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La Truffe



Étymologie :


  • TRUFFE, subst. fém.

Étymol. et Hist. I. Fig. 1. 1174-87 « bourde, mensonge » (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 2866) ; 2. 1866 « ce qui est rare, enviable, recherché » (Veuillot, Odeurs de Paris, p. 149 : le flair qui mène à cette truffe) ; 3. 1901 « benêt, imbécile » (Bruant, pp. 54-55) ; cf. 1918 (Proust, loc. cit.). II. A. 1. 1363 « tuber cibarium » (ds B. Prost, Inv. mobiliers ducs de Bourgogne, t. 1, 1904, p. 20) ; 2. 1538 « châtaigne d'eau » (Est., s.v. tribulus : un fruict qu'on appelle Chastaignes de riviere ou truffes) ; 3. 1600 « pomme de terre » (Olivier de Serres, Theatre d'Agriculture, Paris, Jamet Métayer, p. 563 : Cet arbuste dit cartoufle, porte fruict de mesme nom, semblable à truffes et par d'aucuns ainsi appelé), sens encore en usage dans de nombreux dial., FEW t. 13, 2, p. 385b. B. P. anal. a) [1843 en parlant du nez d'un ivrogne] (Balzac, Illus. perdues, p. 8 : Vous eussiez dit d'une truffe monstrueuse enveloppée par les pampres de l'automne) ; id. « gros nez » fam. (Id., ibid., p. 605 : la truffe de son grand-père au milieu du visage) ; 1904 « nez (en général) » (Nouv. Lar. ill.) ; b) [1899 (France, P. Nozière, p. 251 : son grouin noir [d'un hérisson] qui a l'air d'être taillé dans une truffe)] 1905 (Colette, Dialog. bêtes, p. 8 : [Toby le chien] ma truffe enfiévrée) ; c) 1935 confis. truffes au chocolat (Marinette, Cuis. de notre temps, Lyon, E. Vitte, n°865). Empr. à l'a. prov. trufa, sens propre 1446 [1293?] (Chartes de Gréalou, en Rouergue ds Rayn.) ; sens fig. « moquerie » ca 1225 (trufas de Roais [n. anc. d'Edesse, v. éd., p. 473, 35] Peire Cardenal, Œuvres, éd. R. Lavaud, LXXI, 35 ; cf. Levy Prov. ; ce sens fig. s'expliquant par la difficulté de la recherche des truffes qui paraissent se jouer de ceux qui les cueillent), issu du lat. vulg. tufera, ae (ve s., Anthimus), de tufer, eris « truffe », forme osco-ombrienne de tuber « id. » (Pline, 19, 33-34, v. André Bot., p. 322 et André, Plantes 1985, p. 266). Le sens II A 3 est dep. 1600 également rendu par cartoufle (Olivier de Serres, loc. cit. [Vivarais] ; Lyonnais, Franche-Comté, Bourgogne), adapt. du suisse aléman. cartoffel (1639, Berne d'apr. FEW, loc. cit., p. 388a), lui-même prob. adapté de l'ital. tartuffoli « pomme de terre » (relevé par le botaniste bâlois Gaspard Bohin en 1596, FEW., ibid.), issu du lat. terrae tuber [*terri tufer] « truffe » (Mart., 13, 50 ; Juv., 14, 7, v. André Bot., p. 322). De l'ital., véhiculé par la Suisse, l'all. Tartuffel (1651), Cartoffel (1758), Kartoffel, Kluge 20 ; de même orig., le type dial. gallo-rom. tartoufle, dont l'aire géogr. recouvre à peu près celle du type cartoufle (FEW, op. cit., p. 386 b). Sur les voies de pénétration de la pomme de terre, ainsi que sur d'autres appellations, v. patate, pomme de terre ; cf. aussi tartuffe.


Lire aussi la définition pour amorcer la réflexion symbolique.


Autres noms : Tuber aestivum - Truffe d'été -

Tuber brumale - Truffe brumale - Truffe musquée - Truffe noire d'hiver -

Tuber magantum - Truffe blanche - Truffe du Piémont -

Tuber melanosporum - Diamant noir - Rabasse (Provence) - Truffe à spore noire - Truffe noire du Périgord - Truffe vraie -

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Mycologie :


D'après Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de Champignons (collection Terra curiosa, Éditions Plume de carottes, 2013), la truffe noire est surnommé le diamant noir en raison de son prix au kilo.


Rare et chère : Les truffes sont célébrées par les gourmets depuis la plus haute antiquité et leur rareté ne fait qu'ajouter à leur réputation, comme le notait Brillat-Savarin dans sa célèbre Physiologie du goût : "Vers 1780, les truffes étaient rares à Paris ; on n'en trouvait, et seulement en petite quantité, qu'à l'hôtel des Américains et à l'hôtel de Provence, et une dinde truffée était un objet de luxe qu'on ne voyait qu'à la table des plus grands seigneurs ou chez les filles entretenues." Un siècle et une révolution plus tard, le docteur Louis Campanyo qualifiait de "fabuleux" le prix de la truffe, "peu propre à l'alimentation du pauvre"... Pourtant, à la fin du XIXe siècle, on récoltait entre 1 000 et 2 000 tonnes de truffes par an, soit trente fois plus qu'aujourd'hui ! en effet, au cours du siècle suivant, es milieux favorables aux truffes ont été peu à peu envahis de broussailles, puis les techniques agricoles intensives ont achevé de ruiner les anciennes truffières. Aujourd'hui, la production atteint à peine 60 tonnes par an, et les prix peuvent dépasser 1 000 euros le kilogramme.


Selon Gaspard Adolphe Chatin, auteur d'un célèbre ouvrage consacré à la truffe, publié en 1982, c'est vers 1810 que la trufficulture a réellement pris son essor. Joseph Talon, un paysan du Vaucluse, avait semé des glands sur un terrain pierreux et, quelques années après, avait pu récolter des truffes en quantité : "Si vous voulez récolter des truffes, plantez des glands." Sa technique fut largement adoptée et Joseph Talon a aujourd'hui sa statue à Saint-Saturnin-lès-Apt.


Une origine mystérieuse : Mais l'origine des truffes restait mystérieuse. Certains auteurs antiques les considéraient comme "le produit immédiat de la putréfaction des plantes". D'autres soutenaient qu'elles naissent de la foudre et les avaient surnommées "catabates", c'est-à-dire "enfants du tonnerre". Au début du XIXe siècle, botanistes et trufficulteurs continuaient à débattre : la truffe est-elle une fermentation de la terre, un simple renflement d'une racine, un fruit souterrain, un champignon parasite ? En 1857, Martin-Ravel, un "truffier" de Haute-Provence, publie un livre destiné à diffuser sa propre théorie, qui repose sur les mouscous des rabassos, des mouches propres aux terrains truffiers. Selon lui, ces mouches sont des parasites des racines des arbres et ce sont leurs piqûres qui provoquent l'apparition des truffes, comme les galles qui se développent sur certaines plantes et qui servent de cocons aux larves. Ses idées séduisent Jacques de Valserres, journaliste au Constitutionnel, qui les diffuse dans la haute société parisienne. Martin-Ravel et Vlaserres proposent même aux trufficulteurs des colis postaux contenant la "mouche truffigène" !

En 1863, le docteur Alexandre Laboulbène réfute longuement cette thèse devant la Société entomologique de France. Il affirme que les mouches ne sont pas truffigènes, mais "tubérivores", mangeuses de truffes ! Valserres, soutenu par les journaux parisiens, contre-attaque en dénonçant "l'absurdité des doctrines vermoulues de l'Académie" ! Cette affaire agace beaucoup coup les naturalistes, comme l'entomologiste Jules-Emile Planchon : "Pour M. Jacques Valserres, l'Académie des Sciences est l'incarnation vivante du progrès à reculons ; tout ce qui touche à ce corps est par cela même entaché de parti pris, d'aveuglement volontaire. Parlez-lui des libres chercheurs ! Ceux-là n'ont besoin ni d'érudition solide, ni d'observations patientes, ni même de connaissances précises : ils savent tout d'intuition ; ils voient d'un coup d’œil à travers leur vanité ce que les pauvres esclaves de la science officielle n'ont pu découvrir par les investigations les plus délicates."


Projets et inquiétudes : Certains des opposants à la mouche truffigène repoussaient également l'hypothèse des "chênes truffiers", qui était pourtant la piste à suivre. On sait en effet aujourd'hui que les truffes sont associées aux racines de certains arbres. Dans les années 1970, les biologistes ont mis au point les premiers "plants mycorhizés", des pousses de chêne aux racines entourées de mycélium de truffe. Leurs espoirs ont alors été déçus, notamment parce que les arbres ont été soignées à grand renfort de pesticides et d'engrais, au détriment des truffes. Mais la demande toujours croissante a stimulé la recherche et les expérimentations ont fini par donner de meilleurs résultats. En 2010, les chercheurs ont décrypté lé génome de la truffe noire du Périgord, l'un des plus complexes trouvés jusqu'ici chez un champignon. Ils tentent de déterminer les mécanismes moléculaires de l'association entre les truffes et les arbres et de trouver le déclencheur précis de la formation des truffes. Mais une menace plane sur la trufficulture : d'autres champignons pourraient contaminer les plantations, notamment les truffes chinoises qui ressemblent beaucoup aux truffes du Périgord. Bien qu'elles soient fort peu parfumées, elles ont été importées en masse, à bas prix, et leurs spores se sont répandues partout.


Des arômes complexes : Malgré les bouleversements qu'a connus la trufficulture, les caveurs sont toujours actifs ! Egalement appelés rabassiers, ce sont eux qui exhument les truffes de leur berceau souterrain. Pour cela, ils ne peuvent se fier à leur seul odorat, et ont impérativement besoin d'auxiliaires au flair plus aiguisé, tels que les chiens ou les cochons qui "annoncent leur bonne fortune par des cris de joie qui en informent le Pâtre ; celui-ci les écarte à coups de bâton, et réserve cette trouvaille pour les tables les plus délicates". On raconte qu'en Sardaigne, on faisait appel à des chèvres, et en Russie, à des oursons ! Certains caveurs observaient les fameuses mouches qui volettent au ras du sol, cherchant les tubercules pour y pondre leurs œufs. De nombreux animaux mangent les truffes. Écureuils, sangliers ou cerfs (et ailleurs tatous et babouins), ils sont tous attirés par les composés odorants émis par les truffes. Après les avoir détectées et dévorées, ils en répandent les spores à distance dans leurs excréments. L'arôme des truffes provient de l'association d'au moins 40 à 50 molécules, différentes selon les espèces et leur degré de maturité. Du fait de leur rareté, on a bien sûr tenté de synthétiser ces arômes. Les chimistes ont ainsi constaté qu'en associant le sulfure de diméthyle (DMS) et le 2-méthylbutanal, ils obtenaient une odeur s'approchant de celle de la truffe noire. C'est un mélange de ce type qui constitue la "saveur truffe noire" brevetée en 1990. Les spécialistes parviennent toutefois à distinguer cet arôme artificiel du parfum complexe de la truffe mûre. Dans le cas de la truffe blanche, c'est une molécule unique, le bis (méthylthio) méthane (ou 2,4-dithiapentane), qui est utilisée dans l'industrie alimentaire. On en ajoute à l'huile d'olive afin de produire la plupart des "huiles de truffe" du commerce.


Noire, grise ou blanche : Il existe plusieurs milliers d'espèces de truffes, mais seules quelques-unes sont vraiment réputées. La plus abondante est la truffe noire dite du Périgord (Tuber melanosporum). La truffe grise, dite de Bourgogne (Tuber uncinatum) est également cultivée. Elle est fortement apparentée à la truffe d'été (Tuber aestivum), un peu moins appréciée. On consomme aussi la truffe musquée ou brumale (Tuber brumale). En Italie, on trouve la truffe blanche, dite du Piémont (Tuber magnatum), très recherchée et très coûteuse.


Régime de luxe : Le potoroo à longs pieds, un petit marsupial australien, se nourrit à 95% de truffes ! Une truffe pèse en général entre 20 et 100 grammes mais peut exceptionnellement dépasser un kilo.


Aux tables délicieuses : Certaines truffes émettent des odeurs voisines des stéroïdes, comme le 5a-androsténol à l'odeur musquée. Cette molécule est aussi produite dans les testicules de porc et transférée dans ses glandes salivaires en période de rut. On a pensé trouver là une explication à l'intérêt des jeunes truies envers ces champignons. Cela pouvait aussi donner une base scientifique à la très ancienne réputation aphrodisiaque des truffes. Ainsi, en 1474, l'écrivain et gastronome Bartolomeo Sacchi, dit Platine, avait consacré à la truffe un chapitre dans son ouvrage De honesta voluptaté et valetudine ("Du plaisir honorable et de la santé") : "Cette viande ainsi apprêtée nourrit grandement et entraîne à la luxure. Pour cela, aux tables délicieuses des gens libidineux, elles viennent communément pour cause d'exercer plus promptement leur luxure, laquelle chose se peut supporter et louer si on la fait pour engendrer, mais pour intempérance de luxure désordonnée comme font plusieurs gens oiseaux et paillards, c'est certes chose détestable et à réprouver totalement."

Mais tout le monde n'était pas convaincu. ainsi, le médecin et botaniste François Cordier constatait que "bon nombre de personnes en ont mangé, et même en assez grande quantité, sans avoir constaté la propriété spéciale qu'on leur attribue". De fait, des expériences ont montré que le composé qui attire les mouches, les chiens ou les cochons est en réalité une molécule banale, le sulfure de diméthyle, dont l'odeur paraît d'ailleurs plutôt désagréable aux humains (par exemple, lors de la cuisson prolongée du chou !). Faisant preuve d'une certaine objectivité, Brillat-Savarin lui-même l'admettait : "La truffe n'est point un aphrodisiaque positif ; mais elle peut, en certaines occasions, rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables."


Truffe et tartuffe : "Le Tartuffe de Molière est pris de l'italien tartufolo ou tartufo, qui signifie une truffle, ou, comme on parlait autrefois, truffe. Or, comme notre vieux mot truffer signifiait tromper, Molière a appelé Tartuffe un homme trompeur et aussi difficile à pénétrer que trufles ou truffes, qu'on ne trouve et qu'on ne découvre qu'avec beaucoup de difficulté."

Le Duchat, 1750.

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Après avoir raconté l'épopée de reconquête de l'Europe par le chêne, Francis Martin, auteur de Sous la forêt, pour survivre il faut des alliés (Éditions humenSciences, 2019) relate celle de la Truffe noire :


Je voudrais plutôt vous raconter ici l'aventure de la Truffe noire du Périgord et de ses migrations post-glaciaires. Car sa dissémination, comme celle de très nombreuses espèces animales et végétales, est intimement liée à au destin des chênes. Le chêne est une espèce « clé de voûte », un ingénieur forestier. Quand un chêne meurt, c'est tout un écosystème qui s'effondre. Quand il se multiplie, ce sont des centaines d'organismes associés qui prospèrent. Ainsi, les truffes noires, come celle du Périgord (Tuber melanosporum) et sa cousine de Bourgogne (Tuber aestivum) sont des champignons symbiotiques inféodés aux chênes et leur réseaux mycéliens s'étendent entre les racines de leurs grands alliés, au fur et à mesure que la chênaie se développe. Les travaux d'Antoine Kremer et Rémy Petit nous ouvraient donc de nouvelles perspectives de recherche sur l'histoire des truffes noires. Est-ce que ces champignons symbiotiques, liés par un pacte aux chênes, ont accompagné ces derniers dans leur reconquête des grands espaces steppiques ?

Cette question allait déclencher l'un de mes projets de recherche les plus excitants et aussi l'un des plus plaisants. L'objectif était d'identifier, à l'aide de la technique des empreintes génétiques, les différentes populations de la Truffe noire du Périgord présentes en France, ainsi que dans le Nord de l'Espagne et de l'Italie (refuges supposés de la truffe, lors des glaciations du quaternaire), et de déterminer leurs liens de parenté. Dotés de ce fichier d'empreintes génétiques, nous voulions, pour la première fois, déterminer la distribution géographique de ces populations. Plus facile à écrire qu'à réaliser ! En effet, contrairement aux feuilles ou aux bourgeons de chênes échantillonnés par l'équipe d'Antoine et et Rémy, les truffes sont des champignons souterrains, difficiles à localiser, que l'on ne peut récolter qu'avec l'aide d'un chien truffier. De plus, les ramasseurs de truffes, les rabassiers, sont réticents à sacrifier le rare et précieux « diamant noir » sur l'autel de la science, car chaque truffe coûte une petite fortune !

[...]

C'est avec beaucoup d'excitation que nous alignâmes ces 220 séquences d'ADN. Pour la première fois, nous allions savoir combien de populations de truffes noires du Périgord peuplaient nos campagnes. A cette époque, le débat faisait rage entre les scientifiques : la truffe était considérée comme un champignon ayant une très faible varaibilité génétque, certains collègues affirmaient même qu'une seule population du symbiote colonisait les chênes et les noisetiers truffiers sur l'ensemble du pays. Ce qui les incitait à affirmer de façon péremptoire, qu'ne l(absence de variabilité génétique, seul le terroir avait une influence sur le parfum... L'éternel débat de l'inné et de l'acquis.

Et bingo ! L'examen des séquences ADN de nos truffes révéla l'existence d'une dizaine d'empreintes génétiques différentes correspondant à autant de populations de truffes noires du Périgord. [...]

En définitif, l'épopée postglaciaire des chênes nous aida à comprendre la répartition géographique des populations de truffes du Périgord. En comparant les liens de parenté entre populations et les distances géographiques qui séparaient ces différentes populations, on pouvait en déduire les routes empruntées par ce noble champignon pour recoloniser la France. Après la dernière grande glaciation, les truffes, collées au basque des chênes migrateurs, empruntèrent deux routes de repeuplement : l'une à l'est (de la Provence jusqu'aux régions calcaires de la vallée du Rhône et de la Lorraine), et l'autre à l'ouest (via le Roussillon et le Languedoc jusqu'au Périgord et le Poutou). Ces voies de migration recouvrent parfaitement celles des chênes migrants, suggérant que le « diamant noir » a bien accompagné son hôte favori lors de la recolonisation postglaciaire.

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Lyra Ceoltoir décrit, dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021), la Truffe noire comme suit :


On trouve plus facilement les truffes noires sur les menus des grands restaurants que dans la nature, car ce champignon particulier, en forme de sphère irrégulière, est une espèce hypogée, c'est-à-dire qui pousse sous terre, en symbiose avec un arbre hôte. Même si elle est connue depuis l'Antiquité, elle possède un statut particulièrement prestigieux depuis le XVIIIe siècle et fait encore aujourd'hui l'objet d'une quête assidue.


Vie de champignon : C'est à Jean Anthelme Brillat-Savarin, avocat, mais surtout éminent gastronome et auteur culinaire de renom du XVIIIe siècle, que l'on doit la popularité de ce champignon, dont il vante les mérites dans sa Physiologie du goût, en 1825. On sait, notamment grâce aux écrits d'Athénée de Naucratis, érudit et grammairien grec du Ier siècle, que la truffe était consommée dans l'Empire romain, souvent sous forme de marinade dans du gingembre et de la cannelle, et que bon nombre de personnages emblématiques de l'Antiquité (Cicéron, Pline, Plutarque, entre autres) en étaient particulièrement friands. Toutefois, après cela, voilà notre diamant noir pratiquement tombé en désuétude, à part un timide retour dans les assiettes au cours de la Renaissance.

Il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour que la truffe revienne en force dans le peloton de tête des mets les plus raffinés sur les tables françaises. Les truffières se multiplient sur le territoire et on estime la production supérieure à 1 000 tonnes par an dans les premières années du XXe siècle. Hélas ce chiffre ne fit que diminuer les décennies suivantes, notamment suite à l'exode rural déclenché par la Première Guerre mondiale. C'est seulement dans les années 1960 qu'une campagne de replantation fut entreprise et permit à la truffe de faire un retour remarqué, malgré la concurrence d'espèces plus faciles à produire (mais à la saveur moindre).

Il faut dire que la truffe est une délicate, qi a ses petites exigence. Il lui faut beaucoup de soleil en été, puis des pluies abondantes de mi-août à mi-septembre pour prospérer, une altitude comprise entre 500 et 1 000 mètres, une terre calcaire, ainsi que la compagnie d'un arbre-hôte, généralement un chêne pubescent (Quercus pubescens), un chêne vert (Quercus ilex), un frêne (Fraxinus sp.), un charme (Carpinus sp.) ou, mieux encore, un tilleul (Tilla sp.)

La truffe a la forme d'une boule noire irrégulière, sans chapeau ni pied proprement dit, d'un diamètre moyen de 3 à 10 centimètres, parfois plus. Elle est rugueuse, recouverte de petites « verrues » pyramidales serrées, d'un noir mat, cendreux. Sa chair, noire elle aussi à maturité après avoir été blanche, grise puis pourpre, est parcourue de veines d'un blanc argenté. D'une texture ferme, elle dégage une odeur puissante et reconnaissable entre mille. Sa récolte se fait de décembre à mars, en particulier dans le Périgord, sa région de prédilection, mais aussi dans le Midi, et parfois dans les régions de l'Est. Comme elle est difficile à repérer en surface (une zone d'herbe « brûlée » trahit parfois sa présence, mais pas toujours), on a recours au flair d'espèces animales dressées dans ce but, cochons en tête, puisqu'ils en sont particulièrement friands, mais aussi chiens. Leur odorat leur permet de la percevoir malgré son enterrement à une moyenne de 5 à 30 centimètres sous la surface de la Terre.

Aujourd'hui rare et chère, sa récolte avoisine les 60 tonnes par an et son cors peut dépasser les 1 000 euros le kilo.

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Propriétés médicinales :


F.S. Cordier, auteur de Les Champignons, Histoire - Description - Culture - Usages des espèces comestibles, vénéneuses et suspectes... (J. Rotschild Éditeur, 1876) met en doute la vertu aphrodisiaque de la Truffe :


La Truffe comestible, Tuber cibarium, Sibth., et la Truffe blanche, Rhizopogon albus, Fr., Hymenogaster Klotzschii, Tul., jouissent aussi à un haut degré de la réputation de porter aux plaisirs de l'amour, réputation qui pourrait bien être usurpée, car bon nombre de personnes en ont mangé, et même en assez grande quantité, sans avoir constaté la propriété spéciale qu'on leur attribue. Quoi qu'il en soit, les Truffes paraissent être un restaurant efficace dans les cas d'épuisement et de faiblesse d'estomac.

L'estime que l'on faisait de ces plantes, comme aphrodisiaques, et la croyance où l'on était qu'elles ne viennent point de semences et qu'elles n'en donnent point, a inspiré à un poëte, dont le nom est resté ignoré, le distique suivant :


Semina nulla damus ; sine semine nascimur ullo,

At qui nos mandit semen habere putat.


« Nous ne provenons pas de semence, nous ne donnons pas de semence, et celui qui nous mange pense en obtenir de nous. »

 

Selon Christelle Francia, Françoise Fons, Patrick Poucheret et Sylvie Rapior, auteurs de l'article intitulé "Activités biologiques des champignons : Utilisations en médecine traditionnelle." (Annales de la Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, Société d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault, 2007, 147 (4), pp. 77-88.), les qualités thérapeutiques de la truffe sont les suivantes :


aphrodisiaque : En Europe, Tuber blotii (Truffe blanche) et Tuber melanosporum (Truffe noire du

Périgord) auraient des propriétés aphrodisiaques (espèce très consommée dans ce but

dans l'Antiquité, au Moyen-Age et à la Renaissance).


Référence : Heim (1978) Lejay (1995).

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Selon R. J. Opsomer et J. P. Auquière, auteurs d'un article intitulé "Les aliments aphrodisiaques... tous des placébos ? (in Louvain médical, 2009, vol. 128, n°8) :

[...]

La truffe noire du Périgord (Tuber melanosporum) réputée aphrodisiaque dans la tradition populaire, a fait l’objet de quelques études scientifiques. On la dit « productrice de précurseurs » de la testostérone ? En fait, ce champignon, peu esthétique, est caractérisé par un arôme incomparable et posséderait un principe actif qui a été étudié par Claus et al. Ces auteurs auraient mis en évidence dans la truffe une substance volatile de structure proche de celle de la testostérone: le stéroïde 5α-androst-16-en-3α-ol. Cette substance est également produite par le verrat ; ceci expliquerait « l’enthousiasme » des truies à rechercher des truffes jusqu’à un mètre de profondeur. L’homme aussi produirait cette « phéromone ». Il n’est donc pas surprenant que la tradition accorde des vertus particulières à des préparations culinaires à base de truffes (ex : l’omelette aux truffes). Brillat-Savarin considérait les truffes comme un excellent aphrodisiaque pour les femmes en les rendant plus ardentes…. Rappelons qu’outre la truffe noire (Tuber melanosporum Vitt.), il y a aussi la truffe blanche d’Alba (Tuber magnatum Pico.).

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Usages traditionnels :


Le Dr Lucien-Marie Gautier, auteur de Les Champignons considérés dans leurs rapports avec la médecine, l'hygiène publique et privée, l'agriculture et l'industrie (Librairie J. B. Baillière et fils, 1884) mentionne :


Avant d'aborder les détails culinaires et d'exposer les préparations les plus dignes du palais de nos lecteurs, il est un point délicat que nous devons élucider.

Si les Truffes sont, à bon droit, recherchées des gourmets pour leurs seules qualités alimentaires, ne possèdent-elles pas quelqu'autre vertu de nature à les faire rechercher aussi par un certain nombre d'amateurs ? En effet, la réputation dont elles jouissent, de rendre la vigueur au sens génésique plus ou moins affaibli , pourrait expliquer leur grande faveur auprès de certains consommateurs. Cette réputation est en partie usurpée ; jamais les Truffes, en quelque quantité qu'elles soient absorbées, ne rendront la vigueur à un vieillard, et celui-ci fera sagement de se résigner à subir la loi de la nature plutôt que de chercher vainement à réveiller un sens, à jamais endormi, par ce prétendu excitant.

Mais ce précieux condiment n'a-t-il pas le don de stimuler une vigueur naturelle ou d'exciter celui ou celle dont le tempérament est parfois trop calme, au gré de certains désirs ?

La question est complexe et difficile à trancher ; nul doute, en effet, qu'à la suite d'un souper où les Truffes ont été dignement et large ment appréciées, les convives ne soient heureusement disposés aux plaisirs de l'amour ; mais l'influence de vins généreux, la présence de femmes charmantes, des conversations agréablement légères ne suffisent- elles pas à expliquer cette valeureuse disposition , et tout le mérite en doit-il être attribué à la bienfaisante Cryptogame ? Nous ne serons pas assez téméraire pour donner notre avis en si délicate matière ; nous préférons nous abriter sous l'autorité de l'illustre auteur de la Physiologie du goût.

Nous croyons que nos lecteurs liront avec un intérêt légitime cette page charmante du spirituel et gourmand magistrat, car elle nous semble résoudre, sans conteste, ce difficile et scabreux problème :

« Un sauté de Truffes est un plat dont la maîtresse de la maison se réserve de faire les honneurs ; bref, la Truffe est le diamant de la cuisine . J'ai cherché la raison de cette préférence, car il m'a semblé que plusieurs autres substances avaient un droit égal à cet honneur, et je l'ai trouvée dans la persuasion assez générale où l'on est que la Truffe dispose aux plaisirs génésiques , et, qui plus est , je me suis assuré que la plus grande partie de nos perfections, de nos prédilections et de nos admirations, proviennent de la même cause ; tant est puissant et général le servage où nous tient ce sens tyrannique et capricieux !

Cette découverte m'a conduit à désirer de savoir si l'effet est réel et l'opinion fondée en réalité.

Une pareille recherche est sans doute scabreuse et pourrait prêter à rire aux malins ; mais honni soit qui mal y pense ! toute vérité est bonne à découvrir.

Je me suis d'abord adressé aux dames, parce qu'elles ont le coup d'œil juste et le tact fin ; mais je me suis bientôt aperçu que j'aurais du commencer cette disquisition quarante ans plus tôt, et je n'ai reçu que des réponses ironiques ou évasives ; une seule y a mis de la bonne foi et je vais la laisser parler ; c'est une femme spirituelle sans prétention, vertueuse sans bégueulerie, et pour qui l'amour n'est plus qu'un souvenir aimable.

« Monsieur, me dit-elle, dans le temps où l'on soupait encore, je soupai un jour chez moi en trio avec mon mari et un de ses amis. Verseuil (c'était le nom de cet ami) était beau garçon, ne manquait pas d'esprit et venait souvent chez moi ; mais il ne m'avait jamais rien dit qui pût le faire regarder comme mon amant ; et s'il me faisait la cour, c'était d'une manière si enveloppée qu'il n'y a qu'une sotte qui eût pu s'en fâcher. Il paraissait, ce jour-là, destiné à me tenir compagnie pendant le reste de la soirée, car mon mari avait ་un rendez-vous d'affaires et devait nous quitter bientôt. Notre souper, assez léger d'ailleurs, avait cependant pour base une superbe volaille truffée. Le subdélégué de Périgueux nous l'avait envoyée. En ce temps, c'était un cadeau ; et d'après son origine, vous pensez bien que c'était une perfection. Les truffes surtout étaient délicieuses, et vous savez que je les aime beaucoup ; cependant je me contins, je ne bus aussi qu'un seul verre de champagne ; j'avais je ne sais quel pressentiment de femme que la soirée ne se passerait pas sans quelque événement.

Bientôt mon mari partit et me laissa seule avec Verseuil, qu'il regardait comme tout à fait sans conséquence. La conversation roula d'abord sur des sujets indifférents, mais elle ne tarda pas à prendre une tournure plus serrée et plus intéressante. Verseuil fut successivement flatteur, expansif, affectueux, caressant, et voyant que je ne faisais que plaisanter avec tant de belles choses, il devint si pressant que je ne pus plus me tromper sur ses prétentions. Alors je me réveillai comme d'un songe et me défendis avec d'autant plus de franchise que mon cœur ne me disait rien pour lui. Il persistait avec une action qui pouvait devenir tout à fait offensante ; j'eus beaucoup de peine à le ramener ; et j'avoue, à ma honte, que je n'y parvins que parce que j'eus l'art de lui faire croire que toute espérance ne lui serait pas interdite.

Enfin, il me quitta ; j'allai me coucher et dormis tout d'un somme.

Mais le lendemain fut le jour du jugement : j'examinai ma conduite de la veille, et je la trouvai répréhensible. J'aurais dû arrêter Verseuil dès les premières phrases, et ne pas me prêter à une conversation qui ne présageait rien de bon. Ma fierté aurait dû se réveiller plus tôt, mes yeux s'armer de sévérité ; j'aurais dû sonner, crier, me fâcher, faire enfin tout ce que je ne fis pas.

Que vous dirais-je, monsieur ? je mis tout cela sur le compte des Truffes.

Je suis réellement persuadée qu'elles m'avaient donné une prédisposition dangereuse, et si je n'y renonçai pas (ce qui eût été trop rigoureux), du moins je n'en mange jamais sans que le plaisir qu'elles me causent ne soit mêlé d'un peu de défiance. »

Un aveu, quelque franc qu'il soit, ne peut jamais faire doctrine. J'ai donc cherché des renseignements ultérieurs ; j'ai rassemblé mes souvenirs, j'ai consulté les hommes qui, par état, sont investis de plus de confiance individuelle ; je les ai réunis en comité, en tribunal, en sénat, en sanhédrin, en aréopage ; et nous avons rendu la décision suivante pour être commentée par les littérateurs du vingt cinquième siècle :

« La Truffe n'est point un aphrodisiaque positif ; mais elle peut, en certaines occasions, rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables (1). »


Note : 1) Brillat-Savarin, Physiologie du goût, méditation VI, § 7.

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Charles Richon, auteur d'un Atlas des champignons comestibles et vénéneux de la France et des pays circonvoisins. (Doin Éditeurs, 1888) rend compte de recettes datant de l'époque antique :


Apicius, le plus célèbre gastronome de l'Empire romain, qui s'est suicidé lorsqu'il jugea sa fortune insuffisante à payer les énormes dépenses de sa table, avait fait consigner par écrit certaines prescriptions sur l'art culinaire. Les Champignons n'avaient pas été oubliés, et voici d'après lui leurs meilleurs modes de préparation (De re culinaria, Liv. VII, ch. XIII et XIV).

[...]

DE LA PRÉPARATION DES TRUFFES

« Coupez en tranches minces vos Truffes, faites-les cuire, saupoudrez-les de sel, enfilez les tranches dans des baguettes et faites rôtir à petit feu ; puis mettez dans la casserole de l'huile, du jus de viande, du carvi, du vin, du poivre et du miel. Laissez bouillir, liez avec de la farine, dressez vos Truffes et servez. »


AUTRE PRÉPARATION DES TRUFFES

« Faites cuire vos Truffes, saupoudrez-les de sel, enfilez- es dans des baguettes et faites rôtir à petit feu ; puis mettez dans la casserole du jus de viande, du carvi, un peu de vin, du poivre concassé, un peu de miel, et laissez bouillir. Liez ensuite avec de la farine, piquez vos Truffes pour qu'elles s'imbibent davantage, laissez bien bouillir, dressez et servez. Il vous est loisible, en outre, de rouler ces mêmes Truffes dans une barde de lard, de faire rôtir le tout et de servir. »


AUTRE PRÉPARATION DES TRUFFES

« Faites chauffer vos Truffes sur un feu doux avec du garum au vin, du poivre de Ligurie, du coriandre, de la rue, du jus de viande, du miel, du vin et de l'huile. »

« Ou bien faites chauffer vos Truffes sur un feu doux, avec du poivre, de la menthe, de la rue, du miel, de l'huile, du vin, puis servez. »

« Ou bien encore, faites de même en ajoutant à vos truffes du poivre, du cumin, du silphium, de la menthe, du persil, de la rue, du miel, ou du vin , du sel ou du jus de viande, et de l'huile. »

[...]

Plus loin [dans son Histoire des douze césars], Suétone s'exprime ainsi : « La veille de sa mort, on apporta à Domitien des Truffes (tuberes) ; il ordonna de les lui conserver pour le lendemain en disant : « Si toutefois je suis encore en vie. »

Ces Truffes étaient hâtives, car cet empereur fut tué, d'après Suétone, le 14 des Calendes d'octobre. Peut- être s'agissait-il de la Truffe blanche du Piémont.

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Selon Alfred Chabert, auteur de Plantes médicinales et plantes comestibles de Savoie (1897, Réédition Curandera, 1986) :


Nombreux et abondants en automne, les champignons comestibles sont mal connus dans la plus grande partie de la Savoie et dédaignés par les gens de la campagne. Bien rares sont ceux qui les récoltent pour les vendre au marché des villes. On laisse perdre ainsi une substance alimentaire précieuse et facile à se procurer. Les truffes sont aussi l'objet d'un commerce très restrient ; petites, noires, peu parfumées, elles sont recherchées avec l'aide de chiens dit truffiers, dans les bois de chênes sur les terrains calcaires, et dans ceux des châtaigniers sur les alluvions glaciaires, puis vendues à certains commerçants qui les mélangent avec des truffes de meilleure qualité. Celles-ci parfument celles-là. Les unes font passer les autres. Le vulgaire est toujours content et les gourmets aussi... quelquefois.

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Magdalena Koźluk, autrice de "Se nourrir et se soigner : jardin et médecine pratique aux XVIe et XVIIe siècles." (In : Seizième Siècle, N°8, 2012. Les textes scientifiques à la Renaissance. pp. 209-225) évoque la mauvaise réputation de la truffe pour les anciens :


S’il existe un jardin « idéal » dans lequel on trouve les plantes recommandées par les régimes, il y a aussi un « jardin maudit » fait de plantes malfamées qu’il faut éviter dans son jardin comme sur la table de sa cuisine. Ce qui est intéressant dans la présentation de ces plantes, c’est la façon dont elles sont décrites, tant par les médecins que par les auteurs de manuels d’agriculture. Parfois on tente juste de prévenir le patient en signalant les effets nuisibles de la plante. Les truffes, déjà selon Galien, étaient « de fort mauvais suc et à cause de leur substance terrestre ». Mais Guy Patin rappelle à ses contemporains que, même en son siècle, leur consommation reste dangereuse. Elles « n’engendrent qu’une humeur grossière et mélancolique » et, qui plus est, elles nuisent « à l’estomac, causent des apoplexies, paralysies et donnent de grandes coliques par leur indigestion ». Bref, conclut le médecin, elles « sont une viande plus propre à engraisser les porcs qu’à nourrir les hommes. »

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Dans Et si on allait aux champignons, Les secrets de cueillette d'une pharmacienne (Éditions Larousse, 2017) Solange Strobel précise que :


Pline pensait que la truffe tétait une tumeur de la terre. Son nom vient du latin tuber, qui signifie « excroissance ». Les connaissances sur ce tubercule ont évolué depuis. Il s'agit bien d'un champignon. C'est un champignon souterrain (à environ 10 cm sous terre) qui est symbiotique de la radicelle de l'arbre auprès duquel il pousse.

Depuis l'Égypte ancienne, la truffe est un champignon recherché et cuisiné pour son arôme. Elle est arrivée en France sous François 1er. Elle contient des minéraux (potassium, magnésium, cuivre calcium, fer, phosphore), des vitamines (B, D, K,) et des fibres. Elle est plus énergétique que les autres champignons, mais reste tout de même pauvre en calories. Comme on utilise que quelques copeaux de truffe, l'apport est négligeable dans une préparation culinaire. L'odeur musquée vient d'une molécule proche de l'hormone mâle du cochon. Ceci explique que le cochon est truffier, sans qu'on n'ait besoin de le dresser. Il faut soigneusement brosser la truffe pour ôter toute la terre.

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Croyances populaires :


Selon Christian Bromberger, Annie-Hélène Dufour, Gontier Claudie, Raymonde Malifaud, auteurs de l'article intitulé "Les paysans varois et leurs collines : Les enjeux symboliques d’une ”passion”." (Maison Méditerranéenne Des Sciences de l’Homme Phonothèque, Forêts Méditerranéennes, 1980) :


La mort d'un pin par son sommet, l'absence d'herbe au pied d'un chêne, la présence de trous de souris, l'envol d'une mouche ... sont autant de signes auxquels le quêteur se fie pour découvrir une truffière.

[...]

Si les produits de la colline sont appréciés à un si haut point, c'est tout autant, semble-t-il, en raison de leurs qualités gustatives que de leur statut symbolique ; manger les produits de la colline, c'est renouveler cycliquement le pacte de l'identité territoriale. Les repas, pris entre convives de la même localité, comportent le plus souvent un plat de gibier ; quant aux festins de chasseurs, qui scellent, on y reviendra, l'appartenance au pays, le sanglier ou le lièvre en sont les mets obligés. S'y ajoute souvent l'omelette truffée.

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Selon Frédéric Duhart, auteur d'une « Contribution à l’anthropologie de la consommation de champignons à partir du cas du sud-ouest de la France (XVIe -XXIe siècles) », (Revue d’ethnoécologie [En ligne], 2 | 2012) :

Deux catégories de champignons comestibles se distinguaient en effet assez nettement dans le Sud-Ouest. À ceux qui étaient dignes d’être mis à l’honneur lors des repas les plus somptueux s’opposaient les champignons populaires. La grande famille des truffes suffit à donner un bel exemple de cette division au sein de la catégorie des champignons bons à manger.

Avant même la fin du Moyen Âge, la truffe noire (Tuber melanosporum) avait conquis un prestige certain. Aussi, dès lors, les mangeurs de truffes furent-ils plutôt ceux qui avaient les moyens de se les permettre que ceux qui en récoltaient. Au milieu du XVe siècle, par exemple, la truffe figurait parfois au menu des chanoines de Montpezat-de-Quercy (Don 1998 : 25). Tout au long de l’Époque Moderne, la truffe continua d’avoir droit de cité sur les meilleures tables d’un Sud-Ouest débordant largement les contrées qui la produisait en quantité. En 1537, elle figurait notamment parmi les ingrédients mis en œuvre dans les cuisines du chapitre bordelais de Saint-Seurin (Gandelin 2002 : 122). À la fin du XVIIe siècle, elle était très largement employée dans la cuisine appréciée par les jurats bayonnais en gras comme en maigre. Le quinze septembre 1694, elle intervenait ainsi dans une tourte de crevettes, dans un ragoût de laitance ou dans la sauce accompagnant une loubine (Dicentrarchus labrax) servis à l’occasion du renouvellement du corps municipal. Lors du repas qui suivit l’élection de l’année suivante, elle rehaussait le goût d’un plat de poulardes (Arch. Bayonne, CC 318). Signe indéfectible de bon goût, le plat contenant des truffes était toujours le bienvenu sur les belles tables du XVIIIe siècle. Un jour de septembre 1716, il prit la forme d’une tourte de pigeons avec truffes et mousserons sur la table des consuls du bourg de Rodez (Arch. Aveyron, E 212/B/CC 207). Sur celle des Capitouls, cinq ans plus tard, ledit plat consistait en des truffes à la serviette dont la simplicité soulignait le caractère extrêmement raffiné de ce champignon (Arch. Toulouse, CC 2738). En appréciant la truffe, les élites du Sud-Ouest moderne ne faisaient que se comporter comme celles de toutes les autres parties de la France. Les bourgeoisies qui leur succédèrent firent de même. D’une exquise sobriété ou sophistiquée, la cuisine de la truffe fut classique avant d’être régionale. Les menus dégustés au cours de certaines assemblées de notables en témoignent merveilleusement. Lors du dîner de chasse organisé le onze avril 1898 dans le cadre prestigieux de l’Hôtel d’Angleterre de Biarritz, par exemple, il fut proposé des poulardes du Mans truffées. Tout autant mais d’une façon plus éclatante que lorsqu’elle était préparée sous la cendre, la truffe était ici fondamentalement l’attribut d’un bon goût français. Au cours du XXe siècle, le prestige de Tuber melanosporum demeura intact. Avec la flambée de ses prix qui marqua la fin de cette période, cependant, celle qui avait pu être auparavant un ingrédient de bonne cuisine bourgeoise se transforma en un mets principalement réservé à une poignée de privilégiés ou en une fantaisie d’amateurs. Au tout début du XXIe siècle, une habitante de Cahors nous expliqua que son ménage, d’une aisance très confortable, était prêt à engager une somme conséquente pour manger une fois dans l’année des truffes en ragoût. En janvier 2005, les quelques trufficulteurs installés au fond de la place Saint-Louis durant le marchés au gras de Périgueux alimentaient de semblables désirs. Néanmoins, même des mangeurs de truffes noires parmi les plus passionnés doivent ramener à quelques dizaines de grammes leur consommation annuelle de diamant noir pour s’adapter au niveau de prix qu’il atteint aujourd’hui. Sur le marché de Lalbenque, le quatre décembre 2007, le kilogramme de Tuber melanosporum se vendit aux particuliers entre deux cent et cinq cents euros et la truffe se négocia au détail autour de mille euros le kilogramme (La Dépêche du Midi).

Dans les contrées produisant de la truffe noire, la consommation de ce champignon ne fut guère plus distribuée socialement qu’ailleurs dans le Sud-Ouest. Marchandise à haute valeur commerciale, elle y fut fondamentalement un mets destiné aux meilleures tables ou orienté vers des destinations plus lointaines. Dès le XVe siècle, les édiles de Bergerac employèrent la truffe dans certains des présents qu’ils réservaient à leurs hôtes de marque ou aux personnalités dont ils espéraient obtenir les bonnes grâces (Costedoat 2002 : 241). Localement, ce champignon fut fréquemment mis en œuvre dans les plus fines des cuisines. À la fin du XVIIe siècle, la Marquise de La Douze aimait notamment la voir agrémenter divers types de potages ou être servie seule parmi les entremets (Dujarric Descombes 1908 : 153-154). Plus de deux cents ans plus tard, la truffe était toujours très employée dans la grande cuisine bourgeoise. À l’aube des années 1900, le filet de bœuf aux truffes, parfois qualifié plus pompeusement de filet de bœuf à la Périgueux, figurait très régulièrement au menu du banquet annuel du Véloce-Sport Cadurcien. Un tel plat rappelle que le goût pour le diamant noir des notabilités des pays truffiers s’accordait parfaitement avec celui des élites vivant sous d’autres cieux. Sans doute, la proximité des aires de productions et celles des premiers marchés sur lesquels la truffe se négociait facilitait l’accès à celle-ci, mais cela ne diminuait nullement le caractère bourgeois de sa consommation. À la fin des années 1920, les ménagères qui se rendaient sur les marchés de Thiviers, Terrasson ou Sarlat pour acheter de « beaux foies rosés » et « quelques truffes » en vue de préparer des conserves appartenaient à un milieu aisé (La Mazille 1929 : 241). Ce ne fut qu’à l’imitation de la bonne bourgeoisie que l’élite paysanne consomma très occasionnellement de la truffe durant certaines périodes du XXe siècle. Celles-ci commencèrent au lendemain des deux guerres mondiales et durèrent jusqu’à ce qu’un désir renouvelé de truffes noires replaçât leur prix à un très haut niveau. Durant ces conflits, en effet, la demande de truffes fut très réduite et leur prix s’effondra, ce qui incita très largement les producteurs à « porter les efforts sur des cultures plus rémunératrices » (Gay & Gromas 1937 : 122). Ces années de non-récolte furent cependant très favorables à l’ensemencement des sols truffiers et se traduisirent au cours des immédiats après-guerres par des récoltes très importantes. La majeure partie de celles-ci prit classiquement le chemin du marché. En 1997, un habitant du Quercy se souvenait ainsi de ces temps d’abondance : « Dans le temps, il y en avait tellement que mon père, il se lassait de les ramasser. On avait un panier qui faisait sept kilos cinq et il en fallait un autre. On partait au marché, on prenait l’autobus, on en amenait dix kilos » (Byé & Chalouze 1998 : 139, 143). Toutefois, il arriva alors que la truffe vint apporter une touche de distinction bourgeoise à certains menus de fête de la paysannerie aisée. À la toute fin du XXe siècle, un couple d’anciens de Lacapelle-Marival se souvenait ainsi avec nostalgie du temps où des « filets bien truffés » étaient servis pour marquer les grandes occasions (Lafitte 1998 : 83).

Les truffes blanches des secteurs situés sur la lisière de la Grande Lande eurent un tout autre destin. Ici le pluriel s’impose car au moins deux espèces se rencontraient : la très odorante Tuber borchii qui se rencontrait dans des bois ou des friches sablonneuses et Terfezia leptoderma qui vivait en symbiose avec Helianthemum guttatum. Toutes deux furent au mieux des nourritures très populaires. Au début du XIXe siècle, les paysans des environs de Tartas et de Meilhan consommaient occasionnellement Terfezia leptoderma coupée en tranche et combinée avec des œufs (Dufour 1840 : 129). Aux confins de l’Agenais, Tuber borchii pouvait être cuite dans du vin, surtout dans l’espoir de tirer profit des vertus aphrodisiaques qui lui étaient prêtées (Boudon de Saint-Amans 1821 : 619). En mangeurs bourgeois, les naturalistes eurent des propos fort durs à l’égard de ces truffes. Léon Dufour écrivit qu’il ne fallait pas la « disputer au groin du quadrupède qui [était] si habile à la découvrir ». Quelques années plus tard, Maurice Lespiault avoua qu’il n’avait pas eu le courage de goûter Tuber borchii mais que son « odeur de gaz d’éclairage » laissait présager du pire (Lespiault 1844 : 317-318)… À l’extrême fin du XIXe siècle, il semble que ces deux espèces de truffes blanches avaient cessé de représenter une ressource alimentaire même aux yeux des populations paysannes qui vivaient dans les cantons où elles se rencontraient. Plus personne n’était, par exemple, capable de fournir des renseignements précis sur Terfezia leptoderma dans un village de Saint-Yaguen où cette espèce avait été précédemment consommée (Dubalen 1894 : 205-206).

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Symbolisme :


Louise Cortambert et Louis-Aimé. Martin, auteurs de Le langage des fleurs. (Société belge de librairie, 1842) évoquent rapidement le symbolisme de la truffe :


TRUFFE - SURPRISE.

Ce végétal singulier est un éternel objet de surprise pour l'observateur ; il n'a ni tige, ni racines, ni feuilles. La Truffe nait sous terre et y reste tout le temps de son existence .

 

Selon le Dictionnaire des symboles (1ère édition, 1969 ; édition revue et corrigée Robert Laffont, 1982) de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,


La truffe est un "champignon souterrain, d'origine mystérieuse : effet de la foudre, fruit de l'éclair, selon d'anciennes légendes ; difficile à découvrir ; d'une saveur et d'une odeur particulières. Ces propriétés et l'origine censée divine de la foudre en feraient un symbole de la révélation cachée. La truffe ne se développe que sur les racines du chêne, arbre sacré ; d'où l'idée d'un don des dieux, comme la pluie, comme la révélation. De même, sa succulence et son parfum, qui ne résultent pas de la culture humaine."

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Jacques Brosse dans La Magie des plantes (Éditions Hachette, 1979) consacre dans sa "Flore magique" un article à la Truffe :


Excrément de la terre, conglomérat né des sels minéraux concentrés par la foudre, concrétion de la bave des sorcières, ce mystérieux corps souterrain, d'un noir violacé, n'a pas cessé, depuis deux mille ans et plus qu'on le consomme, d'intriguer les hommes et de déjouer leur esprit d'investigation Lorsque, en 1729, le botaniste italien Pietro Antonio Micheli, ayant examiné la truffe au microscope, conclut de son examen qu'il ne pouvait s'agir que d'un champignon, personne ne le crut. Et aujourd'hui encore, tous les problèmes que pose la truffe ne sont pas tout à fait résolus. Ainsi que l'on sait, le mot italien tartufo, qui désigne la truffe, a donné naissance au nom d'un personnage de la comédie italienne incarnant, car la truffe se cache, l'hypocrisie, et qui est devenu, grâce à Molière, notre Tartuffe.

La truffe du Périgord (Tuber melanosporum) se présente sous la forme d'un tubercule brun noirâtre, de 3 à 5 cm, de forme massive et irrégulière. L'extérieur est hérissé de verrues contiguës, formant de petites pyramides hexagonales. La chair, appelée gléba, du mot latin qui signifie motte de terre, d'abord de couleur blanchâtre, passe au rougeâtre, puis au noirâtre violacé ; elle est parcourue de veines blanches, nombreuses et bien marquées. C'est au milieu de ces veines que sont répartis les asques en forme de massue, contenant les spores ou cellules reproductrices. Car la truffe est un fruit, ou plus exactement un carpophore (du mot grec qui signifie porteur de fruits), comme le volet ou la girolle mais c'est un fruit souterrain.

On sait que la truffe se rencontre surtout dans les bois de chênes, en terrain calcaire, bien aéré, peu profond et à sous-sol perméable. Tout le problème est de l'y découvrir. Les zones truffières ont une apparence « brûlée », en ce sens que l'herbe y est rare ou inexistante. Toutefois, c'est seulement à l'odeur qu'elles répandent que l'on repère avec certitude leur présence. Certains hommes, au sens olfactif particulièrement développé, peuvent la déceler, mais le plus souvent on a recours au flair d'un chien ou à l'instinct fouisseur d'un porc ; dans ce cas, il convient d'intervenir rapidement pour empêcher l'animal de consommer sa trouvaille.

L'apparition puis la disparition des truffes d'un milieu donné demeurent encore aujourd'hui quelque peu mystérieuses. On sait que le mycélium de la truffe, c'est-à-dire la partie végétative et permanente du champignon, vit en symbiose sur les jeunes racines des arbres. Au fur et à mesure que ceux-ci grandissent, le diamètre du cercle que forment leurs racines s'accroît, et les fructifications du mycélium, les truffes, sont de plus en plus abondantes. Mais, lorsque les arbres sont complètement développés, que leurs cimes et leurs systèmes radiculaires en viennent à se toucher, la production des truffes diminue et parfois disparaît complètement.

La seule explication plausible que l'on puisse donner de ce phénomène est la suivante : le mycélium de la truffe sécréterait en très petites quantités des substances toxiques, ce qui expliquerait le dépérissement de l'herbe ; lorsque les cercles formés par les racines se rejoignent, la totalité de la surface du sol deviendrait toxique, même pour les truffes.

L'homme a, bien sûr, tenté de cultiver une production végétale aussi précieuse ; il n'y est pas encore parvenu, la truffe demeure sauvage. mais l'obstination humaine n'a pas de limites : on produit actuellement du mycelium de tuber et l'on a entrepris la plantation de chênes préalablement infestés. Peut-être, dans quelques décennies, les truffes seront-elles devenues de consommation courante. Mais elles auront alors perdu leur prestige et sans doute même leur goût qui, au fond, n'intéresse que parce qu'il est rare. Ainsi la truffe parviendra au dernier stade d'une progressive déchéance, puisqu'il y a longtemps délà que, dépouillée de ses pouvoirs magiques, elle n'est plus que gastronomique et aussi, prétend-on, aphrodiiaque. A la truffe noire, les Italiens préfèrent de beaucoup la truffe blanche ou truffe d'été (Tuber aestivum), abondante surtout en Piémont, qui est, en revanche, peu appréciée des Français.

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Dans Le Livre des superstitions, Mythes, croyances et légendes (Éditions Robert Laffont, 1995 et 2019), Éloïse Mozzani nous propose la notice suivante :


A cause de son caractère sauvage, de sa génération spontanée, de son parfum très particulier, de la difficulté de le dénicher, ce champignon souterrain qui fait la joie des gourmets a donné naissance à de nombreuses légendes sur son origine : est-il un don des dieux (ne pousse-t-il pas sur les racines de l'arbre sacré par excellence, le chêne ?), une conséquence de la foudre ou de l'écalair ? Dans la campagne milanaise, on croyait que faire des galipettes dans une prairie aux premiers coups de tonnerre du rpintemps faisait autssitôt naître en cetendroit des truffes. On a évoqué aussi la possibilité qu'elles soient issues de la bave de sorcière, à moins qu'il ne s'agisse des excréments de la terre. Selon une légende, populaire en France, c'est à la bonté d'un pauvre bûcheron que nous devons l'apparition des premières truffes : jadis, en Périgord, ce bûcheron offrit son repas consistant en une unique pomme de terre à une vieille femme affamée. Elle se transforma alors en fée et, pour le remercier, fit pousser dans son jardin de nombreuses truffes. A sa mort, le bûcheron, sauvé de la misère grâce aux précieux champignons, laissa à ses enfants d'immenses richesses. mais ces derniers, violents et cruels frappèrent un jour une veille femme qui demandait la charité : pour les punir, la fée, car c'était encore elle, fit disparaître les truffes du jardin des enfants indignes et les répandit dans tout le Périgord. « Quant aux fils du bûcheron, ils furent, dit-on, changés en porcs et condamnés à chercher les pommes de la fée, avec des coups de bâton sur les oreilles pour tout salaire et pour toute récompense. »

Ce « produit miraculeux » comme disait Pline passe pour un aphrodisiaque puissant. On raconte que lorsque Marie Leszczynska arriva à Fontainebleau en 1725, une femme lui apporta des truffes, lui conseillant d'en manger et d'en donner aussi à son époux Louis XV : la reine ne lui a-t-elle pas donné dix enfants. C'est à la truffe encore que Napoléon Ier devrait son héritier : ayant interrogé un de ses officiers qui « semait des enfants » de lui confier sa recette, il s'entendit répondre : « Sire, c'est bien simple, je suis de Sarlat, pays des truffes, et j'ai bon appétit. Pour me préparer aux travaux de Vénus, je mange toujours, comme faisait mon père, une dinde copieusement truffée et je bois une bouteille de champagne sec. » C'est parce que l'Empereur suivit le conseil qu'il eut un fils.

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D'après Jean-Baptiste de Panafieu, auteur de Champignons (collection Terra curiosa, Éditions Plume de carottes, 2013),


"L'une des conférences organisées à la fin du XVIIe siècle par Théophraste Renaudot permet de connaître les différentes opinions alors en cours. Certains s'en tiennent à "l'opinion commune" selon laquelle les truffes sont produites par le tonnerre, "soit que ce météore remuant la surface de la terre par l'agitation qu'il cause dans l'air qui la touche, il réveille la semence cachée qu'elle retenait en soi de cette plante ; soit que la pluie qui le suit étant engrossée d'une vertu céleste propre à cette génération, en soit la semence." Pour d'autres, sans doute plus proches de la réalité, "c'est la pluie d'automne qui fait le champignon. Ce qui se voit autant par l'expérience que par la raison, le trop grand froid de l'hiver et celui qui reste encore au printemps ne permettant pas à cet excrément de sortir au jours".

 

Dans Les champignons mortels d'Europe (Éditions Klincksieck, collection De Natura Rerum, 2015), Xavier Carteret nous amuse en nous montrant notre comportement vis-à-vis des truffes :


Enfin, on pourrait raisonnablement faire revenir Socrate à la table du banquet en évoquant sa légendaire « folie », si nous en venions à parler des truffes, de leur quête souterraine compulsive (1) à l'ivresse démoniaque des « marchés », quand la chair odorante et marbrée se change en or inodore, opaque, et noir comme un marché. Il existe, en Nouvelle-Guinée, un « bolet qui rend fou » (Boletus manicus) mais l'hybris engendré par la recherche des champignons comestibles surpasse parfois en intensité celle suscitée par les champignons hallucinogènes.


Note : 1) J'ai vu récemment, dans un reportage télévisé, une ramasseuse fondant en larmes à l'exhumation de sa première truffe saisonnière....

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Selon Francis Martin, auteur de Sous la forêt, pour survivre il faut des alliés (Éditions humenSciences, 2019) :


Les Japonais adorent déguster ce symbole du luxe à la française.

 

Dans son Grimoire de Magie forestière (Alliance magique Éditions, 2021) Lyra Ceoltoir rend compte de son expérience magique avec les champignons :


Dans le chaudron : La truffe, on ne s'en étonnera pas, représente le prestige, la go=loire, la récompense durement gagnée que l'on obtient à force d'efforts et de ténacité. Sa grande valeur culinaire associée à sa discrétion (voire sa dissimulation) la lie également à l'humilité. Elle évoque le grand mérite que l'on n'ébruite pzs, celui que seuls les fins connaisseurs peuvent apprécier, loin des étalages d'orgueil tapageurs.

C'est donc une alliée exceptionnelle pour les charmes et les sortilèges de prospérité, de victoire, de gloire et de chance. Si trouver un trèfle à quatre feuilles est un présage de bonne fortune, trouver une truffe de façon fortuite est pratiquement l'annonce d'un miracle à venir !

Enfin, en raison des qualités gustatives exceptionnelles, elle est un mets de choix pour les offrandes adressées aux dieux, aux déités et aux entités qui ne pourront qu'apprécier ce prestigieux cadeau.


Le Message de l'Autre Monde : « Je suis la fortune. Pas seulement la gain matériel, mais aussi la chance exceptionnelle qui se manifeste parfois, quand on l'attend le moins, et tombe comme une bénédiction divine sur l'heureux destinataire de ses largesses. Je promets gloire, fertilité et grandeur, mais aussi plaisir et épanouissement. tu peux me chercher toute ta vie sans jamais me trouver, car je ne me laisse pas débusquer aussi facilement. Néanmoins, il m'arrive de me montrer, presque par hasard, à de rares élus qui croisent fortuitement mon chemin. mais après tout, nous le savons bien le hasard n'existe pas... »


Sortilège : Les Lauriers de la Gloire

Pour attirer le succès et la victoire (à condition qu'ils soient mérités, la truffe ne créant pas le prestige, mais l'encourageant), préparez-vous une pomme de terre farcie aux truffes. Dans un saladier, placez 30 grammes de beurre pommade, de préférence demi-sel, et poivrez-le à votre goût. Lissez-le au fouet et ajoutez-y 10 grammes de truffes fraîches ou en conserve, coupées en fines lamelles. Mélangez soigneusement avec une spatule, versez le tout sur une bande de papier sulfurisé que vous roulerez comme une cigarette avant de le placer en congélateur pour qu'il infuse.

Pendant ce temps, préchauffez votre four à 200°C, lavez et épluchez une grosse pomme de terre. Découpez une bande de papier aluminium (d'environ 20 centimètres de large sur 25 centimètres de long) et versez-y au centre, quelques gouttes d'huile, telle que de l'huile de noix, qui se prête idéalement à cette recette. Ajoutez une belle feuille de laurier (Laurus nobilis, associé à la victoire) et une pincée de sel. Posez votre pomme de terre sur la feuille de laurier et roulez-la dessus pour qu'elle adhère correctement. Avec un couteau, ou votre athamé, s'il est parfaitement propre, gravez un sigil approprié sur le dessus de la pomme de terre, par exemple la rune Tyr ou le « V » de victoire. vous pouvez en profiter pour incanter quelque chose comme :


« Il est temps de récolter

Les lauriers durement gagnés.

Et les truffes bien méritées.

Le succès est assuré. »


Posez la feuille d'aluminium portant la pomme de terre sur la grille du four, et cuisez à mi-hauteur pendant une quarantaine de minutes. Vérifiez la cuisson en plantant une lame de couteau, qui doit s'y enfoncer facilement.

Coupez la pomme de terre en deux, taillez de fines rondelles du beurre truffé que vous sortirez du congélateur et posez-les entre les deux parties de la pomme de terre, comme pour former un sandwich.

Dégustez avec grand respect, en priant pour une gloire en juste récompense de vos efforts.

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Mythes et légendes :


D'après Angelo de Gubernatis, auteur de La Mythologie des plantes ou les légendes du règne végétal, tome 2 (C. Reinwald Libraire-Éditeur, Paris, 1882),


TRUFFES. — On se rappelle la cinquième satire de Juvénal : Post huic radentur tubera, si ver Tune erit, et facient optata tonitrua coenas Majores. Dans la campagne de Milan, on croit encore que lorsqu’au printemps, on entend les premiers coups de tonnerre et on va dans une prairie faire une culbute, dans l’endroit même, soit par la force du tonnerre ou en vertu de la culbute, des truffes pousseront à l’instant même.

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Littérature :


Molière choisit avec attention le nom d'un de ses personnages célèbres en 1666 : Tartuffe ou l'Imposteur :

  • TARTUF(F)E,(TARTUFE, TARTUFFE), subst. masc. et adj.

Étymol. et Hist. a) 1609 péj. (A. Fusy, Le Mastigophore, p. 62: Tu n'es qu'une [sic] tartuffe, qu'un butor, qu'un hapelourde) ; b) 1665 Tartuphe « hypocrite » (Robinet, in Les Continuateurs de Loret, t. 1, p. 378 ds Fonds Barbier: N'as-tu point de ces bons Artuphes (C'est qu'il vouloit dire Tartuphes) Qui font tant de bruit depuis peu, Et comme on dit sont tout à Dieu, Exceptez en le corps et l'âme) ; id. tartuffe (De Rochemont, Observations sur une comédie de Molière, intitulée Le Festin de Pierre, pp. 10-11). Empr. à l'ital.tartufo, att. dans un sens péj. (peut-être « trompeur, imposteur », cf. FEW t. 13, 1, p. 126b) dep. 1606 (G. Della Porta, Lo Astrologo, IV, 7 d'apr. M. Diot ds St. neophilol. t. 48, p. 221, où dans « Sei un tartufo », le mot est un qualificatif attribué à un personnage traité ant. de cavallo, bue, asino), issu p. métaph. de tartufo « truffe », du lat. pop. *terrae tufer « id. » où *tufer représente la forme osco-ombrienne du lat. tuber. Cf. ital. truffa « truffe », puis « plaisanterie » et « tromperie » (DEI), et fr. truffe* qui subit la même évol. en a. et m. fr. (FEW t. 13, 2, p. 385a). Au vu de l'attest. 1609 supra, Molière n'a pas inventé le nom de Tartuffe, mais c'est sa comédie (représentée pour la 1refois en 1664) qui est à l'orig. de la diffusion du mot dans la lang. cour.


La définition du substantif complète cette notice étymologique.

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