Chaque fête populaire est en même temps une fête de fleur. [...] Au mois de juillet c'est le bambou, plante indispensable, qui sert non seulement en décoration, mais dont les pousses sont cuites avec du riz, dont le tronc sert à faire des meubles."

 

Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


Dans toute l'Asie du Sud-Est, en Indonésie et en Mélanésie, le bambou, considéré comme le plus pur de tous les bois, est consacré aux divinités locales. pour le bouddhiste, il symbolise "les caractères et le but de sa démarche intérieure" notamment à cause de sa "rectitude inégalable, de la perfection de son élan vers le ciel", et du "vide de ses entre-nœuds. Sans oublier l'évocation de son bruissement qui fut, pour quelques maîtres, le signal de l'illumination".

En Chine, les moines l'utilisaient comme moyen de consultation divinatoire : "Le moine officiant jetait aux assistants une poignée de petits éclats, de la taille de grosses allumettes. Selon la façon dont ces bâtonnets tombaient, on en déduisait les augures". Pour les Japonais, il est de très bon augure, à l'égal du pin et du prunier tandis qu'en Inde, l'usage voulait autrefois que les jeunes époux, le jour de leurs noces, se tinssent quelque temps debout chacun dans une corbeille de bambou placée l'une à côté de l'autre. Ce rite étant certainement à rapprocher du fait que "la dualité du bambou mâle et du bambou femelle est un symbole d'attachement, d'union conjugale".

Le bambou peut chasser les mauvaises influences, probablement en raison du bruit sec qu'il produit en brûlant. Priser de la sciure de la plante permet de triompher d'un maléfice et de se purifier. On dit également qu'une plantation de bambou est bénéfique si elle est située au sud de votre maison.. dans les autres cas, elle n'est pas à l'abri des esprits maléfiques : "Il faut alors disposer des miroirs, de telle manière que, lorsqu'ils arrivent, ces esprits voient leur propre image. Ils s'enfuient, pris de panique, et les bambous retrouvent pleinement leur aspect positif."

Pour qu'un souhait se réalise, on peut, comme cela se pratique aux Philippines, graver son vœu sur un morceau de bambou et l'enterrer dans un lieu secret. Il est possible d'obtenir la protection de la plante en y gravant un symbole bénéfique ou une figure magique et en la plantant dans du sable devant chez soi. Enfin, s'il s'agit d'appeler son ange gardien, on opérera de la façon suivante :

Il faut graver les deux noms de cet esprit, nom ésotérique et nom exotérique, sur une flûte de bambou. On s'assied en lotus dans un lieu tellurique (sommet d'une colline, endroit élevé et dégagé), on fait le vide en soi et on joue un air improvisé, celui qui vient spontanément surtout sans s'occuper des notions musicales que l'on pourrait avoir.

Dans la médecine indienne populaire, un bambou à cinq nœuds porté sur soi arrête les hémorragies.

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Selon Didier Colin, auteur du Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes ( (Hachette Livre, 2000) :

"En Chine, le bambou, qui constituait le principal matériau de construction des habitants légères, était aussi utilisé à des fins divinatoires. Chez les Bouddhistes, il était considéré comme l'aboutissement de la quête initiatique et spirituelle, à cause précisément de sa solidité et de sa forme droite et lisse, qui lui confèrent une certaine perfection.

Cette portée symbolique n'a pas d’équivalent en Occident. Pour nous, le bambou n'est qu'une plante exotique, il représente les pays lointains, sauvages, l'inconnu et, par analogie, son apparition dans un rêve doit être interprétée comme tel.

Toutefois, l'expression populaire "coup de bambou" pour parler d'une insolation, qui date du XVIe siècle, est utilisée aujourd'hui pour désigner une personne déraisonnable ou épuisée. De ce fait, dans un rêve, le bambou peut être le signe d'un coup de folie ou d'une grande fatigue."

 

Pour Sophie Ékoué, auteure de Sagesses africaines (Hachette, 2016), "le bambou est le symbole de longévité, de jeunesse et de force."

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Dans La Magie des Plantes, Douze mois avec la Sagesse des Plantes (Édition originale, 2017 ; Éditions Danaé, 2017), Sarah Kynes propose la notice suivante :


Magie des plantes d'intérieur : En janvier, pour beaucoup d'entre nous, il n'y a pas grand chose à faire dans le jardin, ou à trouver dans la nature ; mais les plantes d'intérieur peuvent devenir le point focal de notre magie végétale.

[...]

Dracaena sanderiana ; Aussi connu sous les noms de Bambou porte-bonheur, de Canne chinoise et de Dragonnier de Sander.


Cette plante ligneuse aux feuilles persistantes ressemble à un bambou, et porte ce nom, mais ce n'est pas un vrai bambou. Mais elle partage beaucoup des attributs de cette plante; Elle a une mince tige droite et élégante, et des feuilles courbes qui se terminent en pointe. On pet la faire pousser dans un vase d'eau avec des galets pour la maintenir droite, ou la planter en terre.

Mettez la plante dans une pièce où votre famille se réunit, pour engendrer la paix et la bienveillance. Mettez-la près de la prote d'entrée de votre foyer pour inviter la chance et l'harmonie. Pour la chance également, tenez le vase ou le pot de bambou entre vos mains et faites un vœu. Mettez cette plante près de votre autel pour faire entrer son énergie dans vos rituels et vos méditations. On peut aussi s'en servir pour disperser les énergies négatives ou les sorts qu'on a lancés contre vous.

Le bambou est associé à l'élément Air et au dieu Thot. Son influence astrologique vient du Soleil.

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


BAMBOU. — Ce bois, considéré comme le plus pur de tous les bois, joue un certain rôle dans les noces indiennes. L’abbé Dubois, dans sa Description de l’Inde, nous apprend que les jeunes mariés indiens doivent entrer dans deux corbeilles de bambou, placées l’une à côté de l’autre, et s’y tenir, pendant quelque temps, debout. La tribu sauvage des Garrows, dans l’Inde, n’a ni temple, ni autel ; mais ces sauvages dressent devant leurs huttes, et ornent, avec des fleurs et des touffes de coton, un pilier de bambou, devant lequel ils font leurs offrandes à la divinité. Les anachorètes indiens portent comme symbole qui les distingue du vulgaire, un long bâton de bambou à sept nœuds.

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