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Le Gecko


Étymologie :


  • GECKO, subst. masc.

Étymol. et Hist. a) 1734 zool. gekko (A. Seba, Locupletissimi Rerum naturalium Thesauri accurata descriptio, I, pp. 170-171 ds Mél. Gardette, p. 41) ; b) 1769 gecko (F. Hasselquist, Voyages dans le Levant, I, p. 46, ibid.). Empr. au lat. sc. gecko (1747, ibid.), gekko (1734, ibid.) remontant au néerl. (Gecco 1631, ibid., p. 40), prob. d'orig. onomatopéique, dont il est difficile de décider si elle est néerl. (ibid., p. 41) ou malaise (gekop ds FEW t. 20, p. 95a).


Lire aussi la définition pour y déceler quelques pistes de réflexion symbolique.

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Zoologie :


Selon Matt Pagett, auteur de Le petit livre de merde (titre original What shat that ?, Quick Publishing, 2007 ; édition française Chiflet & Cie, 2008) :


"Que le gecko soit domestique ou sauvage, le bruit qu'il fait la nuit quand il se déplace en croquant ses insectes donne la chair de poule. Pourtant cette petite créature aux allures de lézard n'a pas son pareil pour détruire les nuisibles tels que cafards et bestioles du même genre. Malheureusement, ses excréments peuvent tacher meubles, tapis, et autres rideaux, et du fait même il faut aussi s'en méfier.

Description : La merde de gecko ressemble à celle de la souris, des toutes petites crottes, d'un centimètre maximum, inodores et assez fermes.

Les deux font la paire : Chaque crotte de gecko est joliment décorée d'un dépôt blanc à une de ses extrémités. Comme les oiseaux et la plupart des reptiles, cet animal dispose d'un cloaque (trou par lequel l'animal défèque et urine). Quand il trouve de l'eau, le gecko la recycle ; il en résulte une production d'acide urique épais. cette substance est expulsée avec les excréments sombres, d'où des crottes bicolores genre bonbons menthe-réglisse. Cette pratique qui consiste à recycler l'eau est propre à tous les animaux qui, comme le gecko, vivent sous des climats chauds et secs.


Sables mouvants : Le gecko est sujet la constipation, qui peut même conduire à l'occlusion intestinale. Quand il se nourrit, il arrive qu'il avale du sable et des petits cailloux. Si vous possédez un gecko domestique avec une caisse faite d'un matériau dont il pourrait ingérer les particules sans pouvoir les digérer, prenez soin de la tapisser avec du papier journal.

Magique ! Vaporisez de l'huile essentielle de citron sur un chiffon doux, et imprégnez-en les rebords de fenêtres et les plinthes. Si le gecko vient à y déposer ses crottes, elles n'attacheront pas et n coup d'aspirateur en viendra facilement à bout."

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Symbolisme :

Particularité du Gecko : une force adhésive à toute épreuve.


Le lézard ou Gecko a une signification particulière dans l'ancienne mythologie Maori. Ce reptile était considéré comme l'émissaire du dieu Whiro. Whiro représentait tout ce qui est mauvais sur terre, et apportait l'infortune aux malheureuses tribus. Si les dieux étaient en colère et voulaient tuer un homme, ils invoquaient le Gecko qui entrait dans le corps de l'homme, et dévorait ses organes vitaux.


Le Gecko est aussi présent dans les motifs artistiques. Dans ce cas, le pouvoir maléfique du Gecko était transformé en une sorte de protection. La tradition orale raconte qu'une maison destinée à l'enseignement de connaissances supérieures - un Whare Wananga - avait parfois un lézard enterré en-dessous des pieux de soutènement. Et alors, l'esprit protégeait le Whare-Wananga.

Dans la culture polynésienne proche de la culture maorie, le Gecko aussi appelé Salamandre, est un animal qui relie les mortels au monde sacré. Le Gecko porte le "mana", le souffle protecteur venant des dieux. Le Gecko représente l'ascension vers la lumière, le développement de soi. Dans le Moko, le tatouage maorie, le Gecko représente la sagesse, l'agilité, l'adaptation. La repousse de la queue du Gecko symbolise le renouveau spirituel.


 

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Dans son jeu de carte L'Oracle du peuple animal (Guy Trédaniel Éditeur, 2016), Arnaud Riou regroupe les animaux par famille. Le gecko appartient selon lui à la famille de la posture avec la tortue, le taureau, le cerf, l'araignée, l'aigle, la baleine, le lion, le cygne et le sanglier.


"La posture. Les animaux en lien avec la famille de la posture vous invitent avant tout à vous aligner à vos valeurs. Lorsque nous ne sommes pas alignés, nos actions sont impulsives, réactives et émergent de la partie la plus superficielle de notre ego. Il est nécessaire alors de nous centrer, de nous relier à notre colonne vertébrale, à nos valeurs, à la profondeur de notre être. Les animaux de cette famille nous aident à mieux nous aligner pour nous retrouver.

[...] Nous cherchons tous à trouver notre place sur la Terre, à donner du sens à notre existence, à être utiles, à trouver notre voie. Nous avons besoin de vivre une vie pleine de réalisations matérielles et spirituelles, nous avons besoin d'entretenir des relations sereines et constructives. Nous avons besoin de voyager, de nous développer, d'évoluer. Pour suivre notre route, nous sommes amenés à choisir, à nous engager, à décider. Parfois, nous manquons de critères pour faire les bons choix.

Les animaux ne se projettent pas comme les humains en permanence. Ils n'ont pas un tempérament à calculer, à imaginer ce que la vie leur réserve. Les animaux s'occupent avant tout de leur posture. Ils n'anticipent pas plusieurs jours à l'avance les rencontres qu'ils aimeraient faire, la forme qu'ils aimeraient donner à leur prochain nid ou la personnalité de leurs prochains enfants. Ils ne se demandent pas pendant des heures la façon dont ils aimeraient aborder tel partenaire. Ils se contente d'aligner leur posture à leur véritable nature et d'agir naturellement.

Aligner sa posture, c'est habiter son corps, respirer profondément. C'est être présent à son cœur, le laisser résonner sans effort, être ouvert, c'est ouvrir son esprit à l'inconnu. C'est s'aligner sur ses valeurs. Ecouter la façon dont notre corps réagit à tout nouveau choix, nouvelle direction, nouvel engagement. Lorsque nous sommes alignés dans une posture juste, nous n'hésitons plu au moment de choisir : les bonnes directions nous apparaissent spontanément et sans effort. Nous rencontrons facilement les bonnes personnes avec qui nous allons réaliser des projets fructueux. C'est à cet alignement que les animaux de la posture vont nous accompagner. [...]


Entre le ciel et la terre,

Du changement j'éclaire le mystère.

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La carte représente un Gecko, un lézard coloré qui prend le soleil sur la porte d'une maison. L'environnement et le bleu azur nous rappellent l'ambiance des villages du Sud.

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Le Gecko est un petit reptile de la famille des squamates, un lézard. On l'appelle aussi margouillat, cikcaks aux Antilles, ou toke en Indonésie. Il semble que son nom lui vient de son cri "Ge-Koo". Si vous avez la chance d'entendre le son du Gecko, soyez attentif à son message. S'il pousse deux cris, il vous annonce une rencontre ou une séparation, trois cris, un choix à faire, sept cris, c'est qu'il vous transmet un message auspicieux ! La particularité du Gecko est qu'il grandit toute sa vie. Comme il s'adapte très facilement à son environnement et notamment aux variations de température, on le retrouve autant dans les zones équatoriales, tropicales ou tempérées.

Le Gecko n'est pas un animal très farouche. Dans les régions chaudes et humides, il visite régulièrement les maisons. Il est alors bienvenu, car il se nourrit essentiellement d'insectes et particulièrement de moustiques ! C'est pourquoi le Gecko est toujours bienvenu dans la maison. Il est le porte-bonheur du foyer. Plusieurs cultures posent un Gecko en bois sculpté sur le seuil de la maison pour en assurer la protection. Comme différents lézards, le Gecko connaît l'art du camouflage. Certaines espèces sont très colorées, d'autres ont l'apparence du bois, des feuilles, ou de la pierre. Leur coloris peut varier en fonction de la température, de leur environnement et de leur métabolisme. Le rôle de la peau est important dans la compréhension du totem du Gecko. Celle-ci est composée d'écailles parfois presque invisibles qui lui donnent un aspect lisse. La peau et les organes ne grandissent pas à la même vitesse. C'est pourquoi le Gecko mue plusieurs fois dans sa vie. Il fait peau neuve. De même, lorsqu'il est attrapé, il est capable de sacrifier sa queue et de s'en séparer volontairement. Dans ce cas, sa queue repoussera. Il peut réaliser cette transformation plusieurs fois dans son existence. Les pattes du Gecko se distinguent aisément à leurs petites ventouses, les setaes, des organes microscopiques qui permettent à ce lézard de marcher la tête en bas, de grimper sur des parois totalement lisses comme des vitres. Le Gecko est lié à la transformation. Il change de peau. Il a une grande importance dans la culture maorie qui considérait autrefois le Gecko comme l'émissaire du dieu Whiro, l'incarnation du mal sur la Terre. Ainsi, lorsque les dieux étaient en colère, ils invoquaient le Gecko qui pénétrait le corps de l'homme pour lui manger ses organes. Mais dans L'Oracle du peuple animal, la notion de bien et de mal s'entend très différemment. Le Gecko permet à l'homme d'effectuer sa transformation. Il lui permet de changer de peau, et ainsi de se relier à sa dimension spirituelle. Le Gecko est un messager des dieux. Il relie le monde terrestre au monde des esprits. Il expire le mana, le souffle protecteur des dieux. En rencontrant le Gecko, c'est votre propre nature que vous rencontrez.


Lorsque le Gecko vous apparaît dans le tirage, c'est souvent pour vous parler de transformation, de mutation, de changement. Le Gecko vous invite à vérifier que votre transformation intérieur est proportionnelle à votre expansion. Parfois, vous pouvez être très développé spirituellement, mais ce développement ne se prolonge pas dans vos activités, dans votre métier, dans vos relations. Parfois vos activités se développent, vous gagnez beaucoup d'argent, mais vous cherchez du sens à votre vie et vous ressentez une pauvreté intérieure. Le Gecko vous invite à créer le lien entre l'intérieur et l'extérieur, entre vos valeurs et les actes que vous posez pour les honorer. Le Gecko fait partie de la famille de la posture. Il vous invite, plutôt que de vous concentrer sur le changement, à vérifier votre posture. C'est de l'intérieur que la transformation s'opère. En écoutant vos besoins fondamentaux, votre transformation s'harmonisera naturellement.


Mots-clés : La transformation - La congruence - L'équilibre - L'introspection - La protection - Le message - L'habitat - Le foyer - Le développement - le sacrifice - Le non-jugement.

Signification renversée : Le Gecko peut vous apparaître dans sa forme renversée pour vous signaler que vos actes ne s'inspirent pas suffisamment de vos valeurs ou qu'au contraire, votre spiritualité ne s'incarne pas. Il peut vous interroger sur votre rythme. Le Gecko vient alors vous visiter pour vous encourager à vous aligner. Il peut être nécessaire de sacrifier quelque chose qui ne vous convient pas. Le Gecko peut vous accompagner dans la mue. Car au moment où l'homme change de peau, où il brûle le vieil homme pour laisser émerger l'homme neuf, il se trouve quelques instants dans une situation de vulnérabilité. C'est pourquoi beaucoup préfèrent se raccrocher à l'ancien, au connu. Mais le changement est indispensable à toute évolution. C'est ce changement que le Gecko vient accompagner.

Le message du Gecko : Je suis le messager des Dieux. Je suis capable de grimper toutes les parois. Je n'ai besoin d'aucun levier. Je peux marcher sur le plafond et marcher la tête en bas. Pour moi, l'envers et l'endroit n'existent pas. Pas plus que n'existent le bon et le mauvais, le raté et le réussi, la défaite ou la victoire. C'est en plongeant dans les profondeurs de sa psyché que l'on révèle sa beauté. Je suis le lézard de la non-dualité. Je vais t'apprendre à te libérer du jugement. Tous ces jugements que tu portes sur toi, sur les autres, sur ton environnement, c'est de l'énergie perdue qui se dissipe inutilement. Rien n'est intrinsèquement bon ou mauvais. Un moustique est mauvais pour les humains et il fait mon régal à moi qui m'en nourris ! Avec moi, tu vas faire l'expérience de la non-dualité et de la totalité de ton être. Je suis le Gecko et je viens t'accompagner sur la voie de la libération.

Le rituel du Gecko : Je rends hommage au Gecko. Le lézard qui accompagne les transformations. Je me libère du jugement et j'accepte ce qui est. Lorsqu'un événement nous arrive, il n'est ni bien ni mal, c'est notre jugement qui le catalogue ainsi. Je dresse une liste de cinq événements, qui me sont arrivés, que j'ai considérés alors comme des mauvaises nouvelles. Je faits une autre liste avec des événements considérés alors comme des bonnes nouvelles. A présent, j'inverse mes jugements. Je trouve l'aspect négatif de ce que j'ai considéré comme une bonne nouvelle et l'aspect positif de ce que j'ai considéré comme une épreuve ! Je respire profondément et laisse fondre mes jugements."

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Mythologie :


Selon Hélène Vial auteure d'un article intitulé "Le rire dans le mythe ovidien de la métamorphose" (paru dans la revue Humoresques, CORHUM Humoresques, 2006) :


S’intéresser au rire dans les récits ovidiens de métamorphoses animales peut sembler paradoxal, car ces métamorphoses se déroulent souvent dans une atmosphère tragique, soit qu’elles résultent d’un paroxysme de douleur qui conduit un être à changer de nature, soit que, vécues comme un déchirement entre le corps et l’âme, elles constituent elles-mêmes ce paroxysme. C’est même ce qui définit la parenté entre ces récits aussi différents entre eux que le sont entre elles les espèces animales mises en scène : tous mettent en œuvre la lutte, presque toujours dramatique et violente, qu’implique le basculement dans l’animalité, et la possibilité, ouverte par le travail poétique, d’entrevoir, dans l’instant de ce basculement, « cette frange douteuse, cette zone incertaine entre l’homme et l’animal » (1) qui est peut-être le principal sujet du récit.

Dans cette perspective, le rire est souvent celui que la métamorphose vient interrompre et châtier parce qu’il a offensé une divinité. Ainsi, au livre V, la déesse Cérès transforme-t-elle en lézard un enfant effronté qui, la regardant boire, s’est moqué d’elle (risit… auidamque uocauit, « il se met à rire et l’appelle goulue » (2)). La réponse divine est immédiate : Cérès lance sur l’enfant ce qui reste de breuvage et ce geste magique d’aspersion signe le début d’une métamorphose dont le véritable déclencheur, sur le plan narratif, a été le rire du jeune garçon :

  • Son visage s’imprègne de taches (maculas) ; ses bras font place à des pattes ; une queue s’ajoute à ses membres transformés ; son corps est réduit à de faibles proportions, pour qu’il ne puisse pas faire grand mal ; sa taille est inférieure à celle d’un petit lézard. La vieille femme étonnée pleure et cherche à toucher cet animal né d’un prodige ; mais il la fuit et court se cacher ; il porte un nom qui rappelle la couleur de son corps, constellé (stellatus) des gouttes (guttis) qu’il a reçues çà et là. (3)

L’enfant moqueur n’accomplit, par sa transformation, ni un destin mythologique implacable, ni un douloureux itinéraire intérieur : c’est le jeu poétique qui règne ici, comme si le poète affirmait dans la matière poétique même une fraternité rieuse avec l’enfant transformé. En effet, les gouttes de liquide, au contact du corps de l’enfant, deviennent les taches du gecko ; c’est du moins ce que nous comprenons, car Ovide, lui, dit exactement le contraire : ce sont les maculae qui donnent naissance aux guttae. Par cette étonnante inversion, Ovide souligne l’identité poétique entre le terme initial et le terme final de la métamorphose et rend presque naturel le récit de celle-ci ; surtout, il montre à l’œuvre l’alchimie poétique qui, d’un matériau vil et périssable (le breuvage de Cérès), fait, par absorption et transmutation, un signe indélébile et précieux (les marques qui constellent le corps du lézard). Comme pour couronner le processus, le lézard issu de la transformation du petit garçon aspergé par Cérès est dit stellatus, « constellé », et le poète laisse entendre qu’il tire de cette particularité son nom, stellio (4). C’est alors le geste même du poète qui, tel le lézard, entre furtivement dans notre champ de vision pour en sortir aussitôt.


Notes : 1) : J.-F. Peyret et A. Prochiantz, La Génisse et le Pythagoricien, O. Jacob, 2002, p. 10.

2) : Ovide, Métamorphoses, V, 452.

3) : Ibid, V, 455-461.

4) : Ovide est le premier à mentionner cette étymologie (cf. A. Michalopoulos, Ancient Etymologies in Ovid’s Metamorphoses : A Commented Lexicon, Leeds, Francis Cairns, 2001).

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Contes et légendes :

Lewis Mehl-Madrona dans Ces histoires qui guérissent, la sagesse du coyote (Édition originale, 2005 ; Guy Trédaniel Éditeur, 2007) rapporte une histoire qui lui a permis d'aider une de ses patientes, Rhonda :


"Il était une fois, sur les îles hawaïennes, un jeune gecko du nom de Moki. Moki était un lézard ordinaire, à tous les égards, à l'exception d'un point : il possédait le rire le plus fort et le plus détestable qu'on eut jamais entendu. Moki et son ami Hibou s'attiraient constamment des ennuis à cause de leurs farces, et surtout à cause des conséquences du rire de Moki.


Cette histoire, comme toutes celles de ce genre-là, se déroula il y a très longtemps, parce que c'est toujours comme ça. Elle eut donc lieu à l'époque du Grand Choix, quand chaque famille noble dut choisir l'animal qui serait son totem de pouvoir, ou amakua. Une cérémonie très sérieuse et très importante se tiendrait ce soir-là, aussi les parents de Moki le prévinrent-ils de bien se tenir. Ils soulignèrent combien il était important qu'il soit sérieux et ne rie pas, fût-ce une seule fois, au risque de faire honte à toute la famille gecko.

Moki consentit solennellement à ne pas rire, à ne pas raconter de blagues et à ne faire aucune farce. Il serait un modèle de bienséance, tout comme son compère et complice, Hibou. Ils prirent la résolution d'être plus sérieux que sérieux, plus parfaits que parfaits, plus calmes que calmes, d'être les meilleurs des meilleurs [chose que Rhonda, à mes yeux, tentait précisément de faire : être la meilleure étudiante, la meilleure anorexique et plus déprimée que les déprimés].

La nuit tomba et le souffle des conques résonna pour appeler les hommes et les animaux à se réunir. Toutes les ali'i, les familles nobles, étaient présentes, y compris le plus grand roi de toutes les îles. Le plus puissant kahuna à la ronde présidait cet événement majestueux, au service du roi, chaque famille s'avançant, selon son rang et son statut, pour choisir son animal de pouvoir pour toujours. Un à un, les animaux furent choisis. Le faste et le décorum de cette cérémonie furent préservés, jusqu'à ce que Moki remarque l'homme le plus gros qu'il n'eut jamais vu s'avancer en se dandinant pour aller choisir son animal de pouvoir. "Oh, surtout pas nous, songea-t-il. Tu nous écraserais sans même t'en rendre compte." Cette idée rappela à Moki une blague à propos d'un grand et gros crapaud. Plis il s'efforçait de ne pas y penser, plus elle lui occupait l'esprit, jusqu'à ce qu'il la raconte à Hibou, et soudain les deux compères ne purent plus se retenir et partirent d'un grand éclat de rire. La cérémonie s'arrêta brutalement. Le silence était général, à l 'exception de leur rire. Bientôt ils constatèrent que le tambour s'était tu, les chants aussi, et que tous les regards étaient tournées vers eux. Le rire de Moki était le plus tonitruant, et c'est donc sur lui que le kahuna concentra sa colère.

"La famille gecko a déshonoré cette cérémonie solennelle. Ils doivent s'en aller immédiatement. Ils ne seront choisis par personne." Le kahuna se croisa les bras, qu'il avait immenses, autour de la poitrine et se dressa de manière imposante au-dessus des geckos. Moki fit demi-tour et s'enfuit dans la jungle, avant que ses parents ne s'en prennent à lui. Il aurait voulu mourir le soir même dans la jungle, tellement il était embarrassé. [J'abordais là le thème de l'envie de mourir, peut-être pour indiquer d'autres solutions à Rhonda, ou peut-être pour lui montrer combien cette réaction était stupide quand elle émane de quelqu'un d'autre, surtout un animal tel qu'un gecko rigolard.]

Moki courut, courut et courut encore. Il courut si fort et si loin qu'il ne savait plus du tout où il se trouvait. il souhaitait seulement que la première créature venue dan la jungle lui saute dessus et le dévore. Il était à ce point mortifié qu'il savait qu'il ne pourrait jamais revenir. Il ne pourrait jamais affronter à nouveau ses parents ni aucun autre animal. Il ne pourrait plus jamais regarder en face le kahuna ni aucune des ali'i. Il pouvait tout aussi bien mourir.

Lorsqu'il fut si essoufflé et épuisé qu'il se crut sur le point de mourir dans sa fuite, il entendit un bruit qui n'appartenait pas à la jungle. "Qu'est-ce que c'est que ça ?" se demanda-t-il. Il écouta plus attentivement et identifia une petite fille qui pleurait. Il suivit le son de ses sanglots jusqu'à une clairière et la trouva assise toute seule, des larmes lui coulant sur les joues.

"Petite fille, dit Moki, qu'est-ce qui ne va pas, et pourquoi es-tu là toute seule ? C'est dangereux la nuit, dans la jungle."

La petite fille se redressa de tout son haut, se comportant avec toute la fierté dont est capable une enfant qui sanglote. "Je suis la fille du grand chef, dit-elle. Papa ne voulait pas me laisser venir à la cérémonie. Il a dit que j'étais trop jeune et m'a forcée à rester à la maison. J'étais résolue à lui montrer de quoi j'étais capable et à m'y rendre par moi-même. Mais je me suis perdue et je n'arrive pas à le retrouver, et je ne sais plus du tout où je suis.

- Moi non plus, songea Moki, qui résolut de ne pas le dire, devant se montrer courageux pour la princesse. Ne vous inquiétez pas, princesses, fit-il. Je reviens de la cérémonie et je trouverai bien le moyen de vous y conduire."

A moment où Moki prit sa main pour la ramener par le chemin qu'il avait emprunté, une ombre immense s'abattit sur eux. Il leva les yeux et vit un immense crapaud qui pesait au moins deux cents kilos. Des plaies et des verrues recouvraient sa peau dont suintait une substance visqueuse. Pire, ce crapaud puait. Ses yeux étaient pareils à des charbons ardents sertis dans sa face malveillante.

"Euh, bonjour M. Crapaud, dit Moki. Voici la fille du grand chef, je la ramène à la cérémonie. Vous pouvez aussi venir, balbutia-t-il.

- Non, dit Crapaud. Je crois que je vais rester là et que je vais vous emmener tous deux à dîner. Tu seras l'apéritif et elle le plat principal.

- Mais, que va sire le grand chef ? implora Moki. Vous ne voulez pas mettre le grand chef en colère ?

- Je mets en colère qui je veux, cria Bufo qui regardait Moki dans les yeux au point que celui-ci se sentait comme engourdi. Sa volonté semblait se retirer de lui. Il se surprit à avancer lentement vers la gueule grande ouverte du crapaud.

- Moki, non ! cria la princesse. Ne regarde pas ses yeux. Tu es sous son charme. Lutte contre cela, Moki. Bats-toi, fais-le pour moi." [Parallèlement, je souhaitais que Rhonda combatte la fascination séductrice qu'exerçaient sur elle le suicide et l'anorexie qui, comme les yeux du crapaud, semble vous soumettre à son emprise ensorcelante.]

Moki avait beau essayer de toutes ses forces, il n'arrivait pas à se libérer. Le regard du crapaud pesait de tout son poids sur lui, lui imposant sa volonté. Moki était dangereusement proche du trou béant de sa gueule, à une bouchée de l'annihilation, lorsqu'il se souvint soudain de la blague pour laquelle il s'étai fait expulser e la cérémonie du choix, et il se mit à rire de façon incontrôlable. Cela irrita terriblement Bufo, car le premier plat n'était pas censé éclater de rire.

- Qu'est-ce que te fait rire ? demanda Bufo.

- Hé ! lui dit Moki. Tu sais où dort un crapaud de deux cents kilos, la nuit ?

- Où ? demanda Bufo, intrigué.

- Où il veut ! répondit Moki, en gloussant encore. Bufo marqua une pause pour y réfléchir. Puis, il se mit lentement à rire, son gros corps se secouant et tremblant à chaque éclat de rire. Il ne tarda pas à être pris d'une hilarité incontrôlable, lui aussi.

- T'es quelqu'un de bien, Moki, dit le crapaud. Et je ne comptais pas te manger.

- A peine, que tu n'y comptais pas! songea Moki, mais il garda sagement ses pesées pour lui-même.

- En fait, je suis un type bien, dit Bufo, qui souffre simplement d'un problème de peau.

- Aide-moi à la ramener à la cérémonie, demanda Moki, et tu pourras y manger plein de choses. Bufo accepta et ils se mirent tous trois en route à travers la jungle, en empruntant des raccourcis que connaissait le crapaud. Parvenus sur les lieux de la cérémonie, ils offraient la vision la plus étrange qui se pouvait imaginer : une petite fille, un immense crapaud et un gecko hilare, car Moki avait continué de raconter des blagues pour que le crapaud reste de la meilleure humeur possible.

- Stop ! crièrent les gardes, la lance prête à servir.

- Non, dit la princesse. laissez-les passer. Le crapaud Bufo est mon ami et le gecko m'a sauvé la vie. les gardes reconnurent la princesse et s'inclinèrent devant elle. Lorsque son père la vit, il demanda à savoir comment elle était arrivée là. Lorsqu'il eut entendu son histoire, il invita Bufo à se remplir la panse, et il lui restait des choses à dire à Moki.

- Petit gecko, dit-il. tu as restauré l'honneur de ta famille. Malheureusement, tous les animaux de pouvoir ont été choisis. Mais il reste un honneur, être l'animal de pouvoir de toutes les îles. Celui-là, j'en fais cadeau à la famille gecko. A partir d'aujourd'hui, tu seras l'amakua de ces îles sur lesquelles je vis.

Moki était fier, si fier qu'il put à nouveau regarder ses parents dans les yeux sans avoir envie de mourir. Et ils rentrèrent joyeusement chez eux."

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Littérature :


Yves Paccalet, dans son magnifique "Journal de nature" intitulé L'Odeur du soleil dans l'herbe (Éditions Robert Laffont S. A., 1992) évoque l'étrangeté du Gecko :

10 février

(La Bastide)


Œil fissuré ; tête plate ; museau rond ; doigts élargis en palettes adhésives ; queue épineuse : ainsi s'avance la tarente - le gecko des murs. Quinze centimètres de monstruosité pure.

J'en connais personnellement cinq. Trois ont élu domicile au-dessus de la porte de la cuisine, dans les tuiles du toit. Au printemps, ces reptiles capturent les insectes nocturnes attirés par les lampes ; chasses subtiles. La tarente approche de sa proie millimètre par millimètre. Elle se fige, puis bascule vers l'avant : le moustique ou la phalène est dans sa bouche. Elle l'avale ; puis (je l'ai toujours vue procéder de la sorte) elle se lèche les babines jusqu'aux yeux avec sa longue langue rose.

Mes deux autres geckos familiers logent dans un mur de pierres disjointes, au-dessus de la route. Ils s'exposent au soleil quand il fait doux. Ils ont les écailles barbouillées de suie (tandis que ceux de la maison mêlent les ocres, les roses et les gris perle aux blancs bleutés). Le matin, je les approche à les toucher. L'après-midi, gorgés d'énergie, véritables piles photovoltaïques, ils plongent dans leur cachette au moindre mouvement.

Parfois, nous nous offrons de superbes expériences du regard sartriennes Ces lézards ont des yeux fascinants : deux ellipses d'argent à pupille sinusoïde verticale. Je ne sais comment la tarente juge les miens ; toujours est-il que nous nous néantisons mutuellement. Je te fixe, tu me fixes ; tu es étranger. Si tu restes tranquille, je te tolère. Si tu t'approches, je fuis, et, en fuyant, c'est toi que je fais disparaître...

Lorsque le gecko se ramasse pour plonger dans son trou, mes muscles se contractent. Quand il saute au sein de la terre, je recule. Le rapport de forces rend ce réflexe imbécile. Mais la raison n'a rien à faire ici : c'est ce qui donne sa richesse à l'épisode.

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