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Le Thuya



Étymologie :


  • THUYA, subst. masc.

Étymol. et Hist. 1553 thuia (P. Belon, Obs. de plus. singul., I, 16 ds Gdf. Compl.). Mot gr. θ υ ι ́ α, aussi θ υ ́ α (transcrit en lat. thya), propr. « bois parfumé », de θ υ ́ ω « offrir en sacrifice aux dieux par combustion ».


Définition à lire pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Thuja occidentalis ; Anneda ; Arbre de la Vie ; Arbre de Paix ; Arbre de Paradis ; Cèdre blanc ; Cèdre du Canada ; Thuyer ;

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Botanique :

BP-Annedda
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On notera dans le document suivant que l'assimilation de l'Anneda des Amérindiens au thuya est discutable mais qu'elle a fait son nid dans l'imaginaire.

 

Selon Sylvie Verbois, auteure de Les arbres guérisseurs : Leurs symboles, leurs propriétés et leurs bienfaits (Éditions Eyrolles, 2018) :


Famille : Cupressacae (Pinacée)


Parties utilisées : rameau, huile essentielle, graine.


Principes actifs : quercitroside, hététrosides, apigénine, quercétine, myricétine, biflavonoïde (cupressuflavone), glucosides, tanins.


Graines : huile, acides gras, sitostérol, cédrol, diterpénoïdes (pinusolide).


Huile essentielle : monoterpène (limonène, sabinène : jusqu'à 35%), sesquitermène, monoterpénols, sesquiterpénols, esters, monoterpénones (fenchone : 14%, camphre et thuyone : jusqu'à 60%).

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Bienfaits thérapeutiques et spirituels :


Dans "Ethnobotanique abénakise". (In : Archives du Folklore, 1947, vol. 11, pp. 145-182), Jacques Rousseau rapporte les usages suivants :


THUJA OCCIDENTALIS. (Thuya, thuyer ou, populairement, cèdre), malan'dak. (D'après Laurent, môlôdagw ; d'après Masta, moIodakw}. Feuillage employé « pour les enflures » ; « on greinde et on fait des cirouennes avec des affaires que ça haie ». C'est-à-dire : on réduit en poudre et on fait des cataplasmes (ou ciroènes) en y incorporant d'autres produits qui attirent le mal. Lorsque Paquette vivait aux Etats-Unis, en plus de « professer la médecine », il fabriquait pour le commerce des oreillers de sapin (Abies balsamea) ou de cèdre. Les aiguilles de sapin ou les petits rameaux de cèdre servaient au rembourrage. « Ces oreillers sont bons pour la santé, mais ceux du cèdre sont meilleurs. »

La fabrication de ces oreillers de sapin (fir pillows) ne me semble pas un usage répandu au Canada. Je ne l'ai pas encore rencontré. Par contre, dans le nord de la Nouvelle-Angleterre, il est général.

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Sylvie Verbois, auteure de Les arbres guérisseurs : Leurs symboles, leurs propriétés et leurs bienfaits (Éditions Eyrolles, 2018) nous transmet les propriétés du thuya :


Lieux d'action : reins, vessie, rate / pancréas, estomac, foie, vésicule biliaire, poumon, gros intestin, cœur, intestin grêle.

Graines : reins, vessie, rate / pancréas, estomac, foie, vésicule biliaire, cœur, intestin grêle.


Action thérapeutique : Porteur des 5 éléments, le thuya agit sur l'ensemble de la corporéité, c'est-à-dire l'ensemble des corps, dont le corps biophysique, énergétique, émotionnel, ainsi que le corps interne (organique), en modérant les pulsions intérieures et en pacifiant la sphère émotionnelle. Il rassure et « amadoue » en soulageant des montées d'angoisse irraisonnée.

Tranquillisant, il calme l'esprit, décontracte les crispations internes et nourrit le cœur. Il favorise le transit au sens large du terme (transit physiologique mais aussi psychique) car il allège les pensées morbides venant ralentir le processus naturel d'élimination. Il humecte les intestins déshydratés par sécheresse interne et sécheresse du cœur. Il tempère l'agitation nerveuse accompagnée de transpiration subite produisant des réveils nocturnes. Il est également recommandé lors d'insomnie due à la tension nerveuse provenant d'idées fixes persistantes, lorsque l'être fait preuve d'une grande sensibilité émotive avec palpitations, vivant dans l'inquiétude constante, se faisant du souci à propos de tout et ne parvenant pas à aller se coucher (tourne en rond, va et vient).

Le thuya rassérène le psychisme, remonte l'énergie et pacifie l'être, l'aidant à regagner un sommeil facile sans peur de l'endormissement.

Négativante, au sens où elle apporte des électrons, son huile essentielle est anti-infectieuse, elle décongestionne les encombrements survenant dans la sphère respiratoire et facilite l'expectoration. Elle apaise et réconforte en apportant quiétude et détente. Elle atténue les craintes et les angoisses d'origine nerveuse.

Antifongique et antiseptique, elle assainit en détruisant les germes de toute origine.

Anti-inflammatoire, elle atténue le trop-plein de feu intérieur et décontracte les tensions musculaires.

Cicatrisante, elle soigne les blessures externes et les brûlures.

Toutefois, elle est à éviter par voie orale en raison de son action neurotoxique et abortive.

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Krystine Saint-Laurent, dans un article intitulé "Les carnets des Augustines." (magazine Mieux-être, avril 2016, pp. 52-54) nous rappelle cet épisode de la conquête de l'Amérique :


Nous sommes tous plus ou moins familiers avec l’histoire de Jacques Cartier, qui coincé dans son navire avec son équipage (110 hommes) dans les glaces du fleuve Saint-Laurent pendant plusieurs semaines, assistait impuissant à la souffrance et au décès d’une grande majorité de son équipage. Tentant le tout pour le tout, Cartier demanda au chef amérindien le remède qu’ils utilisaient pour guérir ce mal qui allait éventuellement être identifié comme le scorbut. Le chef apporta une écorce d’arbre puis donna la recette de décoction et la façon de l’utiliser. Six jours plus tard, ceux qui étaient atteints étaient en bonne voie de guérison. Après plusieurs théories et débats autour de l’identité de cette plante, l’histoire nous apprend aujourd’hui qu’il s’agit de l’écorce d’Anneda, l’arbre de vie, le thuya occidentalis ou cèdre blanc dont les feuilles contiennent 45 mg d’acide ascorbique (vitamine C) par 100 g qui a sauvé le reste de l’équipage.

 

Johanne Fontaine dans un article intitulé "Les fumigations" ( paru dans la revue Horaire des Fêtes, 2009, p. 22) récapitule les bienfaits du thuya en fumigation :


Tous les peuples amérindiens font brûler des plantes en guise d'encens pour purifier un lieu, un objet ou une personne. C'est une pratique sacrée qui est faite avant les prières, les cérémonies, les réunions, les rencontres et les rituels. On s'en sert aussi pour purifier une nouvelle habitation avant d'emménager, ou dans un endroit où il y a eu de la maladie, un vol, des émotions lourdes...

[...]

Thuya (Thuya occidentalis) : il est utilisé pour ses propriétés purificatrices, protectrices et guérisseuses. Il sert à appeler les énergies positives. Il représente l'équilibre entre l'aspect féminin et masculin. Quand ces deux aspects sont en harmonie, la paix peut régner. D'ailleurs, on l'appelle l'arbre de la paix. C'est un arbre très commun au Canada.

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Symbolisme :


Dans son Traité du langage symbolique, emblématique et religieux des Fleurs (Paris, 1855), l'abbé Casimir Magnat propose une version catholique des équivalences symboliques entre plantes et sentiments :


THUYA - VIEILLESSE. -

La vieillesse est une couronne d'honneur lorsqu'elle se trouve dans les voies de la justice. Levez-vous devant celui qui a les cheveux blancs ; honorez la face du vieillard.

Job XII, 12. XVI, 31.

I.

Songez, mes chers enfants, qu'il faut que la jeunesse

Respecte les vieillards, écoute leurs discours,

Demande leurs conseils, leur donne des secours,

Et par ses soins constants soutienne leur faiblesse .


II.

Aux conseils des vieillards accordez confiance ;

Des choses de ce monde ils ont l'expérience ;

Loin de vous en moquer, écoutez leurs avis,

Vous vous trouverez bien de les avoir suivis.


III.

Il n'est plus qu'un plaisir pour la pauvre vieillesse,

C'est celui de conter et de conter sans cesse.

Elle a beau, mes enfants, cent fois se répéter,

On doit avec plaisir paraître l'écouter.


RÉFLEXIONS.

Les vieillards aiment à donner de bons préceptes pour se consoler de n'être plus en état de donner de mauvais exemples.

(LA ROCHEFOUCAULT.)


On ne recueille dans un âge avancé que ce qu'on a semé les premières années de sa vie ; vous semez dans la corruption, dit l'Apôtre, vous moissonnerez dans la corruption.

(MASSILLON, Avent.)

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Selon Édouard Chavannes, auteur de Le dieu du sol dans la Chine antique, Appendice au T’ai chan, (Éditions Ernest LEROUX, Paris, 1910, pages 437 à 526) :


Un fragment, qui appartenait au cycle des documents historiques d’où est sorti le Chouking et qui nous a été conservé par une citation du Po hou t’ong, précise la distribution géographique des arbres jouant le rôle de dieu du sol :

« Le grand dieu du sol était un pin ; les dieux du sol de l’Est étaient des thuyas ; les dieux du sol du Sud étaient des catalpas ; les dieux du sol de l’Ouest étaient des châtaigniers ; les dieux du sol du Nord étaient des acacias.


Un passage du Louen yu paraît signifier que, sous les p.468 Hia, le grand dieu du sol était un pin ; sous les Yin, un thuya ; sous les Tcheou, un châtaignier (1) . Mais cette interprétation du texte est controversée.


Note : 1) Louen yu, chap. III, § 21 (C.C., vol. I, p.26) :

« Le duc Ngai interrogea Tsai-wo au sujet des dieux du sol. Tsai-wo répondit : « Sous les princes de la dynastie Hia, on se servait d’un pin ; sous les Yin, on se servait d’un thuya ; sous les Tcheou, on se servait d’un châtaignier, car le nom de cet arbre (li) rappelait que le dieu du sol frappait les hommes de crainte (li).

La réponse de Tsai-wo ne dit point clairement quel rôle il attribuait à ces arbres dans le culte du dieu du sol ; on peut donc soutenir deux opinions différentes : la première, qui est celle de Lieou Fang, et qui est à mon avis la bonne, consiste à dire que le pin, le thuya et le châtaignier étaient les arbres qu’on plantait respectivement sous les Hia, les Yin et les Tcheou dans les endroits où était le grand dieu du sol. La seconde opinion, qui est celle à laquelle paraît s’être arrêtée la critique moderne, soutient que ces arbres étaient ceux dont on prenait le bois pour faire la tablette du dieu du sol ; cette théorie me semble devoir être rejetée parce que, comme vous le verrons plus loin, il y a tout lieu de croire que, dès l’antiquité, la tablette du dieu du sol était faite en pierre, et non en bois.

 

Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, auteurs du Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) reprennent cette information :


"Le thuya était, dans la Chine antique, l'arbre de l'Est et du printemps. Aussi devait-il être planté sur l'autel du Sud établi à l'Orient.

En outre, comme tous les conifères, le thuya était un symbole d'immortalité (pin) ; sa résine et ses graines étaient consommées par les Immortels."

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Pour moi le thuya restera toujours associé à l'enfance et aux vacances : le nom de l'arbre me paraissait tout à fait exotique car la première fois que je l'ai entendu (au moins dans mon souvenir) c'est de la bouche de ma grand-mère paternelle et elle n'arrivait pas très bien à le prononcer. Du moins entendais-je un flottement entre le U et le I qui rendait déjà l'arbre énigmatique.

Dans le jardin de ma grand-mère il y avait donc trois thuyas qu'elle avait laissé pousser sans les faire tailler. Du haut de mes quatre ou cinq ans, c'était trois géants qui permettaient de se glisser dans l'espace qui les séparait pour se caler dans cette espèce de petite clairière cachée aux yeux de tous.

C'est là que j'y retrouvais ma tante Alice, la bien-nommée, afin de prendre notre bain quotidien de rosée (en tant que roses, bien évidemment ! Même si je ne parviens plus à savoir qui d'elle ou de moi était la rose rouge ou la rose jaune...) en la cueillant au bout des branches de l'arbre et c'est là que nous discutions de nos affaires de roses avec grand sérieux...

Le thuya est donc pour moi l'arbre de l'enchantement dans le quotidien, de la féérie naturelle qui s'invite par les yeux de l'enfance mais aussi l'arbre de la lignée des femmes bafouées.


Et il est étrange de constater que, des années plus tard, c'est en bois de thuya que je confectionnerai mon premier attrape-rêves (avec Michael Redthunder)...

Anne.

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Jean-Yves Durand dans un article intitulé "Entre « paisibles jardins » et « patrimoine culturel ». Les cimetières familiaux des protestants du Diois. (Terrain. Anthropologie & sciences humaines, 1993, n°20, p. 119-134) englobe la symbolique du thuya dans celle plus générale des conifères :


[...] Si le cyprès n'est donc en pratique pas forcément associé aux tombes, c'est bien lui (dont le nom désigne aussi abusivement if, thuya et même cèdre) qui est l'emblème des plantations funéraires, à tel point que le propriétaire d'un cimetière surmonté d'un arbre au feuillage ample semblera presque regretter de ne pas voir à sa place un fluet conifère correspondant au modèle établi. L'association cyprès-tombe est si forte dans les représentations qu'un travail scolaire parle ainsi des cimetières du village ayant « généralement » un cyprès en leur centre (Bibliothèque de Travail 1966) ; vérification faite et sans que vingt-cinq années aient pu suffire à faire disparaître tant de grands arbres, il semblerait tout aussi juste de dire « rarement ». La force de cette association peut procéder d'un désir de décalque du modèle – réel ou imaginaire – des cimetières des Cévennes, région perçue comme le cœur de l'identité huguenote (Pelen 1979 : 263-265). Mais il est peu probable, pour des raisons de discrétion, qu'au temps des persécutions on marquait les tombes par un arbre qui fut associé dans le monde méditerranéen dès l'Antiquité à la symbolique funèbre (Chevalier et Gheerbrandt 1982 : 334). Cette association a pu venir de la résine imputrescible et du feuillage persistant de l'arbre, ainsi que de sa silhouette évoquant une flamme, vue comme un trait d'union entre ce monde et le ciel, voire image du Saint-Esprit. Il s'agit donc d'une pratique sans exclusivité protestante, qui n'a pas fait d'entrée massive au cimetière avant la fin du XVIIIe siècle (Vovelle et Bertrand 1983 : 43). Dans l'esprit des propriétaires de cimetières, en revanche, cette coutume est inscrite dans un passé intemporel – « il en a toujours été ainsi » – qui dépasse la chronologie vérifiable de la tradition huguenote fondée par la Réforme et les persécutions.

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Selon Jean Yves Henry, auteur d'un article intitulé "Thuya occidentalis", édité sur le site Médecine intégrée, l'essence spagyrique de Thuya est associée aux éléments suivants :


THUJA OCCIDENTALIS.

Essence spagyrique : Arbre de vie, fait remonter les énergies comme la sève monte dans l’arbre. Nous fortifie, nous aide à nous redresser et fait circuler l’énergie vitale de notre Kundalini afin de dissoudre les nodules résultant de problématiques non intégrées. Lumière dans le découragement, lorsqu’on pense au suicide. Nous apporte courage et force lorsque les difficultés de la vie nous empêchent de nous réaliser pleinement. Purification des énergies négatives, nettoyage, nous libère du doute dans les situations de crises existentielles, aide à se reconnecter à l’enfant intérieur. Echange, partage, sexualité, amour.

Association avec Arnica m. et Lycopodiumc c. : facilite la progression, nivelle le chemin, donne la force d’aller jusqu’au bout quoi qu’il en coûte « Mieux vaut tard que jamais » .

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Dans un rapport intitulé "Approche ethnologique des pratiques et représentations de la nature et de l’environnement dans les Mauges" (Rapport de recherche, 2005, ffhalshs-00009341f) Marie Percot et Anne-Elène Delavigne montrent l'évolution des représentations associées au thuya de mon enfance :


[...] Il est à noter que dans les nouveaux lotissements, la « végétalisation » est prévue : la norme étant aujourd’hui que le lotisseur impose un cahier des charges prévoyant jusqu’aux espèces de la clôture végétale (le plus souvent ici des haies « florifères » qui sont parfois doublée sur l’intérieur de la propriété d’une haie dont la fonction de paravent soit plus efficace, telle une plantation de thuyas).

[...]

Cette phrase d’un agriculteur retraité marque bien le passage au jardinage de décoration : « [...] . En 76, j’avais une belle haie de thuyas dont ma mère était fière : une allée de château. Je l’ai arraché depuis pour mettre des arbustes florissants, une haie florifère. Tout le monde a fait ce parcours. Ceux de ma génération ont déjà changé tous leurs arbres pour la retraite ». Un technicien dans la cinquantaine précise aussi : « Il y a de plus en plus de gens qui sortent du thuya pour planter diverses espèces ».

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Aoulad Tahar Mohamed auteur d'un article intitulé "L'hellénisme dans le royaume numide au IIe siècle av. J. C." (In : Antiquités africaines, 40-41, 2004. pp. 29-41) précise quel usage était fait du thuya :


À l'époque de Massinissa (203-148), la thèse d'une relation commerciale entre la Numidie et Rhodes est fondée essentiellement sur un passage de la Souda signalé pour la première fois par S. Gsell dans son Histoire ancienne de l'Afrique du Nord. [...]

Selon la Souda, « Les Rhodiens recevaient une contribution des rois. Massanas leur a envoyé 30 talents d'ivoire et 50 talents de thuya pour la fabrication des statues divines qu'ils avaient votée de fabriquer ». Le passage de la Souda dit explicitement que le thuya et l'ivoire étaient destinés à « la fabrication des statues divines » votée par les Rhodiens. Un tel usage du thuya est attesté par diverses sources. Tout d'abord Théophraste qui écrit que « le thyon (θύον), autrement dit le thuya, croît aux abords du sanctuaire d'Ammon et sur le territoire de Cyrène ; il a l'aspect d'un cyprès pour les rameaux, les feuilles, le tronc et le fruit, mais c'est plutôt comme un cyprès sauvage ; il abondait en particulier sur le site actuel de la ville et on se rappelle encore que dans l'ancien temps certaines toitures en étaient faites. Le bois en général est imputrescible mais la partie la plus madrée est la racine, dont on fait les ouvrages les plus soignés. On sculpte les statues offertes aux dieux dans les bois suivants genévrier, cyprès, jujubier, buis, et aussi, pour les plus petites, dans les racines d'olivier, car celles-ci ne se fendent pas et sont en quelque sorte régulièrement charnues ». Selon Théophraste, le thuya ressemble à un cyprès sauvage et il est permis de penser que, par les ouvrages les plus soignés, Théophraste entend des statues. Quant à Pline l'Ancien, après avoir montré l'usage que l'on faisait de ce bois pour fabriquer des objets de luxe comme les tables qui pouvaient atteindre un prix d'un million trois cent mille sesterces, il estime que « le citre ressemble, par son feuillage, son odeur et son tronc, au cyprès femelle et même au cyprès sauvage ». Visiblement il a puisé ses informations chez Théophraste, et il est clair donc que le thuya était un bois qui pouvait être utilisé pour la fabrication de statues offertes aux dieux, comme le dit expressément la Souda.

 

Dominique Jaillard, auteur de Configurations d’Hermès : Une ‘théogonie hermaïque’. (Presses Universitaires Liège, 2007) s'intéresse aux vertus qu'on prêtait au thuya dans l'Antiquité :


Le téménos d'Hermès Kyllénos, proche du sommet, comporte un temple, en ruine à l'époque de la visite de Pausanias, et une statue en bois de thuya, haute d'environ huit pieds (2. 37 mètres).

[A propos de l'enclos rituel du téménos] : Thûon, thûa, thuia désignent des arbres dont le bois, réputé imputrescible et agréablement odoriférant contribue, lors de sa combustion, à embaumer l'île de Calypsoo, Ainsi le thuya évoque-t-il à la fois le feu sacrificiel, l'acte de brûler une offrande pour les dieux, et les parfums révélateurs de l'immortalité divine, redessinant, autrement, le mélange de l'odeur des aromates et de la knise tel qu'opéré dans [aperçu non disponible]

[...] entre espace divin de la montagne et espace sacrificiel, sont sans doute une caractéristique banale des sanctuaires de « haute montagne », la manière dont Hermès les réalise sur le Cyllène, notamment sous sa figure de thuya odoriférant [aperçu non disponible]

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Pauline Frileux, auteure de l'article « À l'abri de la haie dans le bocage pavillonnaire », (Ethnologie française, vol. 40, n°4, 2010, pp. 639-648) précise encore l'évolution de mentalité liée à l'usage des thuyas :


■ Du mur vert à la haie fleurie

Offerte à la vue du passant et du voisin, la haie est fortement soumise à la mode, tant par le choix des essences que par sa conduite. Des années 1930 aux années 1970, trois espèces majeures, au feuillage vert et persistant, ont façonné les territoires périurbains : le laurier-cerise (Prunus laurocerasus) avant-guerre, le troène (Ligustrum ovalifolium) à partir des années 1950, puis le thuya à partir des années 1960 (Thuja plicata). Dans les années 1990 a surgi un nouveau modèle, celui de la haie fleurie. « Point de mode sans prestige et supériorité accordée aux modèles nouveaux, et du coup, sans une certaine dépréciation de l’ordre ancien », écrivait Gilles Lipovetsky en 1987. C’est le thuya qui fut la cible privilégiée des détracteurs du « mur vert ». [...]

Dans les années 1980, l’agglomération de Rennes entreprend de bloquer la course effrénée aux thuyas et lauriers-cerises, pourvoyeurs de haies « ternes et uniformes […] qui banalisent le paysage ». Missionné par l’agence d’urbanisme, l’écologue Denis Pépin applique à la ville les techniques agricoles développées dix ans plus tôt par Dominique Soltner : jeunes plants, film plastique noir et mélange d’espèces. Chef de file de ce combat, le maire de La Chapelle-des-Fougeretz, petite commune proche de Rennes, a supprimé les thuyas communaux et camouflé ceux des particuliers : « On a replanté devant, pour habiller, pour cacher un petit peu la fameuse haie de sapins [nom donné au thuya] », commente un jardinier de la municipalité. Ce remplacement systématique a participé d’une revendication d’image de « commune nature », orchestrée par les élus et répercutée par les médias. La haie fleurie s’est ainsi peu à peu imposée. Propriétaire d’un pavillon depuis 1998, Chantal (45 ans, nourrice) témoigne : « Il ne fallait pas de conifères, alors moi au début, tellement habituée à voir toute ma famille avec des sapins autour de chez eux… On ne s’était pas posé la question, on se disait, on mettra des sapins comme tout le monde. […] Comme on s’y connaît en rien, on a été voir un pépiniériste, il nous a conseillé. Je ne regrette pas finalement ».

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Mythologie :


Julien d'Huy, auteur de l'article intitulé "Le mythe ovidien de Pygmalion trouverait l'une de ses origines dans la Berbérie préhistorique." (Les Cahiers de l'AARS, 2011, n°15, pp. 19-25) rapporte un mythe amérindien en lien avec le thuya :


En 1909, Swanton recueillit un beau mythe Tlingit. Cette tribu raconte qu’un chef veuf, rendu malheureux par la perte de sa femme, demanda à de nombreux artistes de réaliser une statue de sa belle, sans qu’aucun n’y parvienne. Un sculpteur réputé proposa alors de reproduire la morte dans un morceau de thuya. Il acheva l’œuvre en l’habillant avec l’une des robes de la disparue. Le jeune chef en tomba fort amoureux et la traita comme un véritable être vivant. Il lui mettait par exemple les habits de sa femme. Un jour, il eut même l’impression qu’elle bougeait. Peu à peu, la statue se mit à ressembler de plus en plus à son modèle. Au bout d’un certain temps, le chef l’entendit craquer et la souleva. Un arbrisseau poussait sous elle. Depuis lors, dans les îles de la Reine Charlotte où se passe cette histoire, lorsqu’un arbre est vigoureux, on dit de lui qu’« il est beau comme le bébé de la femme du chef. » (Swanton 1909 : 181-182).

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Selon Gaëlle Le Guern, auteur de l'article intitulé "D’Éros à la Bête: la chambre des secrets." (Féeries. Études sur le conte merveilleux, XVIIe-XIXe siècle, 2020, n°17) :


L’histoire de « Psyché et Cupidon » fait partie des mythes fondateurs dans la culture occidentale. Le premier récit littéraire connu qui nous y donne accès date du IIe siècle : il est inséré dans Les Métamorphoses ou l’Âne d’or d’Apulée. [...]

Dans le mythe, le statut divin du personnage masculin qui devient son époux élève l’héroïne au point que Jupiter lui-même lui accorde l’immortalité, alors que dans les contes l’épouse de la bête apparaît comme marginalisée, dans un premier temps du moins. Et pourtant, à bien des égards, la bête se rapproche du dieu. Cela se manifeste tout d’abord par son lieu de vie. Ainsi, chez Apulée, la demeure de Cupidon est ainsi décrite :


Dès qu’on était dans l’entrée on comprenait qu’on avait sous les yeux la lumineuse et luxueuse garçonnière d’un dieu. Des piliers d’or soutenaient des plafonds à caissons soigneusement incrustés d’ivoire et de thuya, tous les murs étaient plaqués d’argent ciselé en relief et de bêtes genre bête de cirque et autres, qui couraient à la figure du visiteur.


Ce qui frappe en premier, c’est le luxe qui se dégage de ce décor doré et argenté.

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