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L'Engoulevent

Photo du rédacteur: AnneAnne

Dernière mise à jour : 24 mars 2024



Étymologie :


  • ENGOULEVENT, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1. 1292 nom propre Jehan Engoulevent (Liv. de la Taille de Paris, ap. Géraud, Paris sous Phil. Le Bel ds Gdf.) ; 2. 1640 (Oudin, Curiositez : Un angoulevent, ... un bon avalleur, un bon beuveur, par allusion d'engouler) ; 3. 1783 « oiseau » (Buffon, Hist. naturelle des oiseaux, VI, 512). Composé de la forme verbale engoule (engouler*) et de vent*.


Lire aussi la définition du nom qui permet d'ouvrir certaines pistes symboliques.

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Croyances populaires :

Selon Ignace Mariétan, auteur d'un article intitulé "Légendes et erreurs se rapportant aux animaux" paru dans le Bulletin de la Murithienne, 1940, n°58, pp. 27-62 :


Le nom d'Engoulevent « Caprimulgus » signifie qui trait les Chèvres, allusion sans doute à une très ancienne superstition.

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Symbolisme :


Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


"Chez les populations montagnardes du Sud-Vietnam, l'engoulevent est appelé l'oiseau-forgeron, son cri étant comparé au choc du marteau sur l'enclume. Il est effectivement le patron des forgerons, et forge les haches du tonnerre. La maîtrise dans l'art de la ferronnerie s'obtient en rêvant de l'engoulevent."


 

Selon Ted Andrews, auteur de Le Langage secret des animaux, Pouvoirs magiques et spirituels des créatures des plus petites aux plus grandes (Édition originale, 1993 ; traduction française, Éditions Dervy, 2017), la chouette effraie répond aux caractéristiques suivantes :


Points clés : Eveil au monde des fées - La réussite pour s'accomplir.

Cycle de puissance : Crépuscule - Eté.


L'engoulevent d'Amérique (chordeiles minor) est le plus souvent appelé en anglais nighthawk, c'est-à-dire littéralement « buse - ou faucon - de nuit » (il est aussi désigné en anglais sous le nom de twischer, « bruisseur », mais ce n'est absolument pas une buse. C'est un cousin de l'engoulevent bois-pourri (antrostomus vociferus, en anglais whippoor-will, en écho à son cri). C'est un oiseau au plumage panaché de blanc, de noir et de couleur chamois, reflétant ce carrefour entre la nuit et le jour qu'est le crépuscule.

Le crépuscule est le moment où l'engoulevent est le plus actif. c'est un laps de temps qui a longtemps été associé aux fées, aux elfes et au réveil des esprits. L'engoulevent est un oiseau du temps intermédiaire, de l' « entre-deux », l'heure que l'on dit précisément « entre chien et loup », et on voit souvent ce petit volatile comme le véhicule ou le moyen de transport des créatures du monde des fées.

L'engoulevent appartient à une famille d'oiseaux, les caprimulgidés, ce qui signifie littéralement « suceur de chèvres ». L'origine de ce nom singulier vient d'une très vieille croyance selon laquelle ils auraient tété le lait des chèvres en s'introduisant le soir dans les étables. Cela vient probablement de l'image populaire des elfes et autres lutins malicieux qui se seraient amusés à traire els chèvres et les vaches des fermes proches de leur demeure.

Jadis, quand il n'y avait pas d'explication rationnelle, on attribuait couramment aux elfes et aux fées toutes les infortunes et autres incongruités qui survenaient. Les objets qui disparaissaient, le lait qui tournait ou même qui était volé... tout cela leur était attribué. Dès lors que les engoulevents et les autres « suceurs de lait » d'origine européenne étaient actifs au crépuscule (le temps de pleine activité des elfes et des fées), on croyait qu'ils étaient les véhicules des créatures du monde féerique.

L'engoulevent d'Amérique a un tout petit bec, mais une très grande bouche (1). Il chasse au crépuscule et se nourrit d'insectes qu'il attrape et mange en vol. Comme je l'ai dit, il est très visible et actif au crépuscule et la nuit ce qui est éclairant - le mot est à propos - pour ceux qui l'ont pour totem. Ils vont souvent se retrouver si actifs qu'ils auront l'impression d'être toujours littéralement « en cavale ». Pour ceux qui voient cet oiseau entrer dans leur vie, il est important de faire attention à ces « temps intermédiaires » - aube, crépuscule, minuit, midi... tous ces moments qui ne sont ni d'un côté, ni de l'autre. Ce sont les moments où peuvent se manifester la plus grande inspiration et le plus grand pouvoir. Vous allez alors vous retrouver au maximum de votre efficacité dans toutes vos activités.

A la différence d'autres « suceurs de chèvre » ou « braillards de nuit » (2), l'engoulevent d'Amérique est plus souvent vu qu'entendu. A dire vrai, à l'aune de la faible lumière, beaucoup les voient le soir et la nuit sans véritablement comprendre ce qu'ils ont sous les yeux. Encore une fois, de très nombreuses personnes les perçoivent comme des liens directs avec les fées et les elfes ; ces créatures se trouvant dans leurs parages sans qu'on les remarque.

Si un engoulevent entre dans votre vie, il va vous falloir examiner différents aspects de vos activités et de votre existence. Vous sentez-vous négligé ? Négligez-vous ou n'honorez-vous pas suffisamment des personnes importantes dans votre vie ? Essayez-vous d'attirer l'attention quand vous êtes en train de faire quelque chose alors que vous devriez simplement vous concentrez sur votre tâche , Plus généralement, est-ce que vous-même ou d'autres de votre entourage cherchent à attirer l'attention ? Vous sentez-vous tiraillé sans parvenir à accomplir des choses ? L'engoulevent va vous apprendre à exécuter vos tâches et à bien les faire, juste pour le plaisir de les avoir faites et non pour attirer l'attention de tiers. Il vous montrera que vous n'avez nul besoin de claironner votre propre réussite. Si vous faites les choses bien, les autres s'en chargeront.

L'engoulevent ne construit pas de nid. Il pond ses deux œufs sur le sol nu. C'est en soi une pratique éminemment significative. Il n'a pas besoin de luxe ni d'apparat. Il voit la terre elle-même comme son nid et il active une vie créative. les deux œufs ont aussi un sens symbolique très clair pour ceux qui veulent explorer les correspondances numérologiques.


Note : 1) Ce sur quoi insiste très bien son nom français, « engoulevent », du verbe engouler ( « attraper d'un coup avec la gueule ») et vent.]

2) La famille à laquelle appartient l'engoulevent est aussi appelée en anglais nightjar. Le nom vient du fait que la voix de ces oiseaux ondulerait bruyamment ou vibrerait (jar) la nuit. On pensait souvent que els oiseaux qui avaient un cri étrange ou inquiétant la nuit possédaient des pouvoirs surnaturels ou étaient des liens avec les monde surnaturels.

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Selon Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont S.A.S., 1995, 2019) proposé par Éloïse Mozzani :


En Angleterre, où il est appelé "oiseau des cadavres", ce passereau annonce, en chantant près d'une maison, la mort d'un de ses habitants. Les Français ne semblent pas partager cette croyance tandis que les Américains du Kentuky et du Tennessee font du cri de l'engoulevent un bon présage. Ils croient également que l'entendre pour la première fois de la saison à leur droite porte bonheur, à leur gauche malheur et recommandent si on en voit un de faire un vœu et de se rouler par terre.

Le regard de l'engoulevent a un tel pouvoir, croyait-on au XVIIe siècle en Saintonge, que l'oiseau couvait ses œufs rien qu'avec ses yeux. Ceci est peut-être à rapprocher de la croyance américaine affirmant que les femelles sont aveugles pendant la nidation. On sait en effet que la cécité favorise la connaissance d'un monde de mystères invisibles aux voyants.

Dans les montagnes du Sud-Vietnam, où son cri rapproché du bruit d'un marteau sur une enclume lui vaut d'être le patron des forgerons, "la maîtrise dans l'art de la ferronnerie s'obtient en rêvant de l'engoulevent".

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Dans La Potière jalouse (1985) Claude Lévi-Strauss nous explique que :


"Égoïste, envieux, jaloux, avare, goinfre : au propre ou au figuré, dans les mythes des deux Amériques l'Engoulevent connote l'avidité orale. [...] Poser l'avidité orale comme une catégorie de la pensée mythique invite à se demander si cette catégorie existe en elle-même et par elle-même, si elle forme à soi seule un tout, ou si, en la dégageant des matériaux soumis à l'analyse, on n'a pas isolé une parcelle d'un champ sémantique, un état parmi d'autres d'une transformation. [...]

Oral s'oppose à anal. La psychanalyse nous a rendu cette opposition familière, mais on verra que sous ce rapport, la pensée mythique l'a très largement devancée. L'opposition oral / anal intéresses des orifices corporels. Ceux-ci peuvent être ouverts ou fermés, et selon qu'ils se trouvent dans l'un ou l'autre état ils sont aptes à remplir trois fonctions différentes : fermés, ils retiennent, ; ouverts, ils absorbent ou ils évacuent. D'où un tableau à six commutations : rétention orale, avidité orale, incontinence orale ; et rétention anale, avidité anale, incontinence anale. On ne postulera pas que des mythes existent nécessairement pour meubler toues les cases. Certaines restent peut-être vides, ce qui requerrait une explication. On doit d'abord se demander que les cases sont remplies.

A la suite de l'Engoulevent, des animaux se portent aussitôt candidats. Mais même avant de les faire comparaître, cette façon de poser le problème éclaire l'ambiguïté de l'Engoulevent. Car si cet oiseau connote l'avidité orale, il inverse doublement la rétention anale et doit donc manifester sur le plan anal une certaine forme d'incontinence illustrée le plus souvent pas les pets et, à la limite, par la défécation. Tout un groupe de mythes vérifient cette transformation. A la différence de l'avidité orale qui résulte d'une déduction empirique, l'incontinence anale attribuée à l'Engoulevent résulte d'une déduction transcendantale : enchaînement d'opérations logiques, et non inférences tirées de l'observation. On verra plus loin que les mythes chargent un autre animal, le Singe hurleur, de connoter l'incontinence anale, cette fois par déduction empirique. Pour le moment, c'est sur la rétention anale - qui, dans la table des commutations, est en opposition diamétrale avec l'avidité orale - que nous allons fixer notre attention. L'animal auquel les mythes sud-américains confient la charge de connoter la rétention anales est le Paresseux.

Cette opposition du Paresseux et de l'Engoulevent offre d'emblée un aspect paradoxal. Bien que les genres et le nombre des espèces varie considérablement d'un hémisphère à l'autre, les Engoulevents ont une distribution panaméricaine, régions arctiques exceptées. Comme on l'a aussi vérifié, les mythes où figurent cet oiseau sont remarquablement homogènes d'un bout à l'autre du Nouveau Monde.

[...]

La question est de savoir si, en Amérique du Nord comme en Amérique du Sud, le peuple des nains a un rapport privilégié avec certains animaux, et dans l'affirmative lesquels. [...] Une réponse s'offre immédiatement concernant l'animal par lequel a débuté notre enquête, le seul présent dans les deux hémisphères parmi tous ceux considérés jusqu'ici. Les Mohegan-Pequot, qui sont des Algonkin orientaux, appellent les nains chtoniens maekia'wis, mot dont le sens propre pourrait être "petit garçon" mais qui désigne aussi l'Engoulevent. D'autres loctions relevées chez les Algonkin orientaux assimilent pareillement les engoulevents à des êtres surnaturels de très petite taille : ainsi en mohegan et sur la côte orientale de l'Amérique du Nord depuis les Wanabaki jusqu'aux Delaware, "soulier" ou "Mocassin de l'Engoulevent" pour l'Orchidacée du genre Cypripedium dite en anglais Lady Slipper, en français "Sabot de Vénus" ou "Sabot de la Vierge". La croyance en des nains qui hantent les lacs, la montagne ou la forêt existe chez tous les Algonkin orientaux et aussi chez les Creek, les Cherokee, les Iroquois. J'ai déjà signalé que les Apache identifient les esprits de la montagne à des Engoulevents."

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Michel Boccara, dans un article intitulé "Puhuy, l'amoureux déçu. La mythologie de l'engoulevent en pays maya. Quelques réflexions d'ethnozoologie comparée." (In : Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 38ᵉ année, bulletin n°2, 1996. "Ethnozoologie" pp. 95-109) compare le symbolisme de l'engoulevent au Mexique et au Vietnam. L'ensemble de l'article est à lire car nous ne reproduisons ici que sa conclusion :


Ces quelques exemples sud-américains permettent de préciser le symbolisme de l'engoulevent et d'en tenter la synthèse.

De l'Asie à l'Amérique, l'engoulevent oscille entre la symbolique de la puissance et de l'abondance (forgeron et riziculteur) et celle de la déchéance et de la perte (perte de statut, tromperie, perte du feu, perte de son plumage...). La clef de son symbolisme repose dans ses mœurs crépusculaires qui font de lui un oiseau intermédiaire, mais dont la médiation peut échouer ou réussir.

Soit l'oiseau est adapté aux deux mondes : diurne et nocturne, souterrain et céleste, monde des hommes et monde des dieux. Il est alors le médiateur parfait, le messager des dieux, l'oiseau forgeron, le génie, le faiseur d'âmes (Léger, 1982 : 91), celui qui ouvre et qui ferme la porte des mondes (Lévi-Strauss, 1985 : 63).

Soit il est inadapté aux deux mondes et ses tentatives de médiation échouent totalement (l'épouse délaissée et trompée au Yucatan et en Amérique du Sud) ou partiellement, il a un rôle bienfaiteur mais à ses dépens : on lui vole son beau plumage, il n'est pas capable de conserver le feu.

Cette esquisse d'une ethnozoologie comparée de l'engoulevent aura montré l'intérêt qu'il y a à étudier comment est pensé un même oiseau dans des cultures différentes.

Le cas de l'engoulevent est remarquable puisqu'il est présent sur tous les continents et qu'il présente des caractéristiques qui le font "bon à penser" à défaut d'être bon à manger.

Nous avons vu que les traits sélectionnés par les différentes cultures étudiées (cri perçant et répétitif, yeux rougeoyants, avidité orale...) ne l'étaient pas au hasard mais en fonction d'une structure. Cette structure définit, selon l'expression de Claude Lévi-Strauss, un zoème, lequel va prendre des significations différentes dans chacune des cultures considérées. D'ailleurs, c'est ici qu'intervient l'histoire particulière de chacune de ces sociétés.

Ces zoèmes sont alors utilisés avec d'autres éléments (événements historiques, "botêmes", "technêmes"...) pour composer les récits mythiques.

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Selon Christian Seignobos, auteur d'un article intitulé « L’engoulevent ou l’étrangeté porteuse de malheur (Nord du Cameroun) », (in Revue d’ethnoécologie [En ligne], 1 | 2012) :


Un oiseau de malheur : Ses vols « fantasques », ses mœurs crépusculaires, son habitat improbable et exposé, ses yeux rougeoyants, ses cris plaintifs ou lugubres et ses battements d’ailes précipités lorsqu’il s’envole sous les pas, font de l’engoulevent un oiseau objectivement effrayant.

Au-delà de cette répulsion, l’engoulevent cumule plusieurs anomalies du point de vue de la taxinomie utilisée par les diverses ethnies. Il vole certes, mais il se déplace au sol un peu à la façon d’un reptile et il y dépose ses œufs. Il n’est ni diurne, ni nocturne. Il relève ainsi de ces « espèces ambiguës » disposant de propriétés formelles contradictoires qui en font « des membres imparfaits de leur classe, ou dont la classe défie le schéma général de l’univers » (Douglas 2001 : 74).

D. Léger (1982) reprend, à propos de l’engoulevent d’Asie, la formule de Lévi-Strauss. Cela le « fait “bon à penser” à défaut d’être “bon à manger” ». Et cette réflexion peut s’appliquer aux engoulevents d’Afrique centrale.

Les populations qui connaissent tout de l’engoulevent lui imputent des traits de caractère particuliers, entre déduction empirique et fantasmes. Cet oiseau n’aurait peur de rien et surtout pas de l’homme. Lorsqu’il s’abat au sol « comme un avion Zagwar (cf. base française de N’Djaména) en balançant ses ailes à gauche et à droite avant de se poser, il se place toujours face à l’homme qui vient de le faire partir ». La plupart des groupes du nord du Cameroun voient dans cet oiseau un provocateur : « Il pond ses œufs publiquement, pas même sous les buissons, mais sur le passage des hommes, délibérément, pour pouvoir ensuite les faire souffrir. L’engoulevent voyant ses œufs cassés dit : “ De quoi mes œufs se sont-ils rendus coupables ? ” et il en appelle à Dieu. » Chez les Musgum Kalang, un notable du lamido de Guirvidig signale que « lorsqu’un sujet a piétiné ses œufs, l’engoulevent, de peine et de colère mêlées, se couche contre terre, le ventre tourné vers le ciel. L’acte posé par cet oiseau est le signe qu’il prend Dieu à témoin de son malheur et que le coupable doit être puni ». Les informateurs mofu et giziga soulignent que sa dangerosité tient au fait que ses requêtes accèdent facilement à Dieu, d’où son appellation « d’oiseau-kuli » ou encore « d’oiseau mystique » (rugwa yaw) chez les Lame. Les personnes scolarisées disent, en effet, de lui « qu’il possède une mystique trop forte ».

Son étrangeté va être proportionnelle à la crainte qu’il inspire. Il ne peut être que maléfique. Il sera là pour expliquer l’inexplicable. Seule une chose effrayante en elle-même peut être la cause d’une forme de malheur absolu, qui touche l’homme dans son essentiel : sa propre reproduction. L’engoulevent ferait mourir les enfants à la naissance, et ce, en série. Tous les engoulevents sont accusés des mêmes maux.

À partir du diagnostic des cercles de devins qui mettent en cause l’engoulevent, il existe des parades rituelles, bien rodées, avec d’innombrables variantes et ajustements en fonction des situations. [...]

Selon les ethnies, la dangerosité de l’engoulevent tient à l’oiseau lui-même, que l’on ne doit pas toucher, et parfois au lieu où il se repose, mais surtout à ses œufs que l’on ne doit pas casser.

Aucun villageois qui a été berger dans sa jeunesse ne peut être certain de ne pas avoir détruit des œufs d’engoulevent, ni de ne pas avoir foulé son site de repos. Il est partant susceptible d’en subir les conséquences, quinze à vingt ans plus tard ses enfants peuvent mourir. Ce diagnostic devient imparable en ce qu’il est toujours plausible. Celui-ci une fois posé, le mari doit, sous la pression familiale, engager les mesures rituelles appropriées. Il en va de la santé morale de la communauté et de sa volonté procréatrice. [...]

Les devins, en déterminant la cause de la mort des enfants, ouvrent ainsi le rituel de l’engoulevent. Par la suite, dans certains groupes comme les Giziga et les Mafa, des spécialistes, des forgerons, vont veiller à réaliser et à valider par leurs présences les différentes séquences du rituel. Chez les Mofu, on confie cet accompagnement à ceux qui ont antérieurement subi, pour eux-mêmes, ce rituel.


Culte de l’engoulevent chez les Mofu : J.-F. Vincent (1991 : 38) signale que chez les Mofu « les oiseaux sont peu chassés. Le seul dont on parle souvent est l’engoulevent, pilgawak, qui fait son nid dans le sol et dont on peut écraser les œufs par mégarde. Il occupe une place à part, ayant droit à un culte spécial, très répandu ».

Chez les Mofu, lorsqu’un homme voit son épouse perdre ses enfants par fausse couche ou à la naissance, il consulte un devin (mbidla). La réponse issue de la consultation désigne souvent l’engoulevent comme responsable. Sans doute a-t-il, dans sa jeunesse, piétiné ses œufs ou tué ses petits, volontairement ou non. Aussi, lorsque sa femme se retrouve une nouvelle fois enceinte, le devin va-t-il déterminer un jour afin que le consultant puisse commanditer une chasse à l’engoulevent et préparer, en conséquence, une grande quantité de bière de mil, de « plusieurs cuisines » (i.e. plusieurs femmes).

Cette chasse collective a lieu plutôt pendant la saison sèche et de grand matin. Une centaine de personnes, voire plus, munies de branches de jujubier, vont chercher à capturer un engoulevent. La branche de jujubier qui aura servi à plaquer et à maintenir l’oiseau au sol sera jetée en brousse. Le devin désigne, pour se saisir de l’oiseau, quelqu’un qui a dû opérer le sacrifice (kuli) de l’engoulevent et qui, dès lors, apparaît comme le desservant du « culte». Après la prise de l’oiseau, il sera conduit à la maison du couple qui reste cloîtré et nu dans une case. La nudité est chez les Mofu une façon de se présenter pour accomplir un sacrifice. Le desservant est raccompagné porté sur les épaules, avec un chant au rythme syncopé rappelant le vol de l’oiseau : « awa wan, awa wan, awa wan » et des cris de joie comme ceux que l’on pousse au retour d’une bataille victorieuse.

L’oiseau est enfermé vivant dans une calebasse à couvercle dans laquelle la femme transporte ses poulets sur les champs. L’engoulevent doit, dans cette calebasse, être le premier à « goûter » la bière. La bière qu’il a touchée sera répartie dans les différentes jarres avant d’être bue par tous les participants à la chasse.

L’oiseau sera plumé vivant et ses plumes entièrement conservées dans cette calebasse. Le desservant étrangle alors l’oiseau « car le couteau ne peut passer sur lui ». Comme pour l’exécution d’un homme, on prend soin de ne pas verser son sang. La cuisine rituelle concernant l’engoulevent n’appartient à aucun autre registre sacrificiel. Pour les Mofu, il ne s’agit pas d’un simple aliment sacrificiel. Le couple doit consommer entièrement l’oiseau, y compris ses os, broyés, afin de se « l’approprier ». Le vent ne doit rien disperser. On disposera les plumes sous le grenier de l’homme, qui sert également d’autel familial. Le devin peut parfois réclamer une part des plumes et la tête de l’oiseau qui entreront dans la composition de médications.

Lorsque la femme accouchera, celui qui a capturé l’engoulevent mettra à tremper ses plumes dans l’eau, dont il fera boire quelques gouttes à l’enfant. Il reviendra ensuite raser la tête du nouveau-né et placera les cheveux dans la même calebasse que les plumes. Le rituel prend fin avec l’arrivée au monde de l’enfant suivant de la même femme. Plus tard, lorsque le garçon préparera le mazgla (initiation), ou quand la fille partira en mariage, le desservant du culte, qui les a rasés, recevra des dons en bière et une chèvre. Cette rémunération porte un nom : wawa ma ar ma n’diying « enfant pour tête de l’oiseau ».

Selon la gravité de « l’attaque » de l’engoulevent, le devin peut prescrire des rituels plus concis. Il désigne toujours un officiant qui a déjà sacrifié à pelgawak et a conservé une gourde à plumes de l’engoulevent. Ce dernier prend alors quelques plumes, les trempe dans une calebasse d’eau, qu’il fera boire à la femme enceinte ayant précédemment perdu plusieurs enfants. Il rasera la tête de la mère et celle de l’enfant à la naissance.

Le devin peut également déléguer les soins à une famille du clan Dalgamba, qui a hérité les « pierres de pelgawak », trouvées dans un « nid » d’engoulevent. Mamas Abdley se présente, à Douvangar, comme le maître du kuli de la « tête de l’oiseau » (ar ma n’diying). Il fait tourner un engoulevent capturé par ses soins au-dessus des pierres (la chasse collective n’a donc pas lieu). Les pierres sont ensuite immergées dans de l’eau, que l’on donnera à un très jeune enfant. La fabrication de la bière de mil, socle de toute manifestation socio-religieuse, est maintenue, ainsi que le rasage de la tête de l’enfant, sans oublier le mode de rétribution du praticien.


Exemple des Giziga Bwi Marva, une autre version du culte : Lorsque dans sa jeunesse, Amani Douboula gardait les chèvres à Kossewa, il a ramassé les œufs d’un engoulevent (maku’ba ku’ba zlara) et, sans les avoir identifiés, les a consommés. Adulte et marié, il a perdu successivement quatre enfants. Sa belle-famille l’accuse d’être responsable et menace de reprendre leur fille pour la donner à un autre homme. Après une séance chez le devin, le résultat se révèle positif : c’est pour avoir provoqué l’engoulevent que les enfants meurent dans son foyer. Un forgeron (gudi) est désigné par le devin pour faire le sacrifice de l’engoulevent. Une chasse collective est programmée. La chasse se déroule sur les zones qu’affectionne l’engoulevent : les sols halomorphes stériles (papala). On frappe les buissons pour inciter l’oiseau à sortir et on le poursuit avec des branches d’épineux. Une fois l’oiseau immobilisé, seul le forgeron peut s’en saisir. Après ce geste, il rapportera l’oiseau au village, porté sur les épaules du mari qui lui fait faire trois fois le tour de sa concession, sous les acclamations des participants.

Pendant que la foule des chasseurs de l’engoulevent, hommes et femmes, boivent la bière qui leur est destinée, le forgeron s’isole avec le couple dans une case où « il va travailler sur cet oiseau ». Il fait tourner l’oiseau autour de la tête de l’homme et de la femme en criant : « Engoulevent, sors, laisse-les !» Il sacrifie l’oiseau, puis va broyer les ongles et le bec mêlés avec ses matay (Cissus quadrangularis et certains géophytes). Il en confectionne un gri-gri enveloppé dans du cuir. Le reste de l’oiseau sera jeté dans le trou d’une termitière. La femme devra porter ce phylactère15 jusqu’à son accouchement et l’attachera ensuite au cou ou autour des reins de l’enfant. Après la naissance, le devin viendra donner le nom de l’oiseau au nouveau-né : maku’ba, clôturant ainsi le rituel.

Quant à la signification du forgeron hissé sur les épaules du mari, il s’agit d’honorer à la fois le forgeron qui prend le risque de traiter avec l’oiseau et l’engoulevent lui-même. Toutefois, ce rituel inverse les pratiques habituelles. Chez les Giziga entre Maroua et la région de Gudur, les forgerons sont fossoyeurs et ce sont eux qui transportent sur leurs épaules le cadavre depuis la maison jusqu’à la sépulture. L’homme, en accord avec sa communauté, accepte cette inversion afin d’assurer sa descendance. On ne mange ni ne boit avec un forgeron, mais là encore, le couple va partager le repas sacrificiel avec le forgeron, dans le même plat, et isolés dans la même case.

Comme chez les Mofu, il existe un rituel complet, une forme contractée, mais aussi l’intervention de pseudo-spécialistes. Le devin Aludew, du village de Djebbe Gadaba, possède dans ce domaine une réputation incontestable qui couvre toute la région de Maroua. Il a hérité de ses parents le pouvoir de traiter les maux provoqués par l’engoulevent.

Avec lui, la traque de l’engoulevent ne sera que fictive. Cette opération aura l’avantage de ne pas devoir programmer plusieurs fois de suite une chasse si l’on revient bredouille. Aludew opère à partir de ses réserves de « médicaments » (matay) et, dans son arsenal médical, il intègre les ossements et les plumes de l’engoulevent à balanciers réputé le plus dangereux. Le jour où il décide d’officier, la famille des « patients » brasse de la bière de mil pour régaler les voisins et le cercle de « conseillers » du devin.

Aludew va porter dans un sac suspendu à son cou les restes d’un engoulevent et, accompagné des participants, ils vont ensemble mimer la chasse. On crie : « Il est là, il est par ici, arrêtez-le ! » Tout le monde court derrière le devin, qui devient engoulevent. Il mime le vol planant de l’oiseau, tombe brutalement à terre, repart, renouvelant maintes fois le manège, toujours poursuivi par les « chasseurs ».

Puis il s’écrie enfin : « Le voilà, je l’ai arrêté » et il brandit son sac. Un homme vient alors le porter, « afin que ses pieds ne touchent plus le sol », jusqu’à la demeure de la famille qu’il doit traiter. Là, il sacrifie un coq, puis fabrique un talisman avec les os et les plumes de l’engoulevent maintenus par des fils issus d’un cotonnier traditionnel. Ce phylactère sera ensuite transmis de la mère à l’enfant. Après la naissance, une courte cérémonie aura lieu pour l’imposition du nom. Devenu homonyme de l’engoulevent, le nom, maku’ba, non seulement protégera l’enfant, mais lui transmettra une partie de la dangerosité prêtée à l’oiseau.


Adaptation du culte par les Mafa : Des rituels très voisins de ceux des Mofu se retrouvent dans l’ensemble des monts Mandara septentrionaux. Chez les Mafa, l’ethnie la plus importante, le rituel sur l’engoulevent endosse ceux de leur système social et religieux, ce qui ne leur est pas propre, mais semble plus radical chez eux. 38 L’engoulevent (n’diyak ngwazay) constitue un interdit pour la femme enceinte. Sortir le soir l’exposerait car elle risquerait de croiser le vol d’un engoulevent ou de fouler l’endroit où l’oiseau vient de se poser, ce qui provoquerait un avortement. Lorsqu’une femme perd ses enfants, elle se rend, avec son mari, chez un devin qui « travaille » avec des crabes d’eau douce ou par le biais de la spirale divinatrice de cailloux. Une fois le diagnostic posé, le devin envoie le couple chez un forgeron (ngwazla) autre que celui attaché à leur clan, ces derniers étant leurs fossoyeurs obligés. Seuls les forgerons d’un autre clan sont habilités à soigner les maux de n’diyak gwazay. Ils sont aussi les seuls à pouvoir tuer cet oiseau.

La femme fabriquera une petite poterie sacrificielle. Le forgeron prendra le poulet offert par la femme et des feuilles de Vitex doniana (zgad) pour en frapper la poterie et, comme le rapporte notre informateur Rhekang Sakon : « Le forgeron parle, parle, menace et, à un moment, il s’écrie : « J’ai capturé l’oiseau. » Il conduit ensuite l’impétrante au beau milieu d’un chemin et lui administre une potion de Cissus quadrangularis (madzaf), pilé avec des os et des plumes d’engoulevent que le forgeron conservait par devers lui. Il confectionnera également un talisman conservé dans une gaine de fer qu’il attachera au cou de la femme. Au moment de la naissance, ce même forgeron viendra imposer à l’enfant un nom de protection comme Dzavay, Arkan ou encore Surey.


Musgum, Gidar et Tupuri : Chez les Musgum Kalang (à Guirvidig), l’oiseau exprime toujours la même dangerosité à l’encontre des enfants lorsque ses œufs ont été détruits. On pratique une chasse collective à l’engoulevent avec la seule participation de jeunes gens. L’oiseau capturé est enfermé dans une calebasse avant la naissance de l’enfant, on le colore avec du charbon de bois et on le libère au moment de l’imposition du nom : Aslebe « engoulevent ». Ici encore s’exprime explicitement une substitution, l’enfant devient engoulevent. Dans cette société récemment islamisée, les responsables de ce « culte », âgés, n’assurent plus qu’un service rituel minimum.

Sur les rives du Logone, lorsqu’une femme perd ses enfants, chez les Musgum Mpasay, au Tchad comme au Cameroun, le devin (huti), qui a été également forgeron dans le passé, est consulté. Si l’engoulevent est tenu pour responsable, dans le cas d’une nouvelle grossesse, la famille brassera de la bière de mil pour convoquer des jeunes du village pour une chasse à l’oiseau. Le mari apporte à sa femme un engoulevent vivant, de l’ocre prélevé dans les berges du Logone et du charbon de bois. La femme va alors minutieusement recolorer l’oiseau de points rouge et noir afin de l’honorer. Elle partira ensuite en brousse pour lui rendre la liberté. L’enfant qui naîtra portera le nom de Adlibe, nom – généralement orthographié Azibe – que l’on retrouve souvent chez de nombreux adultes. Chez les Musgum Mpasay, aujourd’hui musulmans et, pour une minorité, protestants, le rituel touchant à l’engoulevent se serait éteint à la fin des années 1980.

Chez les Gidar, l’engoulevent (poplogaw) demeure dangereux, tout comme pour les Tupuri, Mundang, Daba et Fali. Il est toujours mis en cause dans les cas de stérilité, de fausse couche, de morts d’enfants répétées. Le questionnement lors de l’interrogatoire de la spirale divinatrice le prend en compte : « A-t-on touché aux plumes de l’oiseau ? mort ou vif ? a-t-on cassé ses œufs ? »

Le danger provient, ici encore, des œufs. Il est licite, en revanche, de dénicher les petits et de les donner à consommer à des personnes âgées ne pouvant plus procréer (chez les Gidar) ou à tout le monde (chez les Mundang et Tupuri). Tous les oisillons ouvrent grand leur bec pour recevoir leur nourriture, mais l’ouverture paraît démesurée chez l’engoulevent. Les Gidar font alors dire à l’engoulevent : « L’homme qui a pris mes oisillons s’est-il sans doute senti insulté par eux » et de rajouter : « L’œuf est innocent, mais déjà le petit s’exprime et sa bouche peut le condamner. » Cette remarque alimente des proverbes sur la responsabilité des enfants capables de faire le bien ou le mal chez les Masa, Tupuri, Mundang, Lame.

S. Zoccarato (1992 : 11) signale, à partir de l’exemple de l’engoulevent : « À propos de cette différence entre l’œuf et le poussin, les Toupouri pensent que l’oiseau lebre est protégé par une puissance et que l’homme peut attraper ses petits, mais non casser ses œufs » sans engendrer des malheurs.

Chez ces populations, les chasses collectives ne sont pas organisées, des bergers ou des chasseurs rapportent de brousse des restes d’engoulevent. Certains devins les brûlent, les réduisent en poudre et font boire à leurs patients des breuvages complexes. Les Tupuri sacrifient un poussin (vif ou préparé) sur un site à engoulevent afin de protéger l’enfant à naître. L’enfant portera alors le nom d’engoulevent Lebre, ou Lebrebele (nom d’initiation) pour un garçon, ou May Lebre pour une fille.

Chez les Gizey, le devin (grey) peut également diagnostiquer que le malheur vient de la brousse, le père ou la mère ayant piétiné un œuf de valval. Comme pour les Wiina voisins, la famille doit pratiquer un sacrifice mineur par le biais d’un petit criquet : ‘bar da reyna « criquet des sorciers », [Hamphi proscopia ( ?)]. Le père va le déposer en brousse sur un éclat de calebasse en s’adressant à l’engoulevent : « Voilà le prix pour laisser mon enfant. » Par la suite, ici encore, on nommera l’enfant « Engoulevent ».

Lire la suite :




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Mythologie :


Dans l'article intitulé "L'analyse structurale des mythes" qui ouvre Des symboles et leurs doubles (Éditions Plon, 1989), Jean Guiart revient sur quelques mythes étudiés par Claude Lévi-Strauss :


Prenant toute l'Amérique comme domaine et en démontrant l'unité, Claude Lévi-Strauss met en évidence un certain nombre de relations privilégiées. Entre un animal céleste, l'Engoulevent et des animaux terrestres, le Paresseux et sa variante combinatoire le Fourmilier. Le premier, animal envieux, jaloux, qui cachait le feu dans son bec avant qu'on ne le lui prenne, est en conflit avec le Rocher, qu'il fait éclater, puis bombarde ses adversaires avec les éclats qui deviennent de feu, phénomène météorique reconnu. Ses plumes constituaient, de ce fait peut-être, la coiffure de l'Inca.

"Aux dires des Arawak, les Engoulevents proviennent de la cervelle éparpillée d'un esprit surnaturel dont un Indien né malin a réussi à briser le crâne. En Amérique du Nord, les Pawnees font remonter l'origine des météores... à la mort d'un Indien tué par des ennemis et dévoré par les bêtes sauvages. Les dieux ordonnèrent aux animaux de reconstituer le corps, mais ils ne purent retrouver la cervelle qu'on remplaça par du duvet. Cet homme, ressuscité, devint le chef du peuple des météores. "

À des milliers de kilomètres de distance, une cervelle éparpillée donne donc naissance ici aux météores, là aux engoulevents, eux-mêmes en relation avec les météores, et la boucle est bouclée, en particulier par du duvet d'oiseau dans le crâne...

Pour les Ashuars, la Lune était mariée à une femme Engoulevent, qui ne cessait de s'empiffrer en cachette de courges mûres, ne laissant que les vertes à son mari. Il surprit la gloutonne et l'abandonna, montant au ciel par le moyen de la liane qui existait alors et qu'il fit couper derrière lui par l'Écureuil. Surprise de se voir la route ainsi coupée, l'épouse Engoulevent se mit à déféquer au hasard et chacun de ses excréments se transforma en un gisement d'argile à poterie.

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Voir l'article de Michel Boccara, précédemment cité, en particulier l'annexe n°1.




Littérature :


1939

Par la bouche de l'engoulevent


Enfants qui cribliez d'olives le soleil enfoncé dans le bois de la mer, enfants, ô frondes de froment, de vous l'étranger se détourne, se détourne de votre sang martyrisé, se détourne de cette eau trop pure, enfants aux yeux de limon, enfants qui faisiez chanter le sel à votre oreille, comment se résoudre à ne plus s'éblouir de votre amitié ? Le ciel dont vous disiez le duvet, la Femme dont vous trahissiez le désir, la foudre les a glacés.

Châtiments ! Châtiments !


René Char, "L'Avant-Monde", Seuls demeurent, 1945.

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