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La Violette

Dernière mise à jour : 6 oct.


Étymologie :


  • VIOLETTE, subst. fém.

Étymol. et Hist. A. 1. 1re moit. xiie s. « fleur [au sens global pouvant désigner la plante entière] dont une variété, très parfumée, a la couleur qu'on obtient par le mélange de blanc, de bleu et de rouge » (Lapidaire de Marbode, éd. P. Studer et J. Evans, Anglo-norman Lapidaries, 383, p. 43) ; 2. ca 1610 sentir la violette (Beroalde de Verville, Le Moyen de parvenir, éd. fac-sim. par H. Moreau et A. Tournon, p. 254) ; 3. 1690 bois de violette « bois d'aspect violet (palissandre) » (Fur.) ; 1874 yeux de violette (Banville, Exilés, p. 35). B. 1542 « giroflée » (Gesner, Catalogus plantarum latine graece germanice et gallice, f°52 vo). C. 1762 plur. « couleurs du visage résultant d'une atteinte mortelle » (Rousseau, Le Lévite d'Ephraïm ds Œuvres compl., La Pléiade, t. 2, p. 1215). D. 1822 couleur violette de Parme (Obs. modes, t. 3, p. 148) ; 1829 en appos. à valeur d'adj. violette des bois (J. dames et modes, p. 475). E. 1839 « personne humble, modeste ou timide » (Balzac, loc. cit.). F. 1928 violettes « gratifications » (Lacassagne, Arg. « milieu », p. 205) ; 1953 violette « id. » (Simonin, Touchez pas au grisbi, p. 242). Dér. de l'a. fr. viole désignant cette fleur (dep. fin xie s., judéo-fr., Raschi, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1, 1060, p. 146) et issu du lat. viola désignant différentes plantes dont la violette (lat. viola purpurea, lat. bot. de Linné viola odorata) et certaines variétés de giroflées (v. André Bot.) ; suff. -ette (-et*).


Lire aussi la définition du nom pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Viola canina, L. - Violette de chien - Violette des chiens - Violette inodore - Violette rameuse - Violette sauvage -

Viola sylvestris - Fleur de carême - Fleurette de mars - Herbe de la trinité - Viole - Viole de Carême - Violette odorante - Violette de mars - Violette des haies - Violier commun -

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Botanique :

Dans Les Langages secrets de la nature (Éditions Fayard, 1996), Jean-Marie Pelt évoque les différents modes de communication chez les animaux et chez les plantes :


Des violettes d'Afrique du Nord dispersent également leurs graines en explosant ; ces graines sont très prisées par les fourmis qui les amassent dans leur nid et se régalent des matières nutritives qui recouvrent leurs parois. Elles attendrissent du même coup leur tégument dur, ce qui facilite grandement la germination ultérieure. Bien plus, après avoir effectué ce travail, les fourmis rejettent les graines de leur nid et les ensemencent en quelque sorte. Ainsi traitées, ces graines germent beaucoup mieux que celles qui n'ont pas eu la chance de trouver une fourmi sur leur chemin et dont la paroi, très dure, rend la germination aléatoire.

 

Robert Castellana et Sophie Jama, auteurs de "Floriculture et parfumerie : les origines de l’acclimatation végétale sur la cote d’azur." (Issued by The Phoenix Project, 2012) nous apprennent les vertus de la Violette (Viola odorata, V. parma) en lien avec la parfumerie :


On cultive de longue date, sur la Côte d'Azur, 2 variétés de violettes destinées à la parfumerie, l’Odorata aux fleurs blanches et la violette de Parme. Leurs fleurs sont aussi employées en confiserie (sous la forme de pétales confits) ou encore pour la confection de bouquets.

L’essence tirée de leurs feuilles entre par ailleurs dans la fabrication de nombreux cosmétiques. Elle possède un parfum qui s'apparente à l'iris, au géranium ou à la bergamote.

Leur production industrielle, initiée au siècle dernier dans la région de Vence, s’étendait aux communes voisines du Bar, du Rouret, de Châteauneuf, de Peymeinade et de Cabris. Elle se poursuit actuellement à Tourettes sur Loup, avec plus de 150 tonnes annuelles.

Traditionnellement cultivée à l'abri des oliviers ou des orangers, la violette est de nos jours exploitée sous serre et sur "boudins", des supports verticaux emplis de copeaux nourris par un apport d'éléments nutritifs en solution liquide.

Le temps fort de la floraison, entre janvier et mars, est réservé à la fabrication des pétales confits. On récolte aussi les fleurs, d'octobre à mars, pour la confection de bouquets. Entre avril et mai, on ramasse les feuilles. Une seconde récolte a lieu au mois d'août.

 

Selon Stefano Mancuso et Alessandra Viola, auteurs de L'Intelligence des plantes (édition originale 2013 ; Traduction française Albin Michel, 2018),


"Au début de l'année 2012, une étude a été publiée à propos d'une plante capable de chasser des vers dans le sol au moyen de pièges très particuliers. Il s'agit d'une variété de violette qui pousse sur les terrains arides et pauvres du Cerrado brésilien ; elle a mis au point des feuilles souterraines à même de capturer et de digérer les nématodes, de petits vers très répandus dans la région qu'elle prend au piège d'une surface collante et dont elle fait ensuite le précieux complément d'un régime par ailleurs plutôt pauvre en azote. Il s'ait là d'une découverte assez importante : c'est la première fois que l'on observe une technique végétale de chasse souterraine, et l'on peut imaginer qu'elle ait été adoptée aussi par d'autres espèces caractéristiques des sols trop pauvres."

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Dans La Vie sexuelle des Fleurs (Éditions E/P/A Hachette Livres, 2022), ouvrage illustré par Loan Nguyen Thanh Lan, Simon Klein explicite les mécanismes de reproduction des fleurs :


Violette : Pour vivre heureuses, vivons cachées


Au printemps, elle arrive, discrète mais bien présente, au bord des chemins, dans les champs ou dans les bois : la violette. Son odeur suave est subtile et souvent il faut s'y prendre à plusieurs fois pour bien la sentir : en effet, sa fragrance a une fâcheuse tendance à saturer nos récepteurs olfactifs, qui redeviennent réceptifs après un léger délai.

La violette est une petite fleur composée de cinq pétales orientés selon une symétrie axiale signalant aux pollinisateurs, comme les abeilles, de viser le centre, légèrement plus clair en général : c'est là que se trouve la source du nectar contenu dans un éperon pointant en arrière de la fleur. Les insectes, en y plongeant leur langue, retiennent quelques grains de pollen sur leur front et les déposeront éventuellement sur une autre fleur.

Mais les fleurs de violette sont discrètes, et parfois un peu trop, notamment au printemps où de nombreuses autres espèces de fleurs s cherchent à accaparer tous les insectes. Aussi le risque est-il grand pour la violette de passer à côté de la pollinisation et ainsi de la pérennisation de l'espèce. Mais ces petites fleurs n'ont pas dit leur dernier mot et, bien que la pollinisation croisée soit préférée, bien souvent, la violette n'attend pas tout des insectes.


Stratagème : Comme on n'est souvent jamais mieux servi que par soi-même, la violette, à la fin du printemps, crée d'étranges fleurs : des fleurs cachées ! Tout y est : sépales, pétales, étamines et pistil. Seulement rien n'est visible, la fleur en bouton, les sépales verdâtres enfermant précieusement les parties sexuelles. Ces pseudo-fleurs vont jusqu'à maturation et les grains de pollen, une fois mûrs, se déposeront sans peine sur le pistil adjacent. Tout cela en secret, gardé précieusement de l'appétit des insectes. C'est ce que l'on appelle la cleistogamie (du grec Kleistos, fermé, et gamos, mariage). L'avantage : nul besoin de produire le coûteux nectar ni de fabriquer de grandes quantités de pollen Le désavantage c'est que, sur e long terme, l'autofécondation ne permet pas de brassage génétique et aurait tendance à fixer des mutations délétères dans la population.

Aussi, pour la violette, tout est question de compromis. Si jamais elle arrive à se faire repérer par les polinisateurs, malgré la quantité d'offres alléchantes des autres fleurs, alors une fécondation croisée peut avoir lieu, mais par sécurité, la production de graines est, quoi qu'il arrive, assurée par ce petit tour de passe-passe de la fausse fleur.

Cette multiplication par les graines n'est d'ailleurs pas la principale stratégie de la violette : cette plante, comme le fraisier, peut utiliser une technique de multiplication par clonage (appelée multiplication végétative, ou reproduction asexuée) à l'aide de stolons : des tiges qui partent d'un pied de violette pour aller prendre racine quelques centimètres plus loin.

Cette facilité de reproduction a permis à certaines espèces de violettes, comme la violette odorante, d'être facilement cultivables et exploitables. Son parfum inimitable accompagne depuis longtemps les sociétés. Que ce soient les Romains qui trouvaient en elle des propriétés aphrodisiaques et médicinales, ou les Toulousains qui s'en sont pris de gourmandise. En effet, au XIXe siècle, de nombreux horticulteurs de la région toulousaine cultivaient la violette pour confectionner des bouquets quasiment toute l'année, vendus jusqu'en Russie. D'autre part, on en extrayait un sirop et une liqueur ; mais surtout, les fleurs fraîches, cueillies en mars, étaient cristallisées dans du sucre. Aujourd'hui, les fameux bonbons à la violette font a renommée mondiale de Toulouse.

Aux États-Unis, d'autres espèces de violettes sont aussi cultivées pour aromatiser des sucreries : les marshmallows. Ces guimauves sont, entre autres, dans la liste des sucreries crées par Willy Tonka et sa chocolaterie imaginés par Roald Dahl.

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Vertus médicinales :


Henri Ferdinand Van Heurck et Victor Guibert, auteurs d'une Flore médicale belge. (Fonteyn, 1864) nous apprennent les propriétés thérapeutiques de la Violette :


Propriétés Physiques. Les racines ont une odeur faible, indéterminée et une saveur nauséeuse qui se rapproche de celle de l'ipéca. Les feuilles sont inodores, fades, un peu mucilagineuses. L'odeur des fleurs est douce, suave, mais fragrante et se répandant au loin ; elle peut donner lieu à des accidents tels que céphalalgie, syncope, convulsions. La meilleure espèce de violette pour l'usage médical est, d'après M. Guibourt, la violette simple et odorante des bois ; les pétales sont larges, d'un bleu foncé, d'une odeur fragrante ; la violette des quatre saisons est aussi une bonne variété ; celle de Parme dont les pétales sont d'un bleu pâle est moins recherchée. Les semences sont un peu huileuses.


Analyse. M. Boulay a retiré, en 1825, de toutes les parties de cette plante un alcaloïde analogue à l'émétine et qu'il a nommé Emétine indigène ou Violine. C'est une poudre blanche, d'une saveur âcre et nauséeuse chez laquelle MM. Orfila et Chomel ont retrouvé les propriétés physiologiques de l'Emétine. Les fleurs analysées par M. Paretti contiennent deux sortes d'acides cristallisables, du sucre, de la cire, une résine, de la chaux et du fer. On connaît l'usage du sirop de violette comme réactif chimique.


Usages Médicaux - La racine de violette jouit d'une propriété vomitive (Boerhaave, Linné) ; la poudre appliquée sur la peau dénudée et sur les muqueuses produit les mêmes effets que celle de l'ipéca (Bretonneau). Elle est aussi purgative. Le suc des feuilles peut être administré à l'intérieur pour ses propriétés émollientes et légèrement laxatives dans les irritations gastro-intestinales. On peut se servir aussi des feuilles en cataplasmes ou en fomentations sur les parties irritées. Les fleurs sont émollientes, anodines, béchiques et légèrement diaphorétiques ; on les prescrit dans un grand nombre d'affections bronchites, angines, catarrhes, coqueluche, fièvres éruptives, affections aigues des premières voies. Les semences sont purgatives et vomitives d'après plusieurs auteurs (Linné, Hoffmann, Bichat, Schroeder, Cazin). Elles font partie de l'électuaire de rhubarbe composé.


Formes et doses. · Décoction de la racine, 8 à 12 grammes par 500 d'eau (vomitif). Poudre id. , 1 à 4 grammes. Infusion des fleurs, 2 à 10 grammes par kilogramme d'eau. Sirop, conserve, miel, 15 à 60 grammes. - Pour l'usage externe, décoction des feuilles en lavement, fomentation, cataplasme, etc.


Viola canina. : Usages Médicaux. La racine de cette espèce est purgative et même émétique comme celle de l'odorante (Coste, Willemet, Niemeyer). Hanin et Cazin assurent d'après leurs expériences que la poudre de cette racine est plus vomitive que purgative, tandis que l'infusion et la décoction sont plutôt purgatives qu'émétiques.

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A. B., auteur discret de Les Vertus des plantes - 918 espèces (Tours, 1906) recense les vertus thérapeutiques d'un grand nombre de plantes :


Violette. Violier. Viola martia purpiirea flore simplici et odorato.

Pensée. Viola hortensis repens jacea tricolor sive flore trinitatis. Fleur de la trinité.

(Fleurs, 10 grammes par litre.)


VERTUS • L'infusion des fleurs de violettes est émolliente, béchique et un peu laxative, c'est une des quatre fleurs cordiales ; on en fait une conserve, un sirop pour les loochs pectoraux, elles entrent dans les pilules émollientes, fondantes et purgatives de sagapenum, dans les sirops de jujubes, de tortues et d'érésymum, Le sirop de violette est un laxatif pour les enfants, on le donne par cuillerées à café. Les semences sont purgatives, hydragogues, adoucissantes et entrent dans le lénitif fin, l'électuaire de psyllium, le diarprun. La racine est vomitive, cinq grammes par tasse, on poudre ou en infusion. Les fleurs de pensées sont aussi dépuratives, diurétiques ; on l'emploie contre l'eczéma, les dartres, boutons et toutes maladies de la peau. On les fait infuser dans |e vin avec des feuilles de séné pour rendre le purgatif plus actif, 10 grammes chaque, sulfate de soude 30 grammes, vin blanc un litre qu'il faut faire tièdir d'abord pour laisser infuser le tout deux ou trois jours, passer et exprimer dans un linge, en prendre un verre chaque matin.

Il faut continuer jusqu'à guérison complète et diminuer la dose si l'estomac se fatiguait ou si les selles étaient trop abondantes.

 

Françoise Nicollier et Grégoire Nicollier, auteurs de « Les plantes dans la vie quotidienne à Bagnes : noms patois et utilisations domestiques », (Bulletin de la Murithienne, no 102,‎ 1984, pp. 129-158) proposent la notice suivante :


Vyöta, f. / vyyëta, f. / = violette, pensée = Viola sp.

Vyöta dzona, f. / vyyëta dzôna, f. / = « violette jaune » = Viola tricolor : elle est dépurative ; en compresse ou en tisane, elle soigne les maladies de peau, l'eczéma; la tisane de fleurs soulage les rhumes.

Böna vyöta, f. / böna vyuëta, f. / = « bonne violette » = Viola odorata.

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Usages traditionnels :


Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


La toux, les rhumes, les maladies de poitrine sont combattues par les tisanes émollientes bien connues : violettes, [...].

[...]

Dans les vallées et les basses montagnes on administre comme diaphorétiques, les fleurs de violettes.

 

Dans Des hommes et des plantes (Éditions Opéra Mundi, 1970), son autobiographie, Maurice Mésségué évoque le savoir ancestral de son père sur lequel il a construit ses connaissances :


- Et pour vous, j'ajouterai à ma préparation de la violette.

Churchill éclata de rire.

- C'est une fleur qui va très bien à ma modestie.

- Ne riez pas, Monsieur le Président, elle sera très bonne pour votre toux. [...]

- En public, on est en représentation. Alors j'ai toujours un verre à la portée de la main et un "Winston Churchill" aux lèvres. Mais le verre reste plein et je laisse s'éteindre le cigare. J'ai même un très bon truc pour les photographes qui m'attendent aux aérodromes, j'ai toujours sur moi un mégot de havane fumé aux deux tiers, je le sors juste à l'atterrissage. Seulement, durant le voyage, j'ai sucé des bonbons. Maintenant, à cause de vous, je les choisirai à la violette.

[...]

La mort de Winston Churchill m'a fait beaucoup de peine. Pour la première fois, et la seule de ma vie, moi qui n'envoie que des roses rouges, j'ai voulu qu'il ait des violettes.

A la télévision, j'ai suivi le long cortège de ce deuil qui tombait comme un voile de suie sur l'Angleterre et avec mon imagination de Gascon je voyais mon bouquet de violettes et j'entendais Churchill me dire avec son air le plus ours et son œil le plus malin :

- Mésségué, êtes-vous bien sûr que j'aie besoin d'avoir une belle voix à la violette pour aller chanter avec les anges ?

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Dans sa thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) Maria Luisa Pignoli rapporte les utilisations suivantes de la Violette ordorante :


Propriétés et utilisation : La violette est utilisée en médecine populaire pour ses propriétés laxatives, émétiques, diurétiques et sédatives ; la décoction de fleurs soigne en particulier l’acidité gastrique, tandis que l’infusion de feuilles et fleurs sert à traiter la toux, la bronchite et les maux de gorge (Guarrera, 2006 : 220). Au Kosovo, Mustafa et al. (2012a : 751) témoignent, tout comme Guarrera, de l’utilisation de l’infusion de fleurs de violette pour soigner la toux. La décoction de fleurs est utilisée aussi pour le traitement des infections urinaires, tandis que la pommade préparée avec des feuilles de violette, un morceau de tronc de sureau et de la cire vierge, est utilisée pour le traitement des infections cutanées, des contusions, des furoncles et des blessures (Guarrera, 2006 : 220). Simoni (1995 : 215) renseigne sur certaines croyances populaires liées à cette fleur et l’auteur dit que son parfum est associé à l’amour à partir de l’Antiquité ; en fait, les Grecs ont dédiée la violette à Aphrodite et en ont fait le symbole d’Athènes. Aujourd’hui, l’essence que l’on extrait de ses pétales est appelée « parfait amour » (Simoni, 1995 : 215). Dans les communautés arbëreshe du Molise et des Pouilles septentrionales, la violette figure également comme symbole de l’amour, notamment de la femme aimée et manustaqa « la violette » est le titre d’un chant d’amour populaire que les jeunes hommes amoureux ont l’habitude de chanter deux soirs avant le mariage, devant la maison de leur fiancée (Musacchio, 1970 : 121).

En Sardaigne, la violette est utilisée dans la compétition appelée Sartìglia se déroulant à Oristano pendant la période du carnaval (Atzei, 2003 : 475). Le chef de la compétition (Componidòri) qui a comme tâche celle de la faire commencer et terminer, serre dans sa main droite une brassée de pervenche qui porte aux deux extrémités un bouquet de violettes ; celles-ci sont liées à la pervenche moyennant une lanière de tissu vert, symbolisant les tiges des fleurs et ce sceptre prend le nom de sa pippìa de màju « la fille de mai » (Atzei, 2003 : 476). Le Componidòri serre son sceptre dans la main pendant toute la durée de la compétition et le brandit lorsqu’il passe, au galop et couché sur le dos de son cheval, sur la piste pour décréter la fin de la compétition ; il utilise le sceptre comme un aspersoir, en bénissant les gens à plusieurs reprises. Sa pippìa de màju représente un symbole païen de royauté agricole et également une amulette puissante ; en effet, cette compétition est un rituel typique, propitiatoire et bénéfique ayant comme but celui d’invoquer sur la foule une bonne santé et du bien-être et de rendre l’année agricole propice en exorcisant les mauvais esprits (Atzei, 2003 : 476). Une même fonction propitiatoire est confirmée par Rolland (1967, II : 169) lorsqu’il écrit que « en Thuringe la violette sert de charme contre la magie » ; en revanche, cet auteur écrit aussi à propos des fonctions négatives que la violette est censée avoir sur la vie des hommes : « une jeune fille ne doit jamais toucher aux violettes blanches parce qu’il lui est interdit de cueillir des fleurs blanches tant qu’elle n’est pas mariée », « mettre des violettes sur la poitrine y fait venir les puces » (Rolland, 1967, II : 169), « manger la première violette que l’on trouve au printemps garantit de la fièvre pour toute l’année » (Rolland, 1967, II : 168).

Mais selon De Gubernatis (1882 : 369), la violette est une fleur funéraire parce que, dans un conte populaire, elle couronne une jeune fille pieuse emportée au ciel par trois anges. La dénomination de la fleur en grec est ‡ον et on raconte que des nymphes avaient offert des violettes à Ion « qui avait guidé une colonie ionienne dans l’Attique ». Proserpine aussi avait été emportée en enfer alors qu’elle était en train de cueillir des narcisses et des violettes ; d’ailleurs, dans la province de Novare, on croit que « si l’on offre à quelqu’un des violettes dans un jour de fête, il versera beaucoup de larmes » (De Gubernatis, 1882 : 369). Dans la symbologie chrétienne, le violet est la couleur liturgique du carême, c’est-à-dire de la période de quarante-six jours, à partir du Mardi gras jusqu’à Pâques, pendant laquelle il faut observer l’abstinence et la privation ; en particulier, il est strictement interdit de consommer de la viande le vendredi, et jadis même les rapports sexuels étaient interdits pendant toute cette période.

La violette est liée aussi au mythe d’Attis, dieu phrygien de la végétation. C’était un jeune berger que Cybèle, déesse de la terre, avait trouvé enfant dans les roseaux sur les bords du Sangarios, fleuve de Phrygie et qui était devenu son amant. Attis tomba amoureux de la nymphe Sagaritis, mais leur mariage n’a jamais eu lieu à cause de la jalousie de Cybèle ; alors, Attis égaré par la folie, s’émascula sous un pin et mourut d’hémorragie. Cybèle fut prise de remords et transforma ainsi le corps de son amant en pin ; on dit que les violettes fleurirent du sang d’Attis tout autour de l’arbre et que leur odeur puissante captura l’esprit du dieu mort (Frazer, 1973 : 542). La croyance dans une force appelée mana, un pouvoir impersonnel et redoutable qui se trouve dans les pierres, les plantes, les armes, les animaux, les corps des guerriers, les objets et les instruments de travail quotidiens, est originaire des communautés ethnologiques qui étaient en train de se transformer en organisations plus complexes avec l’évolution de nouvelles différentiations sociales et de nouvelles relations de travail (Donini, 1964 : 69). C’est ainsi que l’on commence à donner des pouvoirs particuliers à certains animaux, objets, phénomènes naturels ou à certains arbres ou plantes (Donini, 1964 : 70), comme le témoigne le mythe grec d’Attis et Cybèle où la violette préserve le mana d’Attis et le diffuse par l’intermédiaire de son parfum intense.

La violette est une fleur qui était aussi présente dans la grande fête annuelle qui se déroulait à Rome du 22 au 24 mars, pour célébrer la mort et la résurrection d’Attis. Il s’agissait de la grande fête printanière de Cybèle et Attis qui était aussi connue sous le nom de culte phrygien de l’arbre sacré (Frazer, 1973 : 545). Après avoir coupé un tronc de pin dans le bois, on l’enveloppait avec des bandelettes en laine sacrées, comme s’il avait été le cadavre d’Attis, et puis on l’ornait avec des guirlandes de violettes (Frazer, 1973 : 545). Ce rituel de préparation du tronc de pin dans la Rome antique rappelle la préparation du sceptre de la sa pippìa de màju que le chef de la compétition sarde de la Sartìglia utilise pour bénir les gens et dont on a parlé auparavant. Le troisième jour de la fête romaine (24 mars) était aussi connu sous le nom de « jour du sang » parce que le grand prêtre et tous les autres prêtres voués à Cybèle se coupaient les bras pour en faire sortir le sang qu’ils présentaient comme offrande à la déesse ; durant la même journée, ils sacrifiaient aussi leur virilité en s’émasculant et en jetant les morceaux de leurs corps sur la statue de Cybèle (Frazer, 1973 : 546), ce qui rappelle le sacrifice d’Attis sous l’arbre de pin. Ce rituel macabre avait probablement comme but de donner une force nouvelle à Attis pour qu’il renaisse à la vie, et que par conséquent la nature puisse aussi renaître, en faisant pousser les bourgeons et les fleurs sous le soleil du printemps (Frazer, 1973 : 546).

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Croyances populaires :


Dans Le Folk-Lore de la France, tome troisième, la Faune et la Flore (E. Guilmoto Éditeur, 1906) Paul Sébillot recense nombre de légendes populaires :


En Wallonie une formule est destinée à assurer la propriété de la découverte à celui qui l'a faite. Lorsque les enfants vont faire la cueillette des violettes celui qui en rencontre une touffe s'écrie :


Cakaï tot fait nim pârt avou !


Et les autres enfants respectent sa trouvaille.

[...] La cueillette ou le simple, attouchement des plantes attire aussi des. conséquences fâcheuses. Dans la Vienne, elle [la jeune fille] ne doit jamais toucher une violette blanche, parce qu'il lui est interdit de cueillir, avant d'être mariée, des fleurs blanches.

[...] Voici quelques menues légendes florales des environs de Dinan. Lorsque dans une touffe de violettes il s'en trouve une blanche, la Vierge l'a touchée de son manteau. Les fleurs se détachent d'elles-mêmes la veille du premier mai, afin de faire un tapis dans les endroits où elle passe en allant visiter les « mois de mai » qu'on lui élève. Suivant d'autres, les anges les jettent sur les pas de leur reine, et le grand vent qu'il fait à cette époque vient de leurs ailes qu'ils agitent en faisant cette besogner.

[...] On attribue des vertus prophylactiques à des plantes mordues pu mangées à certaines époques : pour se préserver die la fièvre, dans Ie Loiret dans le Cher, c'est la première violette ; dans ce dernier pays, il faut l'avaler sans la mâcher et en levant les yeux au ciel.

[...] En Loir-et-Cher celui qui entend le coucou à jeun peut éviter la fièvre que ce chant lui pronostique en mâchant la première violette qu'il rencontrera dans les bois.

[...] La pharmacie populaire fait un usage fréquent des infusions de plantes mais leur efficacité dépend de certaines circonstances. Dans les Deux-Sèvres, la tisane de violette n'est bonne pour la fièvre que si les fleurs sont cueillies dans le mois de février, superstition qui a pour cause la ressemblance entre février et fièvre.

[...] En Provence, pendant les belles nuits de mai, les jeunes gens chantaient sous les fenêtres de leurs maitresses des couplets improvisés dans lesquels les fleurs leur servaient de termes de comparaison : la violette indiquait le doute ou le soupçon, l'ortie la rupture.

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) nous livrent leur vision de cette jolie petite fleur :


Hiver - Février.

VIOLETTE - MODESTIE.

J'avais quinze ans, une langueur inexprimable s'empara tout à coup de mes sens. Je pleurais sans chagrin, je riais sans joie ; et, comme effrayée de la vie, un désir secret de mourir me poursuivait sans cesse. Des yeux abattus, des couleurs effacées, une démarche chancelante, une voix affaiblie portaient la douleur et l'effroi dans l'âme de ma tendre mère ; ses soins ne pouvaient plus me ranimer ; baignée de ses larmes, penchée sur son sein, mes mains pressées dans les siennes, je l'entendais se plaindre de mes douleurs. J'essayais de sourire pour la rassurer, mais je ne ressentais pas l'espérance que je voulais lui inspirer. Depuis que cet état durait, les arbres avaient perdu leurs feuilles, et l'hiver dans toute sa rigueur régnait dans nos champs. Assise auprès d'un feu pétillant, sa chaleur me dévorait, et la moindre impression du froid me faisait transir. Chaque soir, fatiguée de moi-même, je m'endormais sans espoir de revoir le lendemain.

Cependant une nuit, il m'en souvient, c'était celle du 10 février 18... Il me sembla tout à coup qu’un rayon de soleil était tombé sur ma tête, qu'il m'avait pénétrée d'une bienfaisante chaleur, et qu'une voix douce et tendre m'invitait à vivre. Ranimée par ce songe, je m'éveille, le ciel était pur, les premiers rayons du jour doraient mes fenêtres ; je passe une robe à la hâte, et je m'avance, à travers les neiges, vers la vaste forêt qui couronne les hauteurs de notre habitation. Arrivée dans cette solitude, épuisée de fatigue, je m'appuyai contre un chêne, et je cherchai des yeux les superbes prairies qu’arrose la Meuse, et le vallon fleuri où le printemps dernier j'avais encore partagé les jeux de mes folâtres compagnes ; tout avait disparu : la Meuse couvrait la campagne de ses eaux débordées. Triste, j'allais reprendre le chemin de la maison, quand un rayon de soleil vint frapper le tronc moussu du chêne contre lequel j'étais appuyée ; aussitôt j'aperçois à mes pieds un petit tapis de verdure, et je me sens environnée des plus doux parfums. O surprise ! vingt touffes de violettes toutes couvertes de fleurs se présentent à mes yeux ! Je ne puis dire ce que j'éprouvai alors ; un doux ravissement pénétra tous mes sens : Non, jamais ces fleurs ne m'avaient paru si fraiches ! Elles s'élevaient sur le gazon comme sur un autel de verdure. Ces parfums suaves, la pureté de ce rayon de soleil, ce vaste tapis de neige qui s'étendait au loin, et qui semblait avoir respecté ces lieux, le chêne qui protégeait, qui couronnait de son feuillage bronzé ce tableau du printemps, tout me remplissait d'une émotion semblable à celle de l'amour. Alors le bonheur qui m'avait été promis en songe circula dans mes veines, et je crus respirer en un instant toutes les fleurs du printemps, tous les plaisirs de la jeunesse . Mais, à ce sentiment si pur et si vif, il en succéda un de douleur : je n'avais pas une amie qui pût sentir et partager mon innocente joie. Cependant je cueillis un bouquet de ces violettes, je l'enfermai dans mon sein, et je me dis : Aimables fleurs, je vous consacre à l'amie que j'aurai. Que la violette soit donc ta fleur chérie, Élisa, toi dont l'amitié, mille fois plus douce que ces parfums, a ranimé mon âme dégoûtée du monde à vingt ans, comme à quinze elle l'était de la vie ! Que la violette soit ta fleur, mon unique amie ! car elle est aussi l'emblème de la modestie.

L'obscure violette, amante des gazons,

Aux pleurs de leur rosée entremêlant ses dons,

Semble vouloir cacher, sous leurs voiles propices,

D'un prodigue parfum les discrètes délices :

C'est l'emblème d'un cœur qui répand en secret

Sur le malheur timide un modeste bienfait. M. Boisjolin.



VIOLETTE BLANCHE - CANDEUR.

La Candeur précède la modestie, c'est une Violette encore revêtue de la couleur de l'innocence.

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Dans Les Fleurs naturelles : traité sur l'art de composer les couronnes, les parures, les bouquets, etc., de tous genres pour bals et soirées suivi du langage des fleurs (Auto-édition, Paris, 1847) Jules Lachaume établit les correspondances entre les fleurs et les sentiments humains :


Violette de printemps - Modestie.

La violette, dans ses variétés diverses, suffit presque seule à l’expression de tous les tendres sentiments ; c’est, avec la rose, la fleur la plus populaire et la plus aimée. La violette de printemps se cache dans les buissons, d’où elle répand ses parfums dans les sentiers agrestes. Elle fleurit sous ses feuilles, et on est obligé de la chercher pour la découvrir. Aucune fleur ne pouvait mieux symboliser la modestie.


Violette blanche - Beauté et Pudeur.

Vous avez vu quelquefois sur la colline, par un beau jour de printemps, ces belles touffes de verdure formant parasol, sortir du milieu du gazon naissant. Guidé par une suave odeur, vous vous êtes dirigé vers ces touffes, vous avez écarté le feuillage et vous avez découvert de jolies fleurs d’argent cachées au fond de cette espèce d’urne végétale : c’était la violette blanche, belle et pudique fleur qui orne si gracieusement le sein et la tête de la jeune fille.


Violette des quatre saisons -Beauté surprenante.

Vous aviez vu passer la violette de printemps, vous lui aviez fait vos adieux avec douleur, et ne vous attendiez pas à voir apparaître cette espèce précieuse qui à toutes les qualités de sa sœur joint celle de nous réjouir toute l’année de ses incomparables parfums !


Violette double - Amitié réciproque.

C’est l’espèce qui s’emploie en médecine, dans la confiserie et la parfumerie. Le fleuriste la cultive avec amour ; elle répond à ses soins avec une large reconnaissance, car elle donne une grande quantité de fleurs. Voilà bien l’emblème d’une réciprocité de bienveillance et d’amitié.


Violette de Parme - Beauté parfaite.

C’est en 1809 que la violette de Parme s’est propagée en France. Elle croît naturellement en Italie. Cette espèce est la plus estimée de toutes les violeltes. Elle est double, d’un violet tendre, et répand le plus exquis des parfums. La violette de Parme est la plus recherchée de toutes les fleurs d’hiver. Elle est toujours chère, parce qu’elle exige beaucoup de soins de culture. Par sa délicatesse, elle est l’emblème des femmes du grand monde que le moindre changement à leurs habitudes incommode et rend malades.


Violette entourée de feuilles - Amour caché.

La violette, qui se cache naturellement sous ses feuilles, demande à être offerte avec sa parure.

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Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


VIOLETTE BLANCHE - CANDEUR.

Heureux l'homme qui n'est pas entré dans le conseil de l'impie, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs et qui ne s'est point assis dans la chaire de dérision ; mais qui repose son amour dans la loi du Seigneur... Il sera comme un arbre planté près du courant des eaux, qui donne du fruit en son temps et dont les feuilles ne tombent point.

Psaumes : I, 1-13.

La violette est le symbole d'une âme simple et candide, en raison de sa couleur, qui est celle de l'innocence. On la donne aussi comme emblème d'une amitié sincère et durable. On dirait que cette plante charmante n'aime à cacher ses jolies fleurs sous les buissons épineux que pour les faire deviner par le parfum qu'elle exhale.

[citation de Boisjolin]

RÉFLEXION.

Nul charme n'est aussi doux pour l'âme que le sentiment d'une pudeur sans tache.

(S. CYPRIEN, De la Pudicité.)


VIOLETTE ODORANTE - MODESTIE.

De même qu'on voit briller l'éclair avant d'entendre gronder la foudre, ainsi se remarque sur le visage de l'homme modeste une certaine grâce qui prévient en sa faveur avant qu'il ne parle.

Ecclésiastes : XXXII, 14.

Les fruits de la modestie sont la crainte du Seigneur, la richesse, la gloire et la vie.

Proverbes : XXI, 4.

La violette avant-courrière du printemps, parfume l'air de sa douce odeur, même avant que les frimats soient disparus; aussi est-il peu de fleurs mieux accueillies. En vain elle se cache sous l'herbe, son parfum la trahit ; le bleu pourpre de sa corolle perce à travers le gazon. Enlevée à son obscurité, elle reçoit l'honneur que l'on se plait à rendre au mérite modeste qui se cache.

Une fleur aussi aimable ne pouvait être oubliée par les poètes : il a fallu lui trouver une origine merveilleuse. Les uns profitant du nom d'Ion, qu'elle avait reçu des Grecs, ont avancé que Jupiter, ayant métamorphosé en génie la belle et jeune Io, fit naitre la violette pour lui procurer une pâture digne d'elle. D'autres supposent que, Jupiter visitant l'Ionie, une nymphe de cette contrée vint offrir à ce dieu une violette, comme la fleur la plus chère de ce pays ; de là vient qu'elle était en grande vénération chez les Athéniens, qui se croyaient descendus des loliens.


DE LA VIOLETTE ODORANTE.

Violette : C'est la modestie, la simplicité, la grâce, tout ce qu'il y a de plus pur, de plus tendre, de plus ingénu. C'est la fleur des bocages, des buissons et des prairies. Elle s'annonce en secret comme un premier don du printemps, comme un premier sourire du bonheur. Ainsi que les esprits sages elle aime les lieux écartés, solitaires, où règnent la paix et le silence. Vous avez aspirés ses parfums ; ils ont ranimé vos sens, éveillé votre esprit, votre mémoire, fait battre votre cœur ; vous avez cru l'apercevoir, vous courez an buisson qui cache ses grâces odorantes ; vous la cherchez en vain, elle o fui comme ces âmes généreuses qui se dérobent après le bienfait aux regards des malheureux.

La violette est partout une délicieuse fleur. Transportée dans les parterres, elle nous attire bientôt par son attitude modeste, par ses teintes douces, par ses gracieuses émanations. Mais elle penche sa tête, elle la cache dans son feuillage : on dirait qu'elle craint nos regards indiscrets, qu'elle rejette sa terre natale. C'est dans les vallons, au pied des montagnes, ou sur l'humble colline, qu'il faut chercher cette miniature végétale. La violette odorante s'élève à peine de terre sur une faible tige ou sur les rejets traçants par lesquels elle se multiplie. Elle croît âr touffes, aux premiers jours, le long des haies, à l'abri des broussailles et des buissons qui la protègent contre les injures de l'air. Ses feuilles sont larges, arrondies, d'un vert foncé, attachées à de longs pétioles. Au milieu des feuilles naissent des fleurs plus ou moins nombreuses, soutenues chacune sur un pédoncule faible. Elles sont agréablement penchées, d'une belle couleur pourprée ou bleue, d'une odeur suave.

La violette est une des plantes indigènes les plus agréables et les plus utiles. Toutes ses parties, feuilles, fleurs, semences, racines, sont douées de vertus médicinales.

Les feuilles fraîches sont mucilagineuses, émollientes, relâchantes. Le suc qu'on en exprime purge légèrement. La racine jouit d'une propriété émétique qui a été constatée par plusieurs habiles médecins. Quant aux fleurs on en fait, comme on sait, une infusion théiforme employée dans les rhumes, comme légèrement mucilagineuse, qui n'a guère d'autre effet, quand on y croit, que de tranquilliser les malades. Avec les mêmes fleurs fraiches, on compose un sirop qui conserve l'odeur agréable de la violette, et avec lequel on aromatise plusieurs médicaments.

La violette a été chantée par une infinité de poètes anciens et modernes; mais nous ne citerons que la pièce suivante par Constant Dubos :

Aimable fille du printemps,

Timide amante des bocages,

Ton doux parfum charme mes sens,

Et tu sembles fuir mes hommages.


Semblable au bienfaiteur discret

Dont la main secourt l'indigence,

Tu nous présentes le bienfait

De la reconnaissance.


Sans faste, sans admirateur,

Tu vis obscure, abandonnée,

Et l'œil cherche encore ta fleur

Quand l'odorat l'a devinée.


Pourquoi tes modestes couleurs

Au jour n'osent-elles paraitre ?

Auprès de la reine des fleurs

Tu crains de l'éclipser peut-être ?


Rassure-toi, près de Vénus

Les grâces nous plaisent encore.

On aime l'éclat de Phébus

Et les doux rayons de l'aurore.


N'attends pas les succès brillants

Qu'obtient la rose purpurine

Tu n'es pas la fleur des amants

Mais aussi tu n'a pas d'épines.


Partage au moins avec ta soeur

Son triomphe et notre suffrage ;

L'amour l'adopte pour sa fleur ;

De l'amitié sois l'apanage.


Viens prendre place en nos jardins,

Quitte ce séjour solitaire ;

Je te promets tous les matins

Une onde pure et salutaire.


Que dis-je ! Non, dans ces bosquets

Reste, violette chérie ;

Heureux qui répand des bienfaits,

Et comme toi cache sa vie.


RÉFLEXIONS.

La modestie est toujours une vertu, mais il faut avouer que dans la vie il y a certaines occasions où elle est aussi peu convenable que l'effronterie en quantité d'autres rencontres.

(OXENSTIERN.)

Plusieurs se sont perdus par l'éclat de leurs talents, de leurs succès, de leurs miracles ; nul ne s'est perdu par les sentiments d'une vraie et solide humilité.

(BOURDALOUE, Pensées diverses.)

*

*

Selon Pierre Zaccone, auteur de Nouveau langage des fleurs avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées (Éditeur L. Hachette, 1856) :


VIOLETTE - MODESTIE. Plante printanière, d'une odeur agréable, d'une cou leur mêlée de rouge et de bleu foncé. Tous les poëtes et tous les grands prosateurs ont aimé et chanté la violette. « Je respirais le suave parfum des violettes sauvages qui , au premier jour tiède qui se présente , au premier rayon de soleil pâle qui les convie , ouvrent leurs calices d'azur sur la mousse desséchée. » (G. SAND.)


L'obscure violette, amante des gazons,

Aux pleurs de leur rosée entremêlant ses dons,

Semble vouloir cacher sous leurs voiles propices

D'un pudique parfum les discrètes délices,

Pur emblème d'un cœur qui répand en secret,

Sur le malheur timide un modeste bienfait. (BOISJOLIN.


Vous vous cachez, timide violette,

Mais c'est en vain, le doigt sait vous trouver ;

Il vous arrache à l'obscure retraite

Qui recélait vos appas inconnus ;

Et destinée au boudoir de Cythère,

Vous renaissez sur un trône de verre,

Ou vous mourez sur le sein de Vénus. (PARNY. )


Sans faste et sans admirateur,

Tu vis obscure, abandonnée,

Et l'ail cherche encore ta fleur

Quand l'odorat l'a devinée.

Sous les pieds ingrats des passants

Souvent tu péris sans défense ;

Ainsi, sous les coups du malheur,

Meurt quelquefois l'humble innocence


Viens prendre place en nos jardins,

Quitte ce séjour solitaire,

Je te promets, tous les matins,

Une eau limpide et salutaire.

Que dis-je ? Non, dans ces bosquets

Reste, ô violette chérie ! ...

Heureux qui répand des bienfaits,

Et comme toi, cache sa vie ! (C. DUBUS.)

*

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Emma Faucon, dans Le Langage des fleurs (Théodore Lefèvre Éditeur, 1860) s'inspire de ses prédécesseurs pour proposer le symbolisme des plantes qu'elle étudie :


Violette - Modestie -Pudeur.

Quand Flore , la reine des fleurs,

Eut fait naître la violette

Avec de charmantes couleurs,

Les plus tendres de la palette,

Avec le corps d'un papillon

Et ce délicieux arôme

Qui la trahit dans le sillon :

« Enfant de mon chaste royaume

Quel don puis-je encore attacher,

Dit Flore à ta grâce céleste ?

- Donnez-moi, dit la fleur modeste,

Un peu d'herbe pour me cacher ? » LOUIS RATISBONNE.


Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour,

Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe ;

Mais, si sur votre front, je puis me voir un jour,

La plus humble des fleurs sera la plus superbe.

DESMARETS DE SAINT-SORLIN, Guirlande de Julie.


Pour figurer la modestie on plaçait une violette sous d'autres fleurs avec cette devise : « Il faut me chercher. » Chez les Grecs et les Celtes, celte fleur a toujours été l'emblème de l'innocence et de la virginité dont l'expression est la modestie ; ils en décoraient le cercueil des jeunes vierges. La même coutume existe encore aujourd'hui dans certaines parties de l'Allemagne.

La mythologie prétend que Vénus venant d'épouser le laid Vulcain, ne pouvait se résoudre à le suivre. Celui- ci, se couronna de violettes, et la belle déesse, sensible à leur doux parfum, sourit à son mari, écouta ses protestations d'amour, et devint sa femme.


Violette blanche. - Innocence.

Violette jaune. - Beauté passée.

Violette double. - Amitié réciproque.

Bouquet de violettes entouré de feuilles. - Amour caché.

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*

Dans son Nouveau Langage des fruits et des fleurs (Benardin-Béchet, Libraire-Éditeur, 1872) Mademoiselle Clémentine Vatteau poursuit la tradition du Sélam :


VIOLETTE : Modestie ; Mérite caché.


0 fille du printemps ! douce et touchante image

D'un cœur modeste et vertueux,

Du sein de ces gazons tu remplis le bocage

De tes parfums délicieux !

Que j'aime à te chercher sous l'épaisse verdure

Où tu crois fuir mes regards et le jour ! Madame BEAUFORT D'HAUTPOUL.


— BLANCHE : Candeur ; Innocence.

— BRUMEAU OU TRICOLORE : Votre simplicité me plaît.

— DOUBLE : Amitié réciproque.

— PALMÉE : J'aime votre modestie.

— DE PARME : Laissez-moi vous aimer.

— ROUGE : Je fuis la louange.

— VIOLET CLAIR : Laissez-moi mon obscurité.

— PANACHÉE : Mélancolie.


Les violettes ont inspiré tous les poëtes, nous avons choisi pour les présenter à nos lecteurs, les passages les plus remarquables inspirés par cette charmante petite fleur si humble et au parfum si suave.


Aimable fille du printemps,

Timide amante des bocages,

Ton doux parfum charme mes sens,

Et tu sembles fuir mes hommages.


Semblable au bienfaiteur discret

Dont la main secourt l'indigence,

Tu nous présentes le bienfait

Et tu crains la reconnaissance.


Dans tes solitaires bosquets

Reste, violette chérie ;

Heureux qui répand des bienfaits

Et comme toi cache sa vie, DUBOS.


Sur la trace de ma bergère,

Naissez, croissez, aimables fleurs ;

Puisque Laurette vous préfère,

La Rose a perdu ses honneurs. BÉRANGER.

 

Pour Scott Cunningham, auteur de L'Encyclopédie des herbes magiques (1ère édition, 1985 ; adaptation de l'américain par Michel Echelberger, Éditions Sand, 1987), la Violette (Viola odorata) a les caractéristiques suivantes :


Genre : Féminin

Planète : Vénus

Élément : Eau

Divinité : Aphrodite-Vénus

Pouvoirs : Protection ; Aphrodisiaque ; Vœux ; Guérison.


Utilisation magique : Dans tout le monde anglo-saxon, ces petites « fleurettes de mars » sont bénéfiques, protectrices. La tradition veut que l'on cueille les premières Violettes de l'année en faisant un vœu.

Dans des dosages qui ont été secrets autrefois (et que l'on trouve aujourd'hui dans n'importe quel ouvrage de recettes magiques), un mélange de Violette et de lavande serait aphrodisiaque.

Une couronne de ces fleurs fait passer la migraine.

Une feuille de Violette, glissée dans un pansement, accélère la cicatrisation de la plaie et empêche les bourgnabous (asticots) de s'y installer (Val d'Aoste).

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*

Sheila Pickles écrit un ouvrage intitulé Le Langage des fleurs du temps jadis (Édition originale, 1990 ; (Éditions Solar, 1992 pour la traduction française) dans lequel elle présente ainsi la violette :

Mot clef : Modestie

Souvenez-vous, hommes,

De la vie d'autrefois,

Quand Elle habitait avec nous,

Et des petits paniers à fruits,

Et des figues, et des myrtes,

Et de la douceur du vin nouveau,

Et des violettes près de

La citerne, et des olives

Que nous regrettions,

A cause de tout cela, maintenant,

saluez la déesse.


Aristophane (450 av. J.C – 445 av. J. C.), Hymne à la paix, traduction Pierre Louys.


Cette humble fleur a été abondamment chantée par les poètes et les troubadours. C'est un symbole de modestie, car elle prend soin de cacher pudiquement sa fragile beauté sous les feuilles, et s'épanouit discrètement.

En Grèce, la Violette était considérée comme la fleur de Zeus. Le roi des dieux était amoureux d'une belle jeune fille nommée Io ; afin de la protéger de la jalousie d'Héra, son épouse, il la changea en jeune génisse. pour la nourrir de l'herbe la plus délicate, il commanda à la Terre de créer en son honneur une fleur digne d'elle qu'il baptisa du nom de la belle (qui a donné Viola en latin).

[...]

Emblème de pureté dans la mythologie romaine, dotée de vertus protectrices dans le monde anglo-saxon, la violette a toujours été une fleur des plus prisées. En France, elle représenta le signe de ralliement des bonapartistes et fut donc proscrite sous la Restauration. Elle fut enfin réhabilité lorsque Louis XVIII déclara : « J'amnistie aussi la violette. »

 

D'après Ted Andrews, dans Le Monde enchanteur des Fées (1993, 2006),


"La violette est la fleur de la simplicité de la modestie, deux qualités indispensables pour communier avec les fées et les elfes. La violette est sacrée pour toutes les fées, notamment pour la reine des fées. Si vous cueillez la première violette du printemps, vous convierez les êtres féeriques à vous prêter chance et assistance pour la réalisation d'un souhait au cours de l'année à venir. La fée de la violette nous apprend à saisir quelle relation nous entretenons au sein d'un groupe. Elle éveille la sensibilité psychique et se manifeste souvent par les rêves."

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani, on apprend que :


La violette étant une fleur funéraire - Proserpine en cueillait lorsqu'elle fut envoyée aux Enfers -, en offrir un jour de fête "fera verser beaucoup de larmes". Dans certaines campagnes anglaises, la violette est maléfique (comme d'ailleurs la plupart des fleurs des champs) et ne doit être offerte qu'en bouquet, car une seule violette dans une maison fera mourir les jeunes poulets et les canards. On dit également que la floraison des violettes en automne annonce un décès.

Toutefois, cette plante, qui est par ailleurs symbole de modestie, sert de philtre d'amour en Belgique : pour se faire aimer, un homme doit uriner, neuf vendredis de suite, sur des violettes, déposer sur les fleurs trois gouttes de sang et trois larmes, puis envoyer le tout à la femme désirée.

Le parfum des racines de violette donne le don de divination ; rêver de violettes est d'excellent augure.

Pour connaître le sort d'un blessé, il faut lui attacher une violette à l'index : s'il s'endort, il survivra mais, s'il reste éveillé, le pire est à redouter (Angleterre).

Manger la première violette du printemps protège des maladies ; on dit parfois, comme dans le Cher, qu'il faut l'avaler sans la mâcher et en levant les yeux au ciel. Porter une couronne de violettes fait passer la migraine. La tisane de fleurs cueillies au mois de février, et ce mois seulement, a de grands pouvoirs contre la fièvre, "superstition qui a pour cause la ressemblance entre février et fièvre" (Deux-Sèvres). Selon une tradition du Val d'Aoste (Italie), "une feuille de violette, glissée dans un pansement, accélère la cicatrisation de la plaie et empêche les bourgnabous (asticots) de s'y installer".

Dans les environs de Dinan, on explique l'apparition d'une violette blanche par le fait que la Vierge l'a touchée de son manteau. Une fille ne doit jamais toucher cette fleur "sainte" avant d'être mariés, dit-on dans la Vienne.

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Selon Des Mots et des fleurs, Secrets du langage des fleurs de Zeineb Bauer (Éditions Flammarion, 2000) :


"Mot-clef : La Modestie ; La Pudeur.


Savez-vous ? : Déjà dans l'Antiquité, les Grecs se parfumaient avec son essence et parsemaient la couche des nouveaux mariés de fleurs de violettes en hommage à leur vertu. Au Moyen Âge, à l'apparition des premières violettes de l'année, les villageois organisaient des fêtes dansantes qui duraient toute la nuit. La culture industrielle de cette fleur est née au XVIIIe siècle en France. Elle devint à la même époque l'emblème de la ville de Toulouse. La violette est l'emblème du ralliement des monarchistes français. Élue par Napoléon Bonaparte, il en fit la fleur la plus prisée du Premier Empire après avoir reçu un modeste bouquet de son illustre maîtresse, Joséphine de Beauharnais.

Autrefois, dans les campagnes françaises, lors du décès d'une jeune fille, on déposait sur son cercueil une gerbe ou une couronne de violettes en hommage à son innocence et à sa pureté. Fleur de la Belle Époque, la violette était à l'honneur en parfum et en bouquet piqué dans les chapeaux et les corsages.


Usages : En plus de ses vertus officinales, de son essence utilisée en parfumerie, les pétales de violettes se dégustent encore aujourd'hui confits ou glacés, comme les marrons.


Légendes : La légende grecque raconte que lorsque Io, amante de Zeus, fut transformée en génisse, les prés se couvrirent de violettes pour l'honorer, la nourrir et la parfumer. Les Romains appelaient le jour des morts "le jour des violettes". Ils déposaient sur les tombes de leurs proches des couronnes de cette fleur.


Message : Je pense à vous secrètement."

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D'après Nicole Parrot, auteure de Le Langage des fleurs (Éditions Flammarion, 2000) :


"La violette a deux visages. Elle est à la fois ange céleste et jolie petite sorcière. Les yeux baissés, elle vante sa modestie et joue la pudeur. Dans la Grèce antique, à Athènes, on en jonchait la chambre des jeunes épousées, en hommage à leur vertu. Mais elle ne trompe pas ceux qui la reçoivent ou qui l'offrent. Ils connaissent ses vertiges et aiment y céder. Ils savent que, dans le sillage de son parfum pénétrant, la petite fleur peut vous faire entrer dans des univers surnaturels. Elle "en tapisse les parois" disent ceux qui ont fait l'excursion.

Paradoxalement, les Romains prêtaient à cette diablesse le pouvoir de dissiper l'ivresse. Aussi, les veilles d'orgie, leur fleuriste était-elle débordée de commandes de couronnes de violettes. Aujourd'hui, les violettes font partie de ces petits cadeaux que l'on offre sans raison et, souvent, que l'on s'offre à soi-même.

Qu'importe, la violette a plus d'un tour dans son sac et parfois, comme dans la comédie de George Bernard Shaw, My Fair Lady, la bouquetière qui la vend peut changer le cours de votre vie. Surtout si elle a le visage d'Audrey Hepburn. Alors vous chanterez : "L'amour est un bouquet de violettes".

Ou vous vous envolerez sur une valse de Jean Anouilh mise en musique par Georges Van Parys, La Complainte de la petite marchande des rues :

"Deux sous d'violettes,

Pour deux ronds, ça sent bon

Et ça monte à la tête

Deux sous de violettes-è-ttes (bis)".

Mot-clef : "Vertiges imprévus"

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Eric Pier Sperandio, auteur du Grimoire des herbes et potions magiques, Rituels, incantations et invocations (Éditions Québec-Livres, 2013), présente ainsi la Violette (Viola odorata) : "C'est une petite plante herbacée à fleurs violettes ou blanches à cinq pétales.


Propriétés médicinales : On se sert principalement de cette plante pour traiter les problèmes respiratoire. Une tisane des feuilles et de fleurs est idéale pour soulager une gorge douloureuse, alors qu'une décoction de ses racines est un excellent expectorant. Dans un sirop, elle aide à clamer la toux et libère les sécrétions.


Genre : Féminin


Déités : Vénus


Propriétés magiques : Amour ; Protection ; Santé


Applications :

SORTILÈGES ET SUPERSTITIONS

  • Faîtes brûler l'encens de violette pour accroître votre chance.

  • En faisant brûler de l'encens, exprimez un souhait : il se réalisera.

  • Gardez sur vous, dans une petite pellicule plastique, une fleur séchée : elle vous assurera la chance.


RITUEL POUR CHASSER LA FATIGUE

Ce dont vous avez besoin :

  • une chandelle blanche ;

  • de l'encens de violette.

Rituel : Allumez la chandelle et faîtes brûler l'encens en levant les bras vers le ciel et en disant :


Anges et archanges, je vous appelle à mon secours

La fatigue me gagne et je ne peux plus rien accomplir

Aidez-moi à remplir ma mission car je suis sans recours

Je veux continuer et accomplir ce qui me reste à finir.


Prenez quelques instants pour sentir l'énergie vous envahir."

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Dans Vert, Histoire d'une couleur (Éditions du Seuil, 2013), Michel Pastoureau nous apprend que :


"Tout verger est construit comme un espace symbolique, et [que] chaque plante qui s'y trouve possède sa signification propre. Celle des fleurs varie beaucoup selon les époques et les régions et prend en compte plusieurs particularités : la couleur, le parfum, le nombre de pétales, l'aspect des feuilles, les dimensions des unes et des autres, l'époque de la floraison, etc. Quelques idées peuvent néanmoins être dégagées pour le Moyen Âge central : Le lis est symbole de pureté et de chasteté, [...] la violette, d'humilité et d'obéissance..."

 

Pierre Dubois et René Hausman, auteurs de L'Elféméride, Le grand légendaire des saisons, Printemps (Éditions Hoebeke, 2016) mettent en vedette les plantes et les animaux en fonction du calendrier :


Les violettes obscures,

plus douces pourtant

que de Junon les paupières...

William Shakespeare

Tantôt bénéfique, tantôt maléfique, toujours secrète.

Autrefois, le croquant se méfiait de la violette comme de la plupart des fleurs sauvages qui avaient partie liée avec les nymphes, les fées et les sorcières. Son parfum influençait les rêves divinatoires. Glisser une violette dan sa chaussure permet de marcher de longues distances sans se fatiguer. Manger sans la mâcher les yeux levés au ciel la première violette que l'on voit assure santé et bonheur toute l'année. On peut parfois trouver une violette blanche. On dit que c'est la Vierge ou une fée qui l'a touchée de son manteau. Considérée comme sacrée, il est interdit de la cueillir. Une fille ne doit pas même la toucher avant d'être mariée, elle y perdrait la vue.

Les Celtes en faisaient l'emblème de la virginité et de l'innocence, ils en décoraient le cercueil des jeunes vierges.

Offrir des couronnes, des lacs, des tresses et bouquets de violettes séduit les cœurs les plus distants... Ainsi donc... « l'amour est un bouquet de violettes ».

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Maria Luisa Pignoli, autrice d'une thèse intitulée Les désignations des plantes sauvages dans les variétés arbëreshe (albanais d’Italie) : étude sémantique et motivationnelle. (Linguistique. Université Côte d’Azur ; Università degli studi della Calabria, 2017) se penche sur les croyances liées aux différents noms arbëreshe de la Violette odorante :


Analyse lexico-sémantique des désignations :

1- Ce premier groupe de dénominations arbëreshe de la violette se compose de trois formes lexicales, notamment [monɔsˈace] monosaqe, [manusˈace] manusaqe et [manustˈace] manustaqe, qui trouvent une correspondance dans l’alb. manushaqe. [...] En prenant en considération la forme standard de l’alb. manusháqe, tous les noms de la violette indiqués ci-dessus peuvent être reconduits à une même structure morphologique. [...]

Si notre hypothèse se base sur le fait que ces désignations sont originaires de régions plus orientales, alors il est nécessaire de tourner notre regard vers l’Est, où l’on retrouve la langue sanskrite qui est caractérisée par un groupe de mots très étendu qui tournent autour de skr. man « penser, croire, rappeler, se souvenir, supposer, imaginer » (SKRED : 783). On trouve parmi eux le mot dérivé manushyá qui a le sens de « humain, viril, utile ou bon pour l’homme », « un homme, un être humain » et, signifie dans un sens collectif, « un groupe d’ancêtres décédés, ceux qui reçoivent les offrandes Piṇḍa » [1] (SKRED : 784). Manushyá est aussi comprise dans la structure morphologique que l’on a identifiée pour tous les noms albanais, arbëreshë, kosovare, turc, arménien et bulgare de la violette : [mVnVˈʃVa]. Ce nom dérive morphologiquement de skr. Mánu, auquel s’ajoute le suffixe -shyá. Le mot skr. Mánu se caractérise par une série de significations remontant au progéniteur de l’espèce humaine; il désigne en particulier, d’une part « la créature pensante, l’homme, l’humanité » (< skr. man), « l’homme en tant qu’opposé aux esprits du mal », « les fils des hommes (au pluriel) » et de l’autre, il désigne « l’Homme par excellence ou l’homme et le père représentant la race humaine, qui est considéré dans les Rig-veda comme étant le premier qui a institué les sacrifices et les cérémonies religieuses » (SKRED : 784). Mais le nom Manu a été utilisé, par la suite, surtout pour désigner 14 ancêtres mythiques et souverains de la terre, qui ont été considérés comme les créateurs et les protecteurs du monde pendant de longues périodes (SKRED : 784) ; il est également curieux de remarquer que le quatrième Manu s’appelle Auttami (SKRED : 784), nom qui rappelle formellement Attis.

Le suffixe -shyá rappelle le skr. shásh « six » qui a dans les noms composés la fonction de spécificateur de quantité (SKRED : 1108) et qui dans ce casfait acquérir au terme un sens collectif comme on peut le voir, par exemple, dans le mot skr. shaṇḍa « un groupe d’arbres ou de plantes, bois, forêt », « n’importe quel groupe ou multitude, amas, quantité, collecte » (SKRED : 1107). En effet, parmi les nombreuses significations de skr. manushyá il y a aussi celle collective de « groupe d’ancêtres décédés » (SKRED : 784) qui est ainsi transféré à l’espèce botanique en question en vertu de son développement horizontal et rampant, avec des inflorescences fleurissant en même temps en de nombreux stolons florifères. La confirmation du sens collectif de ce phytonyme nous arrive de l’arabe où la dénomination de la violette est un nom collectif : ar. banafsaj (DMWA : 94) ; de même que pour les dénominations d’aire albanaise, où le sens collectif est donné au phytonyme moyennant le suffixe alb. -sh- qui, selon Jokl, est un ancien ablatif pluriel.

Il est, donc, possible d’affirmer que les désignations arbëreshe de la violette renvoient à l’image des « ancêtres » parce qu’elles dérivent du nom skr. manushyá désignant un « groupe d’ancêtres décédés ». En accord avec Beccaria (1995 : 221), « gli uomini da tempo immemorabile hanno dotato le erbe di un’anima vegetale. […] Si tratta spesso di erbe comunissime, all’apparenza insignificanti, ma dall’odore intenso, acre : sono i forti effluvi, gradevoli, o irritanti a far fuggire, nella credenza popolare, diavoli e streghe » [2]. La violette est aussi dotée d’une âme « végétale » se réfléchissant dans l’anthropomorphisation à laquelle renvoient ses dénominations ; elles se rattachent aux « ancêtres » et remontent sûrement aux croyances animistes selon lesquelles l’« esprit », l’« âme » d’un homme, le skr. mánas quitte le corps au moment de la mort :


« Questo « elemento vitale » è stato di solito identificato con il respiro, con il fiato, con il soffio (l’etimologia di animus, in greco ánemos, ci riporta all’idea del vento, dell’aria) ; ma può anche risiedere nel sangue, nel polso, nel cuore, nel fegato, nell’occhio e in vari organi. » (Donini, 1964 : 72) [3]


Dans le cas de la violette, le récit mythologique dit que cette fleur naît du sang d’Attis et que moyennant l’odeur forte qu’elle émane, elle rappelle la présence de l’esprit du dieu et, donc, son sacrifice et sa mort par amour. L’influence des conceptions animistes ont sans aucun doute permis de considérer la violette comme une fleur funèbre parce qu’elle nous rappelle le sacrifice mortel d’Attis mais aussi comme une fleur d’amour (cfr. § 7.55.3 ci-dessus) parce qu’elle renferme en elle l’esprit du dieu-amant de Cybèle, de l’homme compagnon de la déesse de la Terre et, donc, le père de l’humanité, qui bénit et offre son secours contre les maléfices, comme on peut l’observer encore aujourd’hui en Sardaigne, où le sceptre de sa pippìa de màju est utilisé pour bénir les gens (cfr. § 7.55.3). Donc, la croyance dans le skr. mánas « esprit, âme, comme l’ensemble de toutes les facultés mentales » (SKRED : 783) que Donini (1964 : 69) définit, dans la « téorie du mana », comme un pouvoir mystérieux enveloppant les hommes et résidant dans les objets, les animaux et les plantes, a amené à motiver les désignations de cette espèce botanique ; en outre, en sanskrit, on peut le rencontrer aussi dans le phytonyme mana désignant le « nard indien » (Nardostachys Jatamansi L.), une plante à forte odeur et le « fils du démon Ṡambara » (SKRED : 783). La descendance sémantique de l’esprit, de la pensée, se trouve reflétée, en outre, en Italie, dans quelques dénominations de la Viola tricolor L. qui s’expriment avec le type lexical « pensée » ou « violette de la pensée ». En particulier, en Toscane cette espèce botanique est appelée viola del pensiero « violette de la pensée », minuti pensieri « minutes pensées », panzèa « pensée » ; en Ligurie, penscièi « pensées », pensè « pensée », penscèri « pensées », pansèa « pensée » ; au Piémont, pensè « pensée » ; en Lombardie, viola del pensèr « violette de la pensée », pensèr « pensée », pensèr selvadegh « pensée sauvage » ; en Vénétie, la désignation de l’espèce est lexicalisée avec le nom sospiri « soupirs », c’est-à-dire comme «effet de la pensée»; en Émilie-Romagne, viola del pensèr « violette de la pensée », pinsèr « pensée » ; à Naples, pansè « pensée » ; en Sicile, panzè « pensée » ; en Sardaigne, violetta pansè « violette pensée », pansè, panser « pensée » et en Corse, pensèru « pensée » (Penzig, 1924 : 525).


2- [mamulˈɛt] mamuletë est un continuateur du lat. MAMMŬLA « petit sein, nourrice » (FEW, VI/I : 137) d’où l’on a tiré la base lexicale mamul- et à laquelle s’ajoute le suffixe diminutif -etë < it. -etta. Selon toute probabilité, la motivation à la base de cette dénomination peut être retracée dans la forme et l’aspect des pétales de la violette qui renvoient à différentes figures humaines, des parties du corps ou des objets. Comme l’a déjà souligné Scarlat (2008 : 379) qui a analysé les phytonymes dans le domaine roumain, l’éperon formé par les pétales de cette plante fait référence chez les Tchèques, les Serbes et les Croates au visage d’une belle-mère ; chez les Hongrois et les Roumains on visualise le visage de l’empereur et du prêtre avec leur barbe. Les Roumains y voient aussi, en particulier, l’image du « sexe », de la « chaussure » et de la « hache » (Scarlat, 2008 : 380), tandis que le lat. MAMMŬLA traduit l’image d’un « petit sein» tout comme le nom que les Arbëreshë ont emprunté aux Latins.


Note : 1) Le nom skr. piṇḍa désigne avant tout, parmi toute une série de significations, « n’importe quelle masse ou amas rond ou arrondi tel qu’une balle, sphère, pomme, bouton, protubérance ou nodule » ; il désigne aussi un « morceau arrondi de nourriture, une bouchée, un bout de nourriture, une boulette de riz ou de farine » etc. offerts à Pitṛis, c’est-à-dire aux ancêtres décédés (SKRED : 625) et, il rappelle aussi la forme des testicules qui renvoient à l’auto-émasculation d’Attis et au rituel du « jour du sang » lorsque les prêtres voués à Cybèle s’émasculaient et se coupaient les bras en les offrant en sacrifice à la déesse.

2) Depuis un temps immémorial, les hommes ont doté les herbes d’une âme végétale. […] Il s’agit normalement d’herbes très communes, à l’apparence insignifiantes, mais avec une odeur intense, âcre : les odeurs fortes, agréables ou irritantes font fuir, selon la croyance populaire, les diables et les sorcières. (N.T.).

3) 0 Cet « élément vital » a été habituellement identifié avec le souffle : l’étymon d’animus, en grec ánemos, nous ramène à l’idée du vent, de l’air ; mais il peut aussi résider dans le sang, dans le pouls, dans le cœur, dans le foie, dans l’œil et dans différents organes. (N.T.).

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Maïa Toll, auteure de L'Herbier du chaman, 36 cartes divinatoires, A la rencontre de la magie des plantes (Édition originale 2020 ; Édition française : Larousse, 2021) nous révèle les pouvoirs de la Violette odorante (Viola odorata) :


Mot-clef : Sanctuaire intérieur


Avec son parfum suave, la violette odorante chante le soleil et le printemps, une saison où ses pétales violets tapissent abondamment les prairies et les pelouses. mais ce magnifique spectacle est pure coquetterie. La véritable générosité de cette fleur se révèle à l'automne quand, dans le calme et la discrétion, elle partage ses graines avec la terre et plante le décor de son prochain spectacle. La violette odorante sépare aisément sphères publique et privée ; elle sait que les deux ont leur place et leur saison. elle est la mondaine qui aide discrètement à distribuer la soupe populaire tous les mercredis en sachant que les choses les plus importantes de la vie ne s'accomplissent pas toujours au grand jour.


Rituel : Honorez votre sanctuaire intérieur

Dans les maisons anglaises de l'époque victorienne, on distinguait les pièces publiques des pièces strictement privées et réservées à la famille. De nos jours, la distinction entre public et privé n'est plus de mise, ce qui nous amène parfois à trop partager et à nous surexposer.

La violette murmure : « Chacun d'entre nous possède un lieu sacré au fond de lui qui a besoin d'être nourri et protégé. » Ce sanctuaire sacré est comme une nursery pour notre moi le plus profond et le plus authentique. C'est là que naissent et se renforcent de nouvelles vérités avant qu'on ne les autorise, une fois protégées par une armure de rationalité, à être envoyées à l'extérieur.

Honorez les vérités nées à l'intérieur de vous-même. Créez un autel pour votre sanctuaire intérieur. Ou célébrez-le avec des mots, un souffle ou un chant. Faites-vous la promesse de garder en vous un espace pour y développer votre moi le plus authentique.

Chacun d'entre nous possède un lieu sacré au fond de lui qui a besoin d'être nourri et protégé.


Réflexion : Dévoilez votre vérité

La violette comprend quelque chose que la plupart d'entre nous ont oublié : il est permis de montrer en public un visage différent de celui que nous avons en privé. D'ailleurs, c'est nécessaire si nous voulons savoir qui nous sommes profondément.

Vous croyez peut-être que vous êtes totalement vous-même en exprimant chacune de vos pensées, chacune de vos émotions, et en partageant tout. Mais la surexposition fait fuir la vérité. Apprivoisez votre vérité dans le silence et l'obscurité. Familiarisez-vous avec ses contours et ses dimensions intérieures avant de l'exposer à l'extérieur.

Vous apprendrez à vous connaitre, une vérité après l'autre.

Qu'est-ce qui est vous, rien que vous, ou qui est partagé seulement avec vos proches,

dans votre sanctuaire intérieur ?

Tâchez vraiment d'aller plus loin que votre première, vire votre deuxième réponse. Il nous arrive parfois de mettre notre sanctuaire intérieur à l'abri de notre propre regard...

Que montrez-vous au monde et que gardez-vous pour vous ?

Vous surexposez-vous sous prétexte de vouloir être honnête ?

Il est acceptable de porter un masque à condition de savoir ce qu'il y a derrière.

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Mythologie :

D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


VIOLETTE, fleur funéraire. — Dans un conte populaire de Darmstadt, trois anges qui emportent au ciel une jeune fille pieuse la couronnent de violettes. En grec, la violette s’appelle Ion, et on racontait que ce nom avait été donné à la violette, depuis que les nymphes ioniennes, qui demeuraient sur les bords du fleuve Cythérus, avaient offert des violettes à Ion, qui avait guidé une colonie ionienne dans l’Attique. A cette tradition se rapportent les vers de Nicandre :


Ionides Nymphae puram ac renidentem corollam Ioni

Texere quum cuperent in Pisae hortis,

Et terra flores peperit ; tum autem Ion cum canibus venatus,

Suorum membrorum sordes affluebat in Alpheo,

Ad vesperam cum Ionibus nymphis dormiturus.


(Cf. Amandier.) On dit que Proserpine cueillait des narcisses et des violettes, lorsqu’elle fut emportée aux régions infernales. Dans la province de Novare, on prétend que, si l’on offre à quelqu’un des violettes dans un jour de fête, il versera beaucoup de larmes.

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Dans Arbres filles et garçons fleurs, Métamorphoses érotiques dans les mythes grecs (Éditions du Seuil, février 2017) de Françoise Frontisi-Ducroux, on peut lire que :


"Attis est un doublet d'Adonis, si ce n'est que l'amour de Cybèle est chaste : elle se réserve le garçon à titre de serviteur de son temple. Elle lui fait jurer fidélité et chasteté. Attis promet, mais viole son serment en perdant sa virginité avec une nymphe des bois, naïade en même temps. Cybèle entre en rage, abat la nymphe et son arbre, et frappe de folie Attis, qui part errer dans les montagne et finalement s'émascule : "Ah ! que périssent les parties qui m'ont perdu", s'écrie-t-il "en tranchant le fardeau de ses aines". Cette pulsion castratrice semble héréditaire. Car sa mère, une nymphe du nom de Nana, avait conçu Attis, son merveilleux enfant, en mangeant les fruits d'un grenadier, lui-même issu des résidus de l'émasculation involontaire d'un androgyne monstrueux, nommé Agdistis... que Zeus en personne avait engendré pendant son sommeil en fécondant la Terre dont il était épris.

Désir incestueux si l'on considère que cette dernière, dite Magna Mater, qui est aussi Cybèle, est la mère de tous les dieux. Mais passons sur cette histoire compliquée qui comporte encore d'autres variantes. Attis devient non point un grenadier comme son végétal aïeul, mais un pin, tandis que son sexe coupé, soigneusement enveloppé et enterré par la déesse, donne naissance à la violette. C'est le rhéteur latin Arnobe, converti au christianisme, qui le dit. Ses intentions sont malveillantes, car il veut mettre en lumière les folies indécentes des religions "païennes", mais cet érudit n'invente pas. Il se contente de rapporter. toujours est-il que Cybèle suspend des bouquets de violettes aux branches du pin. La dichotomie du destin d'Attis exprime la nature ambivalente du héros dès lors qu'il s'est castré... ou même avant, peut-être (on a entraperçu son arbre généalogique). Le poète Catulle parle de lui tantôt au masculin, tantôt au féminin : "Je suis femme, je fus jeune homme, éphèbe, enfant la fleur du gymnase, un athlète triomphant." (Ovide, Métamorphoses, X, 103 ; Fastes, IV, 221 s. ; Arnobe, Adversus Nationes, V, 5 ; Catulle, Pensées, 64 ; cf aussi Pausanias, Description de la Grèce, VII, 17, 9 s.).

Attis est aimé de Cybèle parce qu'il est encore un enfant, puer en latin, pais en grec, un tout jeune adolescent, en devenir certes, mais encore indéterminé. La déesse lui demande de rester à ce stade. Mais il devient homme en rencontrant la nymphe, et son châtiment le fait basculer dans l'état féminin. "Aucun duvet ne vient brunir ses joues de rose et sa voix est aiguë." (Nonnos, Dionysiaques, XXV, 311 s.). Car le manque de virilité est considéré comme féminité. Et la femme est pensée comme un homme manqué. C'est là une représentation très répandue. C'est, par exemple, celle d'Aristote, mais tous les médecins antiques ne la partagent pas. Devenu "femme", Attis est voué à devenir un arbre. Le nom du pin est de genre féminin. Mais la virilité dont il s'est séparé fait éclore une fleur (on se souvient qu'Aphrodite est née semblablement du sexe tranché d'Ouranos). Il rejoint ainsi la cohorte des garçons aimés d'une divinité et morts prématurément. La violette cependant ne porte pas, contrairement au narcisse, au crocus et à l'hyacinthe, un nom masculin. Elle est grammaticalement féminine en latin, viola, et neutre en grec, ion. Neutre, c'est-à-dire ne-utrum, ni l'un ni l'autre. Cette neutralité dit, bien mieux qu'une féminité factice, le statut d'Attis, partagé entre l'arbre et la fleur.

A l'instar d'Attis, les prêtres de Cybèle, depuis Hiéropolis, en Phénicie, jusqu'à Rome, se castrent lors de rituels spectaculaires et violents. Plus tard l'opéra de Lulli fera chanter le héros, devenu Atys, en une version très édulcorée due au poète Quinault. (Note : Cet "opéra du roi" fut ressenti comme faisant allusion au Roi-Soleil, partagé entre la reine et Madame de Maintenon. Il va de soi que la castration a été évacuée de la tragédie.)."

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Contes et légendes :


Dans la collection de contes et légendes du monde entier collectés par les éditions Gründ, il y a un volume consacré exclusivement aux fleurs qui s'intitule en français Les plus belles légendes de fleurs (1992 tant pour l'édition originale que pour l'édition française). Le texte original est de Vratislav St'ovicek et l'adaptation française de Dagmar Doppia. L'ouvrage est conçu comme une réunion de fleurs qui se racontent les unes après les autres leur histoire ; la Violette raconte la sienne dans un conte venu de Pologne et intitulé "Le Prince jardinier et la jeune fille de glace".


[...] A la fin de la danse, Sa Majesté la Rose tapa dans ses menottes pour faire silence et, de sa voix claire, parla ainsi :

"Soyez les bienvenus, mes chers invités,. Je vous souhaite de passer de nombreuses journées et de nombreuses nuits inoubliables à notre grand bal des fleurs. Cependant, je voudrais exprimer un souhait bien modeste. J'aimerais me régaler, au milieu de la danse et des festivités, en écoutant des contes du monde entier. A la fin du bal, nous déciderons ensemble lequel d'entre eux était le plus beau. Qui veut commencer ?"

Les fleurs se regardèrent, interdites, mais aucune ne se sentait le courage de commencer. Une petite princesse portant une couronne violette sur la tête, dans sa hâte de se cacher dans un coin écarté, perdit son escarpin de satin. Lorsque, bon gré mal gré, elle revint le rechercher, la reine l'apostropha en souriant :

"Princesse Violette, petite fleur préférée de la mélancolique impératrice Marie-Louise, que crains-tu donc ? Fleur secrète qui reviens chaque printemps, n'as-tu rien à nous dire ? On m'a rapporté que tu es née d'une larme humble qu'Adam aurait versée, que tu es un secret messager d'amour et bien d'autres histoires encore que les hommes racontent à ton sujet. Allons, ne sois pas timide", insistait la reine.

Confuse devant tant d'éloges, la princesse Violette baissa la tête, mais la reine l'ayant embrassée affectueusement, elle rassembla tout son courage et se mit tout doucement à raconter. Voici son histoire :


"Dans les temps anciens vivait un roi qui avait trois fils. La force et la bravoure des deux aînés étaient sans égales mais on murmurait dans le palais, à propos du cadet, que les bonnes fées s'étaient probablement assoupies au-dessus de son berceau. Faible, renfermé, il n'était pas ami des longs discours. Il passait le plus clair de son temps dans le jardin du roi à arroser les fleurs, le sourire aux lèvres, et à écouter les oiseaux chanter, pendant de longues heures. Les gens le surnommèrent le prince Jardinier et ce sobriquet lui resta.

Un jour, le roi convoqua ses fils et leur dit : "Je suis vieux et fatigué. Il semble que je m'en irai bientôt rejoindre votre défunte mère. Je voudrais donc que vous vous trouviez enfin une fiancée. Tout en haut de la Tour noire, il y a une salle où vous trouverez les statues des plus belles jeunes filles que l’œil humain ait jamais contemplées. Choisissez, parmi elles, celles qui seront les plus chères à votre cœur. Celui qui fera le meilleur choix me succédera sur le trône et deviendra le roi de ce pays."

Obéissants, les fils prirent des mains de leur père une clé en or qui ouvrait la porte de la Tour noire, puis se mirent à gravir un escalier en colimaçon qui semblait sans fin. Au bout d'un long moment, ils arrivèrent enfin dans une salle somptueuse. La voûte étoilée du firmament formait le plafond, un gazon aux fleurs merveilleuses s'étendait sous leurs pieds en guise de tapis. Partout où ils regardaient, se dressaient des statues de jeunes filles, si belles que les jeunes hommes en furent ébahis. Elles étaient toutes fondues en or et en argent pur, des diadèmes royaux en perles et en diamants ceignaient leurs fronts gracieux. Les jeunes hommes, émerveillés par tant de beauté, passaient d'une statue à l'autre, incapables de choisir la jeune fille qui leur paraissait la plus belle.

Enfin, le prince Jardinier découvrit, dans un coin reculé, une silhouette isolée, dissimulée de la tête aux pieds sous un drap noir. Lorsque les jeunes hommes, intrigués, arrachèrent le drap, ils restèrent muets de saisissement. Une jeune fille d'une beauté indescriptible, sculptée dans la glace, se dressait devant eux. Une somptueuse couronne de flocons de neige illuminait son jeune visage affligé dont les yeux glacés au regard tendre versaient de vraies larmes.

Le frère aîné se ressaisit le premier :

"Je choisis celle-ci pour femme, et pas une autre", s'écria-t-il. Celui d'entre vous qui voudrait m'en empêcher serait bien mal avisé."

Furieux, le frère aîné dégaina son épée. "Tu n'as pas plus de doit sur elle que moi. Cède ou il te faudra te battre avec moi ! " Sans l'intervention du prince Jardinier, les deux frères en colère auraient certainement fini par se battre. "Mes frères, dit-il avec un sourire timide, ne nous disputons pas. C'est à elle seule que revient le doit de choisir. Nous partirons l'un après l'autre à la recherche de cette belle jeune fille. Elle appartiendra pour toujours à celui qui saura conquérir son cœur. Toi, cher frère, fit-il en s'adressant au plus âgé des princes, tu as été le premier de nous trois à voir la lumière du jour. Il t'appartient donc de partir d'abord." Les deux frères aînés eurent honte de leur colère et acceptèrent aussitôt cette proposition. Lorsqu'ils firent part au roi de leur décision, le vieil homme s'affligea :

"Vous avez mal choisi, mes fils. Au-delà des neuf montagnes, au-delà des neuf fleuves, se trouve un palais de glace. C'est là que vous trouverez votre élue, la princesse du Pays de l’Éternel Printemps. Le seigneur du royaume de glace la transformée en statue de glace, car elle avait refusé de devenir sa femme. Sel celui qui déposera à ses pieds le présent le plus précieux au monde pourra briser ce charme et la faire revenir à la vie. S'il échoue, cependant, il sera lui-même transformé en bloc de glace. De nombreux princes courageux sont partis tenter leur chance, mais aucun d'entre eux encore n'est revenu du palais de glace."

Les paroles du roi ne découragèrent pas le frère aîné. Sans tarder, il convoqua au château les meilleurs joailliers et orfèvres, et leur ordonna de ciseler une rose en or pur. Lorsque les artisans eurent achevé leur ouvrage, tous furent saisis d'étonnement. Les pétales de la rose étaient si fins qu'ils frémissaient sous le souffle humain. un papillon d'émeraude agirait ses ailes aériennes dans le cœur de la fleur, un rossignol en argent voletait tout autour. le vieux roi fut satisfait.

"Ton présent te portera peut-être chance, mon fils. De ma vie, je n'ai rien vu de plus précieux ", dit-il en conduisant le prince devant trois coffrets. Le premier était en or, le second en argent, le troisième en simple bois de chêne.

"Ouvre le coffret de ton choix ", ordonna le roi. Sans hésiter, le prince souleva le couvercle du coffret en or et vit avec étonnement qu'il contenait un bonnet de bouffon, agrémenté de clochettes.

"Ce bonnet n'ajoutera rien à ta sagesse, soupira son père. Par contre, dès que tu le coifferas, tu te retrouveras dans l'endroit de ton choix. Mais avant de partir, plante ton épée dans la terre, car tu n'en auras pas besoin. Si elle se couvre de rouille, nous saurons qu'il t'est arrivé malheur."

Le jeune homme obéit aux instructions de son père. Dès qu'il coiffa le bonnet de bouffon, il disparut en un éclair.

Peu de temps après, un beau matin, le vieux roi trouva l'épée de son fils couverte de rouille. Les larmes aux yeux, il supplia son second fils de renoncer à son dessein de partir à son tour, mais en vain. Sans plus tarder, celui-ci convoqua au château les artistes les plus réputés du monde pour leur commander son portrait, entièrement exécuté en pierres précieuses. Lorsque les artistes eurent achevé leur œuvre, les gens du château n'en crurent pas leurs yeux. Le portrait du prince était plus vrai que nature. La chevelure en diamants flottait au vent, des paupières en albâtre s'ouvraient sur des yeux en perles. Les lèvres en rubis s'animaient en un sourire espiègle. Le vieux roi s'apaisa.

"Ton présent est plus beau encore que celui de ton frère aîné. Que Dieu t'aide à triompher ! "

A l'invitation de son père, le prince ouvrit le coffret en argent qui recelait des souliers de bateleur tissés en écorce d'arbre et agrémentés de grelots.

"Si tu chausses ces souliers, les pieds seront plus prompts que ta raison. Instantanément, ils te porteront où tu voudras, expliqua le roi, mais il serait plus avisé de ne pas trop se hâter". Le frère puîné n'eut cure de l'avertissement paternel. Comme son frère aîné, il planta son épée dans la terre à l'entrée d château, chaussa les souliers de bateleur et disparut. Un jour, le roi s'aperçut que son épée s'était couverte de rouille en une nuit. Accablé de chagrin, il fit part de sa découverte au prince Jardinier. Celui-ci ne se laissa pas non plus dissuader de faire le voyage.

"As-tu trouvé le présent le plus précieux pour ta fiancée ? " interrogea le roi. Le prince hocha la tête, insouciant :

"Je trouverai peut-être quelque chose en chemin ", répondit-il. Lorsqu'il ouvrit le coffret en chêne, il trouva au fond un bouquet de violettes séchées.

"Il ne me reste plus rien à t'offrir pour la route, soupira le roi. Ce que tu vois ici, ce sont les premières violettes que j'ai cueillies autrefois pour ta défunte mère, afin de lui déclarer mon amour. Depuis, je les garde en souvenir. "

Le prince Jardinier se réjouit dans son cœur. "Merci, père. Tu ne te doutes pas à quel point tu viens de m'aide. Maintenant, je sais quel est le présent le plus précieux au monde. "

Sur ces paroles, il prit rapidement congé de son père et s'en alla au gré des routes. Il franchit neuf montagnes, traversa neuf fleuves sans arriver pour autant au terme de son voyage.

Un jour, il se trouva au pied d'un arbre merveilleux. Sa frondaison étincelait de fleurs d'or pur que des abeilles de diamants butinaient. Un oiseau bizarre était perché sur la plus haute des branches. Son plumage avait l'éclat aveuglant des rayons du soleil, un ruban couleur arc-en-ciel ornait son cou.

"Sois le bienvenu, prince, dit-il au jeune homme d'une voix humaine. Je sais où tes pas te conduisent. Je suis le gardien de l'Arbre de la Richesse. Tout voyageur qui arrive jusqu'ici peut demander à mon arbre ce dont il rêve au plus profond de lui. As-tu déjà défini ce qui est le plus précieux au monde ? "

Le prince Jardinier sourit.

"Je n'ai nul besoin de tes richesses, dit-il. En revanche, de modestes violettes fleurissent au pied de ton arbre étincelant. Permets-moi d'en cueillir un bouquet pour ma fiancée, le jeune fille de glace, car je sais que le présent le plus précieux au monde est celui que l'on offre par amour."

"Ta décision est sage, prince", approuva l'oiseau doré et, lorsque le prince Jardinier eut fini de cueillir les violettes pour sa fiancée, il l'invita à s'accrocher à son ruban irisé. Il s'envola dans les airs et, bientôt, ils aperçurent en bas le palais de glace. Il tournait sur lui-même, au sommet d'une montagne de verre, ses tours lançant des éclairs aveuglants. "Tu es arrivé ", dit l'oiseau en déposant le prince dans la grande cour du château. Le prince Jardinier le remercia de tout son cœur. Il gravit l'escalier de glace et pénétra dans le palais. Immobile, la gracieuse princesse était assise sur un trône de flocons de neige. Autour d'elle se tenaient à genoux des princes et des chevaliers, transformés en statue de glace. Les frères du prince Jardinier étaient parmi eux. Des monceaux de présents de grande valeur étincelaient aux pieds de la princesse. Très ému, le jeune home s'agenouilla devant le trône, disposant le bouquet de violettes dans le giron de la jeune fille de glace.

"Accepte le modeste cadeau, princesse, que je te fais par amour."

A cet instant, le cœur de la jeune fille se mit à battre dans son corps translucide. Ses joues rosirent et un sourire se dessina sur son visage comme si elle se réveillait d'un profond sommeil. Toutes les statues de glace, revenant à la vie comme par enchantement, remercièrent chaleureusement le prince Jardinier. Les plus heureux furent cependant ses deux frères.

"Toi seul as su deviner quel était le présent le plus précieux au monde, déclara la princesse. Si tu le souhaites, je deviendrai ta femme."

Le prince Jardinier, accompagné de sa fiancée, prit la tête d'un magnifique cortège pour retourner au château de son père. Le vieux roi reçut ses deux fils perdus à bras ouverts. Quant à son cadet, il lui prépara une noce dont on se souvient aujourd'hui encore. Pendant trente jours et trente nuits, des convives burent à la santé et au bonheur du prince Jardinier et de sa belle épouse et, lorsque enfin, dans les cuisines, le marmiton mangea le dernier beignet, le prince Jardinier ouvrit en catimini le coffret de chêne pour y déposer, en souvenir, un petit bouquet de violettes séchées.

Ainsi s'achève le conte."

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Selon Véronique Barrau et Richard Ely, auteurs de Les Plantes des Fées et des autres esprits de la nature (Éditions Plume de Carotte, 2014),


"De nombreuses plantes doivent leur naissance ou une de leurs caractéristiques aux Belles Dames. Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, on prétend que les violettes de la vallée de la Barousse naissent sous le pas des Blanquettes. En Roumanie, la violette a pour origine une histoire bien triste. L'empereur venait d'accueillir en sa famille un nouveau-né, une magnifique petite fille. Comme de coutume, les fées du destin se penchèrent sur le berceau et quand elles aperçurent le poupon, devant une telle beauté, elles la dotèrent de l'amour des fleurs. La fille grandit, toujours attirée par les splendides couleurs des corolles s'ouvrant sur son passage, baignant dans les parfums suaves... Les fées, enchantées à leur tour de cette passion grandissant entre la princesse et les fleurs, décidèrent qu'elle serait ravie à l'âge de ses douze ans. Pour le couple impérial, cette annonce était une vraie catastrophe. Ils se dépêchèrent de mettre en place toute une série de stratagèmes afin d'éviter l'enlèvement. Hélas, le jour de ses douze ans, la princesse fut bel et bien emportée par les fées et transformées en ne magnifique violette.

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Littérature :


La Violette


S'offrant pour servir à la Guirlande de fleurs de Mademoiselle de Rambouillet qui lui a été faite sous le nom de Julie


Franche d'ambition, je me cache sous l'herbe ;

Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour :

Mais si sur votre front je me puis voir un jour,

La plus humble des fleurs sera la plus superbe.


Jean Desmarets de Saint-Sorlin, "La Violette" in La Guirlande de Julie, XVIIe siècle.

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Métamorphose de la Violette

L'humble et timide violette

Craint de montrer aux yeux du jour

L'infortune de son amour,

Depuis la faute qu'elle a faite.

Sans ajustement et sans fard,

Elle n'emprunte rien de l'art :

Son habit est simple et modeste,

Et son visage sans couleur,

Dans le repentir qui lui reste,

En fait un voile à sa douleur.

Père Le Moyne, "Métamorphose de la violette" in La Guirlande de Julie, XVIIe siècle.

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La Violette

Nec sum adeo informis !

À M. A. d. B.....


" Pourquoi faut-il qu'à tous les yeux " Le destin m'ait cachée au sein touffu de l'herbe, " Et qu'il m'ait refusé, de ma gloire envieux, " La majesté du lis superbe ?


" Ou que n'ai-je l'éclat vermeil " Que donne le printemps à la rose naissante, " Quand, dans un frais matin, les rayons du soleil " Ouvrent sa robe éblouissante ?


" Peut-être pourrais-je en ces lieux " Captiver les regards de la jeune bergère " Qui traverse ces bois, et, d'un pied gracieux, " Foule la mousse bocagère.


" Avant qu'on m'eût vu me flétrir, " Je me serais offerte à ses beaux doigts d'albâtre ; " Elle m'eût respirée, et j'eusse été mourir " Près de ce sein que j'idolâtre.


" Vain espoir ! on ne te voit pas ; " On te dédaigne, obscure et pâle violette ! " Ton parfum même est vil ; et ta fleur sans appas " Mourra dans ton humble retraite. "


Ainsi, dans son amour constant, Soupirait cette fleur, amante désolée ; Quand la bergère accourt, vole, et passe en chantant ; La fleur sous ses pas est foulée.


Son disque, à sa tige arraché, Se brise et se flétrit sous le pied qui l'outrage ; Il perd ses doux parfums, et languit desséché Sur la pelouse du bocage.


Mais il ne fut pas sans attrait Ce trépas apporté par la jeune bergère, Et l'on dit que la fleur s'applaudit en secret D'une mort si douce et si chère.


Charles-Julien Lioult de Chênedollé, "La Violette" in Études poétiques, 1822.

*

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Dans Les Vrilles de la Vigne (1908) Colette exalte la beauté du monde. Dans "Le Dernier Feu", quatrième nouvelle du recueil, elle s'attarde sur les violettes :


Et les violettes elles-mêmes, écloses par magie dans l'herbe, cette nuit, les reconnais-tu ? Tu te penches, et comme moi tu t'étonnes ; - ne sont-elles pas, ce printemps-ci, plus bleues ? Non, non, tu te trompes, l'an dernier je les ai vues moins obscures, d'un mauve azuré, ne te souviens-tu pas ?... Tu protestes, tu hoches la tête avec ton rire grave, le vert de l'herbe neuve décolore l'eau mordorée de ton regard... Plus mauves... non, plus bleues... Cesse cette taquinerie ! Porte plutôt à tes narines le parfum invariable de ces violettes changeantes et regarde, en respirant le philtre qui abolit les années, regarde comme moi ressusciter et grandir devant toi le printemps de ton enfance !...

Plus mauves... non plus bleues... Je revois des prés, des bois profonds que la première poussée des bourgeons embrume d'un vert insaisissable, - des ruisseaux froids, des sources perdues, bues par le sable aussitôt que nées, des primevères de Pâques, des jeannettes jaunes au cœur safrané, et des violettes, des violettes, des violettes... Je revois une enfant silencieuse que le printemps enchantait déjà d'un bonheur sauvage, d'une triste et mystérieuse joie... Une enfant prisonnière, le jour, dans une école, et qui échangeait des jouets, des images contre les premiers bouquets de violettes des bois, noués d'un fil de coton rouge, rapportés par les petites bergères des fermes environnantes... Violettes à courte tige, violettes blanches et violettes bleues, et violettes d'un banc bleu veiné de nacre mauve, - violettes de coucou anémiques et larges, qui haussent sur de longues tiges leurs pâles corolles inodores...

Violettes de février, fleuries sous la neige, déchiquetées, roussies de gel, laideronnes, pauvresses parfumées... Ô violettes de mon enfance ! Vous montez devant moi, toutes, vous treillagez le ciel laiteux d'avril, et la palpitation de vos petits visages innombrables m'enivre...

 

La Violette


À Parme, à Parme on fait du bon jambon,

À Parme, à Parme où pousse la violette.

À Parme nous irons

Manger du bon jambon,

Respirer la violette,

À Parme, ohé ! la violette sent bon.


Robert Desnos, "La violette" in Chantefables et chantefleurs, 1952.

*

*

L'incipit de la nouvelle intitulée "Assassinat à Prado del rey" in Assassinat à Prado del rey et autres histoires sordides (Édition originale, 1987 ; Christian Bourgois Éditeur, 1994) de Manuel Vázquez Montalbán met la violette à l'honneur de bien étrange façon :


Le cadavre avait un bouquet de violettes, fleurs d'une humilité et d'une discrétion légendaires, coincé dans la fermeture éclair de sa braguette entrouverte, ce qui causa une surprise aussi compréhensible que générale. De plus, ces violettes confirmaient qu'on avait affaire à un assassinat, car n'importe qui peut recevoir un décor sur la tête dans un studio de télévision, surtout un professionnel dans le genre d'Arturo Araquistain, si tatillon qu'il vérifiait lui-même tous les détails avant chaque tournage et avait été surpris plus d'une fois à rôder tard dans la nuit sur un plateau préparé pour le lendemain, tel un limier flairant les traces d'un éventuel échec. La police flaira à son tour les violettes et y vit le premier indice d'un crime sans doute sexuel, hypothèse néanmoins combattue par tous les témoins. Araquistain était un introverti d'un abord difficile, ais il avait une vie privée irréprochable : une femme, des enfants et le moyen de lutter contre des appétits inavouables : sa manie frénétique de couper les troncs d'arbres, activité sportive qu'il avait apportée à Madrid des forêts de son enfance dans la vallée de la Bidassoa. La deuxième piste examinée par le policier était justement l'origine basque du réalisateur de télévision, mais un tel accompagnement floral ne ressemblait ni au assassinats de l'ETA ni à ceux du GAL, surtout avec des violettes introduites dans un réceptacle de type génital.

[...]

Mais Vilarino ne s'attendait pas à ce qu'on assassine un de ses réalisateurs les plus populaires dans les locaux de la Télévision, et encore moins à ce qu'on décore le cadavre d'un bouquet de violettes. Ce détail le mettait hors de lui, même s'il expliquait dans l'intimité qu'au moins les violettes n'avaient aucune signification politique.

- Encore heureux qu'on ne l'ait pas affublé d'une rose socialiste ou d'un œillet communiste.

[...]

- Ce que je ne comprends pas, c'est le coup des violettes. Pourquoi vous avez mis un bouquet de violettes ?

- Je les avais achetées.

- D'accord. Mais pourquoi vous les avez mises dans sa braguette ?

- Chelo aimait beaucoup les chansons. Quand elle faisait la vaisselle ou le ménage, elle la chantait toujours... Depuis toute petite.... Sa mère et moi, on en bavait des ronds de chapeaux quand elle chantait "le bouquet de violettes". Je lui achetais des petits bouquets et je les lui donnais en cachette de sa mère. "Prends, prends, vite." Elle les prenait je ne sais comment... avec une grâce... Elle avait soudain tous les brins dans la main et c'était comme s'ils avaient toujours été là... je ne e souvenais pas de les lui avoir donnés.

*

*

Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque à son tour la Violette :

21 mars

(Fontaine-la-Verte)


De gros nuages gris, propulsés par la tempête, courent en direction de l'est comme une fumée de volcan.

A mes pieds, une touffe de violettes expose un hémisphère de feuilles rondes et un cœur de fleurs mauves. Les crolles se prosternent, mais leurs éperons font un bras d'honneur aux éléments en furie.

Ce que la nature a de plus incompréhensible, c'est la différence de taille entre ses facteurs d'influence égale. Les modestes violettes et les énormes nuages ont la même importance cosmique et se tutoient dans ce paysage affolé par le vent.

24 mars

(Fontaine-la-Verte)


Les violettes arrondissent leurs touffes entre les lierres et les orties. Leurs feuilles en cœur aux douces dentelures font un nid confortable à leurs fleurs-nœuds papillons, qu'un gros éperon priapise. Leurs corolles sont disponibles en une grande variété de teintes, depuis le blanc pur jusqu'au violet nocturne, en passant par le rose, le mauve, le lilas et l'améthyste.

Les danseurs de bacchanales se couronnaient le front de violettes pour dissiper les vapeurs de l'ivresse. Fameuse médecine : les tissus de la plante élaborent un analogue de l'acide acétylsalicylique.


O nymphes poursuivies

Le parfum des violettes

Contient de l'aspirine.

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Dans son recueil poétique Notes du ravin (Éditions Fata Morgana, 2016) Philippe Jaccottet évoque la beauté des violettes :


Violettes au ras du sol : « ce n'était que cela », « rien de plus » ; une sorte d'aumône, mais sans condescendance, une sorte d'offrande, mais hors rituel et sans pathétique.

Je ne me suis pas agenouillé, ce jour-là, dans un geste de révérence, une attitude de prière ; simplement pour désherber. Alors, j'ai trouvé cette tache d'eau mauve, et sans même que j'en reçoive le parfum, qui d'autres fois m'avait fait franchir tant d'années. C'est comme si, un instant de ce printemps, j'avais été changé : empêché de mourir.

Il faut désembuer, désencombrer, par pure amitié, au mieux : par amour. Cela se peut encore, quelquefois. A défaut de rien comprendre, et de pouvoir plus.

A la lumière de novembre, à celle qui fait le moins d'ombre et qu'on franchit sans hésiter, d'un bond de l’œil.

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